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Traumatisés par la guerre et par Ebola

Claire-Marie Kostmann2 octobre 2014

Cette semaine, les journaux allemands s'intéressent à Ebola, qui ravive les traumatismes de la guerre civile au Liberia. Ils se penchent aussi sur le sort des migrants africains, un an après le drame de Lampedusa.

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Du personnel se charge de désinfecter un véhicule dans une rue de Monrovia, au Liberia
Du personnel se charge de désinfecter un véhicule dans une rue de Monrovia, au LiberiaImage : I.S.A.R. GERMANY

Die tageszeitung s'est penchée sur la situation au Liberia, où l'épidémie ravive les traumatismes de la guerre civile. Une guerre civile qui a duré de 1989 à 2003. Le journal donne la parole à une responsable de l'ONG medica mondiale, qui soutient particulièrement les femmes et les jeunes filles. Caroline Bowah raconte que les malades, qui sont mis à l'isolement, doivent aussi être pris en charge psychologiquement. « Ce n'est pas seulement Ebola qui se répand, mais la peur, et en particulier la peur de mourir. » Le matin, les gens se réveillent au son des sirènes des ambulances, qui viennent chercher des personnes infectées ou des cadavres.

Caroline Bowah explique que son équipe apporte tous les jours à manger à deux femmes placées en quarantaine. Elle les appelle aussi tous les jours pour les calmer et les rassurer, car « des pensées suicidaires surviennent. » L'épidémie d'Ebola a empêché les déplacements, décimé des familles et des groupes d'amis, réactivé la peur de la faim à cause de la hausse des prix alimentaires et des pénuries. De nombreux souvenirs de guerre se sont réveillés. Les Libériens se sentent en profonde insécurité, souligne die tageszeitung. Face à un État qui n'a pas la confiance des habitants, se développent des réseaux de solidarité dans la société civile. Ce sont avant tout les femmes les plus actives. Elles apportent par exemple des vêtements et de la nourriture avant que des personnes malades soient mises à l'isolement.

Le virus Ebola a fait plus de 3300 morts, dont la moitié au Liberia
Le virus Ebola a fait plus de 3300 morts, dont la moitié au LiberiaImage : picture-alliance/AP/S. Alamba

Un autre article de die tageszeitung dénonce la lenteur de l'aide internationale. Le pont aérien est en place, mais presque personne ne l'utilise, titre le journal. Il fait référence à la base qui doit être mise en place au Sénégal pour permettre l'acheminement de l'aide vers les pays touchés par Ebola. Mais seul le PAM, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, a utilisé un avion en direction du sud de la Guinée, où il doit apporter de la nourriture aux habitants. Et encore, ce n'était qu'un vol d'essai, selon un responsable onusien. Dans trois à quatre semaines, tout sera en place indique le Sénégal : une nouvelle route pour accéder à l'aéroport, un nouveau bâtiment où transiteront les personnels de retour des pays touchés et où seront effectués des tests pour savoir s'ils ont été infectés. Le Sénégal s'est proposé comme plaque tournante de l'aide pour contrer le virus Ebola. Il était en compétition avec le Ghana, où les États-Unis font décoller leurs avions pour aider le Liberia. Selon le journal, la Bundeswehr, l'armée allemande mettra aussi plusieurs semaines avant d'envoyer des volontaires en Afrique de l'Ouest. On ne s'attend pas à les voir avant fin octobre, s'agace le journal. Autre difficulté, l'argent. Le centre logistique de l'ONU au Sénégal n'a pas encore reçu les 11 millions de dollars promis.

