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Un rapport qui fait du bruit avant sa publication

3 septembre 2010

Ce rapport c'est celui qui doit être publié le 1er octobre par le Haut Commissariat de l'ONU pour les droits de l'homme. Il concerne les crimes commis en République démocratique du Congo de 1993 à 2003.

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Femme fuyant les combats dans l'estImage : AP

La période couverte va des premiers pogromes ethniques dans l'ex-Zaire jusqu'à la fin officielle de la guerre au Congo. Le Rwanda notamment est montré du doigt. Ce rapport, relève la Süddeutsche Zeitung, contient de graves reproches contre le Rwanda et ses alliés. Raison pour laquelle le président rwandais riposte en menaçant de retirer les troupes rwandaises du Darfour. Paul Kagame, qui s'est fait réélire récemment dans des conditions douteuses, réagit toujours avec une extrême susceptibilité lorsqu'il est interpellé pour des violations présumées des droits de l'homme commises par les forces rwandaises au Congo. Il est probable, estime le journal, que dans la version du rapport qui sera publiée, les Nations unies reverront à la baisse le choix des mots pour éviter le conflit avec le Rwanda. La Grande Bretagne et les Etats-Unis entretiennent d'étroites relations avec Kagame dont le pays, à l'instar de l'Ouganda, sert aux occidentaux de tête de pont stratégique vers une région instable, mais riche en matières premieres.

La Tageszeitung estime que la formulation des faits reprochés au Rwanda est déjà extrêmement prudente dans la version du rapport obtenue par différents journaux européens, dont la TAZ précisément. Il est simplement question à propos des attaques de l'armée rwandaise contre les réfugiés hutus rwandais au Congo, en 1996-97 , "d'éléments incriminants qui pourraient être qualifiés d'actes de génocide s'ils étaient prouvés devant un tribunal compétent". Le journal ne comprend donc pas toute cette excitation, injustifiée à ses yeux. D'autant, ajoute-t-il, que les agissements de l'armée rwandaise contre les réfugiés hutus ne sont que l'un des nombreux chapitres du rapport.

Mais l'hebdomadaire Die Zeit souligne que le capital politique de Kagame, son prestige international comme réformateur, dépend de sa réputation de militaire qui a sauvé, et non vengé ou "nettoyé". Où est la vérité, s'interroge le journal, où est la propagande, où sont les faits historiques? Et qui a le pouvoir, ou la légitimation de répondre à ces questions? Les Nations unies, poursuit le journal, ont développé au fil des ans une étonnante capacité: celle de récapituler dans de volumineux rapports les pires exemples de leur propre défaillance. C'est ce qui vient de se produire une fois de plus avec ce rapport de plus de 500 pages. Et maintenant? demande encore Die Zeit. La confrontation avec les guerres et les atrocités exige un minimum de stabilité, elle requiert de la patience, de l'argent, des historiens professionnels, des archivistes et une justice indépendante - au besoin internationale. Rien de cela n'existe pour le Congo.

Straßenkämpfe in Mogadischu
Image : AP

Entre islamisme et dollars

En Somalie les combats se sont un peu calmés à Mogadiscio. Cela n'empêche pas la presse allemande de continuer de s'intéresser aux insurgés islamistes. Exemple la Süddeutsche Zeitung qui note qu'en Afghanistan ils s'appellent "les étudiants" - les taliban, et en Somalie "les jeunes", les chebaab. Les deux mouvements se réclament d'un islam primitif qu'ils veulent imposer de force. Leur ascension et leur enracinement dans la population ont été encouragés dans les deux cas par des décennies de guerre, de guerre civile, d'intervention étrangère, de corruption, de désastre économique et de désespoir, souligne le journal. En Somalie les chebaab sont mieux équipés que les forces gouvernementales, et contrôlent la majeure partie du pays. Leurs effectifs sont évalués à 7 000 combattants. Ils sont appuyés en premiere ligne par l'Erythrée voisine mais ils recevraient aussi de l'argent de milieux arabes qui veulent affaiblir l'influence américaine dans la région. A Mogadiscio les chebaab recevraient une solde de 150 dollars par mois.

L'hebdomadaire Der Spiegel note que Nairobi, la capitale du Kenya, sert de plus en plus de sanctuaire aux islamistes. Beaucoup de Somaliens, y compris en provenance des Etats-Unis et d'Europe, y font escale sur le chemin de Mogadiscio pour se préparer au combat contre les "infidèles". Certains sont des islamistes convaincus, d'autres sont attirés par l'argent: les chebaab leur promettent 30 dollars par jour.

Vereidigung von Zuma
Le président Jacob ZumaImage : AP

La presse sud-africaine en danger

La presse allemande s'inquiète aussi de deux projets de loi destinés à contrôler la presse en Afrique du sud. Comme le note effectivement la Süddeutsche Zeitung, quelques mois seulement après une Coupe du monde de football réussie, la presse sud-africaine est en danger. Les conditions de travail des médias en Afrique sont très différentes d'un pays à l'autre, écrit le journal. La presse n'est pas baillonnée partout comme en Erythrée. Mais il y a beaucoup de pays dans lesquels les journalistes critiques doivent craindre pour leur vie. Pour tous ces pays, la jeune démocratie sud-africaine passait pour un phare. Or souligne le journal, voilà que le président Zuma veut faire passer deux projets de loi pour contrôler les médias. Il s'agit d'une part d'une loi sur la "protection de l'information", de l'autre de la mise en place d'un tribunal d'appel des médias dont les membres seraient nommés par le gouvernement. Certes, reconnait le journal, tout n'est pas parfait dans les médias sud-africains. Mais les projets du gouvernement sont dangereux pour la liberté d'expression. Ils signifieraient que n'importe quelle information, pratiquement, pourrait être classifiée par le gouvernement comme étant soit dans "l'intérêt de la sécurité nationale", soit "dans l'intérêt de la nation". Les contrevenants qui publieraient quand même ces informations seraient passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à 25 ans de prison. Un vaste front s'est constitué contre ces projets, avec des personnalités comme Mgr. Desmond Tutu ou la romancière Nadine Gordimer.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum