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Violences à Berlin le jour de vote d'une loi sanitaire

Hugo Flotat-Talon | Avec agences
18 novembre 2020

Violents affrontements entre policiers et des milliers de manifestants contre une réforme sanitaire en pleine pandémie.

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La police a ordonné la dissolution de ce rassemblement en milieu de journée
La police a ordonné la dissolution de ce rassemblement en milieu de journéeImage : Andreas Rabenstein/dpa/picture alliance

Contrairement à ce qu'il se passe parfois dans d'autres pays européens, ces images sont rares en Allemagne : celles de la police qui utilise des canons à eau pour disperser des manifestants. C'est ce qu'il s'est passé à Berlin ce mercredi 18 novembre. Entre 5.000 et 10.000 personnes s'étaient réunies en plein coeur de la capitale allemande pour protester contre les mesures de restrictions imposées par les autorités pour contrer la pandémie de Covid-19 et protester contre le vote d'une réforme sanitaire, notamment l'adoption de la "loi sur la protection contre les maladies infectieuses"

Que disent les manifestants ? 

De nombreuses manifestations avaient, comme c'est la règle en Allemagne, été déclarées pour ce mercredi, dans le quartier gouvernemental. Toutes ont été interdites, au motif notamment que l'accès au Bundestag pourrait être entravé. Les "Querdenker", "libres penseurs" comme ils se nomment eux-mêmes accusent le gouvernement d'Angela Merkel de vouloir instaurer une "dictature" en pleine pandémie.

Ces opposants aux mesures liées à l'épidémie de Covid-19 rassemblent militants anti-vaccins, conspirationnistes ou sympathisants d'extrême droite. Beaucoup n'acceptent pas les règles de restriction sociale en vigueur, certains évoquent un "complot" de l'industrie pharmaceutique et des gouvernements ou réfutent l'utilité du port du masque.

Des manifestations ont lieu dans toute l'Allemagne depuis plusieurs semaines, parfois avec violences. Le 7 novembre dernier, une manifestation de Leipzig, dans l'est du pays, avait fait la Une de l'actualité. Plus de 20.000 personnes s'étaient réunies et la manifestation avait terminé en violences, avec parfois des agressions contre la presse et les forces de l'ordre. 

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Ce mercredi, par crainte de nouvelles agressions de journalistes, les locaux de certains médias basés dans la capitale allemande ont même été mis sous protection policière. 

Pourquoi parlent-ils de "dictature" ?

Sur internet, dans la rue, dans des flyers parfois distribués dans les boîtes aux lettres, les opposants dénoncent la "disproportion" des mesures prises ces derniers mois. Ils dénoncent "l'atteinte aux libertés", alors que les mesures restreignent les déplacements ou les possibilités de rencontres et de sortie. D'autres, plus extrémistes, n'hésitent pas à comparer régulièrement la situation actuelle avec celle de l'année 1933, date de l'arrivée à la chancellerie d'Adolph Hitler. Des discours savamment entretenus par le parti d'extrême-droite AfD, dont le président au Bundestag Alexander Gauland emploie lui aussi le mot "dictature" dans ses prises de parole. 

Comment sont prises les décisions actuellement ?

Le 25 mars 2020, l'Allemagne a renforcé l'Infektionsschutzgesetz, loi sur "protection des infections", ou "loi sur la protection contre les maladies infectieuses". Elle existait déjà par le passé, mais, avec les changements du printemps, confère désormais des compétences renforcées en temps d’épidémie au ministre fédéral de la Santé, sans devoir passer obligatoirement devant le parlement national ou les parlements régionaux. Une loi censée faciliter et accélérer les décisions en pleine pandémie, alors que la lutte contre les maladies relève normalement de la compétence des Länder en Allemagne, un Etat fédéral. 

Angela Merkel et le ministre fédéral de la santé Jens Spahn
Angela Merkel et le ministre fédéral de la santé Jens SpahnImage : Michael Kappeler/dpa/picture alliance

Dans la classe politique, des critiques émanent depuis plusieurs semaines. Les députés reprochent de plus en plus au gouvernement central et aux ministres-présidents des 16 Länder de décider seuls, plutôt que de demander approbation des règles aux députés nationaux ou régionaux. "Se concerter, soupeser les arguments, prendre des décisions et les contrôler, c’est le rôle du Parlement, et ce particulièrement en période de crise", déclarait par exemple récemment, Kathrin Göring-Eckhart, chef de file des Verts au Bundestag. 

Mais "faire une comparaison entre 2020 et 1933 est absurde, infâme", estiment certains en évoquant le débat actuel. "La loi dite d'habilitation était une loi par laquelle le Reichstag renonçait fondamentalement à son droit de légiférer, ce qui n'est pas le cas", explique l'avocat Christoph Möllers chez nos confrères de la radio publique Deutschlandfunk ce mercredi. 

Quelle réforme vote le parlement ce mercredi ? 

Les décisions prises les derniers mois, comme celles de fermer les restaurants ou d'interdire les voyages touristiques entre différentes régions, ont parfois été portées devant la justice, avec succès. C'est pour éviter ce genre de décisions et de cacophonie que la coalition au pouvoir a présenté une nouvelle réforme de l'Infektionsschutzgesetz, qui est votée ce mercredi par les deux chambres du Parlement, Bundestag et Bundesrat. 

415 députés du Bundestag ont voté en faveur de la loi ce mercredi, 236 contre
415 députés du Bundestag ont voté en faveur de la loi ce mercredi, 236 contreImage : Michael Kappeler/dpa/picture alliance

Ainsi une liste de mesures concrètes possibles est maintenant définie plus précisément. Cela concerne les restrictions de sortie ou de contact, l'obligation de port du masque, les fermetures d'écoles ou de garderies ou encore les restrictions de manifestations. La liste doit donner une base juridique. Les restrictions pourront être prise en cas de "situation épidémique", terme défini selon des critères précis dans la loi. Le Bundestag gardera tout de même la possibilité de "révoquer" cet état de situation épidémique.

La loi prévoit également une priorisation en cas de vaccination à grande échelle. Les personnes à risque et les professionnels de la santé, ainsi qu'à d'autres secteurs considérés comme particulièrement importants seraient prioritaires. La loi assurerait aussi aux parents de recevoir une indemnisation financière en cas de quarantaine ordonnée pour un enfant. 

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Cette loi est présentée comme une avancée par certains professionnels du droit et le gouvernement à Berlin. D'autres critiquent toujours le fait que les prises de mesures ne soient pas toutes conditionnées à un vote des députés ou réfutent l'idée même qu'une "liste des restrictions à la liberté" puisse être prévue.