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Prison avec sursis pour l'ex-secrétaire d'un camp nazi

Sandrine Blanchard | Avec agences
20 décembre 2022

A 97 ans, Irmgard F. a été reconnue coupable de complicité dans le meurtre de plus de 10.000 personnes, entre 1943 et 1945.

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Irmgard F. assistant à son procès en fauteuil roulant
Irmgard F. assistant à son procès en fauteuil roulantImage : Christian Charisius/dpa/picture alliance

Deux ans de prison avec sursis. C'est la peine à laquelle une ancienne secrétaire d'un camp de concentration nazi été condamnée. Irmgard F. a été reconnue coupable de complicité dans le meurtre de plus de 10.000 personnes, entre 1943 et 1945. 

Agée aujourd'hui de 97 ans, Irmgard F. avait 18 à 19 ans au moment des faits. Au regard de la loi de l'époque, elle n'était pas encore majeure. C'est pourquoi la vieille dame était jugée depuis 2021 par une Cour spéciale… pour mineurs. 

Durant la guerre, l'accusée était secrétaire dactylographe du commandant du camp de concentration nazi de Stutthof, près de Gdansk, dans l'actuelle Pologne.

Photo en noir et blanc d'Irmgard F., ancienne dactylographe du camp nazi de Stutthof
L'ancienne dactylographe du camp nazi de Stutthof a été condamnée pour complicité dans le meutre de plus de 10.000 personnesImage : Bundesarchiv

Condamnation historique

Le tribunal régional d'Itzehoe, dans le nord de l'Allemagne, a estimé qu'en tant que secrétaire, la jeune femme avait aidé les gestionnaires du camp à assassiner les prisonniers – des juifs, des communistes polonais, des prisonniers de guerre soviétiques - de façon systématique. Elle avait accès à tous les documents confidentiels et a soutenu la machine de mort par son appui administratif.

Le verdict de deux ans de prison avec sursis correspond à la peine requise par le parquet. 

Les 15 avocats des parties civiles avaient d'ailleurs eux aussi soutenu ces réquisitions.

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Un représentant des quatre survivants du camp de Stutthof a estimé que l'essentiel était que la prévenue, âgée aujourd'hui de 97 ans, ait pu entendre que des juges la reconnaissent coupable d'avoir aidé à tuer plusieurs milliers de personnes.

Au début, elle ne voulait pourtant pas assister aux audiences. Irmgard F. avait même tenté de fuir de sa maison de retraite en taxi, au matin de l'ouverture du procès, mais elle avait été rattrapée quelques heures plus tard par la police à Hambourg.

Ce n'est qu'à la fin du procès, début décembre, que l'accusée est sortie du silence et a fait part de ses "regrets" d'avoir été à Stutthof à l'époque : "Je suis désolée pour tout ce qui s'est passé. Je regrette d'avoir été à Stuffhof à ce moment-là. C'est tout ce que je peux dire", avait-elle déclaré devant la cour, assise en fauteuil roulant.

Vue des barbelés et d'un mirador du camp nazi de Stutthof (aujourd'hui: Sztutowo, en Pologne)
Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées dans le camp de concentration nazi de Stutthof durant la Seconde guerre mondialeImage : Michal Fludra/NurPhoto/picture alliance

La procureure avait elle aussi souligné la "signification historique exceptionnelle" de ce procès symbolique, l'un des derniers à pouvoir juger les auteurs des exactions nazies dont la plupart sont déjà décédés. 

Course contre la montre

La justice allemande continue malgré tout de traquer les anciens nazis. 

Très peu de femmes ont été jugées pour leur implication dans les crimes de guerre du régime d'Adolf Hitler, la secrétaire particulière du Führer elle-même, Traudl Junge, est morte en 2002 sans être inquiétée par la justice. 

Depuis, la jurisprudence a changé, avec la condamnation d'un gardien du camp de Sobibor, John Demjanjuk, en 2011. Ce verdict permet désormais à la justice de poursuivre pour complicité toute personne qui a aidé dans un camp de concentration nazi, de la secrétaire au gardien, en passant par le comptable.

Efraim Zuroff, le directeur du Centre Simon Wiesenthal, en Israël, une structure qui a aider à traduire de nombreux anciens nazis en justice, a réagi à ce verdict au  micro de la DW. Selon lui, la condamnation est "la meilleure possible étant donnée que la prévenue était jugée par une cour pour mineurs".

Selon lui, "cela fait partie du problème". Elfraim Zuroff qui poursuit : "D'un certain point de vue, la peine avec sursis est absolument absurde parce que le sursis signifie que la peine ne sera appliquée que si la personne répète le crime. De toute évidence, elle n'est pas sur le point de répéter le crime". 
Par ailleurs Efraim Zuroff n'est pas d'accord avec l'accusation qui, dans cette affaire, a estimé que ce procès était probablement le "dernier en son genre".