Des avions et du matériel sont partis d'Allemagne direction Dakar, mais les volontaires ne seront au Sénégal que dans plusieurs semaines
Des avions et du matériel sont partis d'Allemagne direction Dakar, mais les volontaires ne seront au Sénégal que dans plusieurs semainesImage : picture-alliance/dpa/Henning Kaiser

Les coupes budgétaires de l'OMS

Die Welt am Sonntag revient lui sur les critiques à l'encontre de l'Organisation mondiale de la santé. Trop lente, pas assez réactive, mal préparée et mal coordonnée… les critiques sont récurrentes envers l'OMS depuis le début de l'épidémie de fièvre hémorragique. Une épidémie que l'OMS n'a classée en « urgence mondiale » que cet été. Mais il ne faut pas oublier que l'Organisation ne fonctionne que grâce à la bonne volonté des États. Du coup, les bureaux régionaux sont soumis au pouvoir en place et obéissent plus à des raisons politiques que médicales, selon un membre d'une ONG. Un quart de son budget est fourni par les 194 États membres, le reste vient de donateurs privés. En 2013 et en 2014, l'Allemagne a par exemple donné 284 millions d'euros à l'OMS. Mais les recettes baissent et cela a des conséquences concrètes : l'OMS cherche à faire des économies. Pour le budget 2014 – 2015, l'enveloppe accordée au « service d'urgence pour les épidémies et une réponse rapide » a été réduit de 469 à 228 millions de dollars. L'équipe du département a perdu 60 employés. Une réduction budgétaire ne peut pas se faire sans entraîner d'effets, insiste le journal.

Il y a un an se déroulait un drame de l'immigration en Méditerranée. 500 migrants se trouvaient sur une embarcation, près de 400 d'entre eux sont morts lors du naufrage, près de l'île italienne de Lampedusa. Die Zeit Magazin a retrouvé un survivant du drame, Fitsum, un Erythréen de 21 ans, qui rêve de devenir ingénieur. Il vit dans un foyer, près de Francfort dans l'Ouest de l'Allemagne. Depuis décembre, il attend une réponse pour sa demande d'asile. Et la nuit, il fait encore des cauchemars, comme lorsqu'il était en mer. Il décrit pour le magazine, la vie dans son pays natal. Il faut marcher une heure et demie avant de trouver de l'eau, au marché, il n'y a presque rien à acheter. Une grande partie de l'économie est entre les mains de l'armée et hommes et femmes doivent faire leur service militaire. Fitsum aussi l'a fait, et il a compris « qu'il n'aurait pas d'avenir dans son pays, où on ne peut pas poursuivre d'objectifs personnels. » Son frère a déjà fui l'Erythrée, il travaille en Israël, 12 heures par jour pour un salaire modique. Mais peu importe, Fitsum veut partir. Il arrive à rejoindre l'Ethiopie, puis le Soudan, la Libye … et enfin l'Europe.

Un an après le drame de Lampedusa, les embarcations continuent d'arriver près de l'île sicilienne, comme ici, en juillet dermnier
Un an après le drame de Lampedusa, les embarcations continuent d'arriver près de l'île sicilienne, comme ici, en juillet dermnierImage : picture alliance / ROPI

L'Europe, derrière la triple barrière de Melilla

La Süddeutsche Zeitung a rencontré deux migrants qui rêvent d'Europe, à Melilla, l'enclave espagnole sur le territoire marocain. Et qui, pour atteindre ce rêve, ont traversé le désert du Niger, pendant de longues heures, à la merci des trafiquants. Il s'agit de deux cousins camerounais, Akhmet et Souleman, 22 et 23 ans. Ils ne connaissaient pas la ville de Melilla avant d'y arriver. Ce qu'ils voulaient, c'était simplement rejoindre le Maroc : on y parle le Français et c'est un pays musulman, où ils pourront pratiquer leur religion. Mais les jeunes hommes n'arrivent pas à trouver d'emploi alors ils veulent gagner l'Europe. Malgré la triple barrière qui entoure l'enclave espagnole, souligne la Süddeutsche Zeitung. En juin, les deux cousins ont tenté avec un millier d'autres migrants de forcer la frontière. Des migrants ont payé de leur vie la tentative de passage vers l'Europe. Souleman s'est blessé au visage. Mais la route sera encore longue. 95% des demandes d'asile sont rejetées : la pauvreté ou la corruption qui existent dans les pays d'origine ne sont pas, dans le droit européen, des motifs d'asile.