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Le gouvernement burundais s'en prend à la Deutsche Welle

La rédaction19 mai 2016

Notre article sur le recrutement de certains des "Imbonerakure" nous a attiré une vive colère de la part de l'un des membres les plus influents du régime burundais. Nous ne tentions que d'avoir la version officielle.

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Willy Nyamitwe est le conseiller à la communication du président Pierre Nkurunziza
Willy Nyamitwe est le conseiller à la communication du président Pierre NkurunzizaImage : DW/J-C Abalo

La crise au Burundi fera l'objet ce week-end d'un dialogue en Tanzanie. Signe que la situation est toujours préoccupante, l'ONU a réitéré lundi ses inquiétudes face à la montée des violences dans ce pays. Or parfois, les informations que nous publions dérangent. Mais l'obligation d'informer nous y contraint. C'est le cas par exemple de notre article sur le recrutement de membres de la ligue des jeunes du parti, les Imbonerakure. Un article qui nous a attiré les foudres de l'un des membres les plus influents du régime burundais.

Information sensible sur les Imbonerakure

Les "Imbonerakure" sont accusés de servir de bras armé au parti au pouvoir le CNDD-FDD
Les "Imbonerakure" sont accusés de servir de bras armé au parti au pouvoir le CNDD-FDDImage : Getty Images/AFP/A. Vincento

Tout a commencé la fin de la semaine dernière lorsque notre rédaction a décidé de traiter une information qui lui était parvenue, concernant le Burundi. Cette information faisait état du recrutement, au sein de la police et de l'armée, de membres de la ligue de la jeunesse du parti au pouvoir au Burundi, le CNDD-FDD.

Cette ligue, appelée « Imbonerakure », c'est-à-dire « ceux qui voient loin » dans la langue nationale burundaise Kirundi, est soupçonnée d'être une milice au service du pouvoir, et ce avant même le déclenchement de la crise politique en avril 2015 avec l'annonce de la candidature de Pierre Nkurunziza.

Vérification, recoupement des sources

L'information est sensible. Nous décidons de la porter à la connaissance de nos auditeurs après un traitement comme l'exige la ligne éditoriale de la Deutsche Welle : vérification des faits par recroisement des sources, puis en donnant ensuite la parole à toutes les parties concernées. Parmi nos sources, une retient particulièrement l'attention. Il s'agit d'un ancien officier de la police qui vit aujourd'hui en exil. Il indique l'existence d'entraînements d'éléments issus des Imbonerakure et insiste sur le fait que ce groupe gagne en influence et a tendance même à prendre plus d'importance que les professionnels des services de sécurité du Burundi.

Confronter les autorités avec l'information pour entendre leur version des faits

Une commission d'experts de l'ONU enquête depuis début mai sur les violences au Burundi
Une commission d'experts de l'ONU enquête depuis début mai sur les violences au BurundiImage : Getty Images/AFP/S. Aglietti

Deuxième étape du traitement de l'information, la confrontation de nos informations avec la version officielle.

C'était dimanche 15 mai, notre collègue Eric Topona appelle au téléphone Willy Nyamitwe. Il y a longtemps que le conseiller à la communication du président Nkurunziza ne nous avait plus accordé d'interview. Mais s'il a décroché cette fois, Monsieur Nyamitwe n'a pas caché son agacement par rapport à l'appel de notre rédaction. Il nous a notamment reproché de "colporter des rumeurs" en essayant de nous comparer à d'autres rédactions qui sont meilleures à son goût parce que ne s'étant pas intéressées à l'information qui nous fait réagir. Monsieur Nyamitwe a fini en raccrochant au nez à notre collègue qui n'a pas pu poser ses questions.

Or Monsieur Nyamitwe a quand-même réagi à la diffusion de notre article. Mais sur le réseau social Twitter.

Willy Nyamitwe tweete sa colère

Immédiatement, le conseiller à la présidence burundaise s'en est violemment pris à notre collègue Eric Topona dans une série de tweets, en commençant par informer de l'appel qu'il venait de recevoir de notre rédaction, en écrivant que l'information ayant motivé l'appel était une "rumeur".

Dans un autre tweet, Willy Nyamitwe parle de notre appel comme d'une "perte de temps".

Ces tweets de Monsieur Nyamitwe ont suscité des réactions y compris en langue Kirundi. Certains soutenant le conseiller, d'autres prenant la défense de la Deutsche Welle.

Réactions et soutiens

En effet, beaucoup de Burundais ont ensuite posté des tweets, certains avec image à l'appui, pour contredire Willy Nyamitwe.

Devant cette situation, les autorités de la Deutsche Welle ont réagi. La cellule de communication a fait savoir qu'elle rejetait les accusations proférées par la présidence burundaise. Elle souligne aussi que la campagne d'agitation contre les journalistes ne changent rien aux informations dont fait état notre collègue Eric Topona ainsi que de nombreux autres confrères de par le monde.

Intégralité de la déclaration de la Deutsche Welle

«La Deutsche Welle fait son travail de journalistes. Avec tenue, courage, mesure, différenciation. Elle rejette avec fermeté le reproche de colporter des rumeurs sur la situation au Burundi. Elle informe sur la triste réalité du pays. La campagne d'agitation contre des journalistes ne change rien aux faits dont fait état notre rédacteur Eric Topona, ainsi que de nombreux autres confrères de par le monde, dans le plus grand respect des principes journalistiques.Des attaques personnelles dirigées contre des journalistes prouvent en revanche l'importance d'une information indépendante sur les évolutions au Burundi.»