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Du Soudan au Tchad : survivre dans le besoin

Katharina Kroll
22 novembre 2024

Au milieu de la guerre et du chaos, de nombreux Soudanais fuient au Tchad voisin, l'un des pays les plus pauvres du monde. Reportage à la frontière.

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À la frontière entre le Tchad et le Soudan
Le conflit, qui oppose depuis avril 2023 les paramilitaires des Forces de soutien rapide à l'armée, a déjà fait des dizaines de milliers de morts. Il a aussi jeté sur les routes plus de onze millions d'habitants, dont plus de trois millions ont fui le pays, notamment au Tchad, Image : Katharina Kroll/DW

Enfin, elle a réussi à traverser la frontière qui sépare le Soudan du Tchad ! Avec ses dernières forces et une petite cariole dans laquelle elle a transporté le peu d'affaires qui lui restent, Mariam a fui son pays d'origine - un pays complètement à terre, dit-elle.

Depuis plus d'un an et demi maintenant, l'armée du général Burhane et les FSR du général Daglo sèment la terreur, détruisent, violent, torturent, enlèvent... et pour le moment, aucune tentative de négociations n'a abouti.

Mariam une réfugiée du Darfour-Occidental
Mariam une réfugiée du Darfour-Occidental a laissé son pays derrière elle mais a retrouvé ses cinq enfants au TchadImage : DW

Alors, en attendant que la paix revienne, des milliers de réfugiés, comme Mariam, ont réussi à rejoindre le poste-frontière d'Adré puis le Tchad, où ils espèrent trouver au moins la sécurité.

Berlin appelle à plus de solidarité

Au Tchad, l'un des pays les plus pauvres du monde, où un habitant sur trois vit dans l'extrême pauvreté, Adré est une petit ville de 40.000 habitants. Elle abrite désormais un camp de réfugiés de 230.000 personnes - l'immense majorité sont des femmes et des enfants.

Les conditions de vie y sont précaires - la ministre allemande du Développement, Svenja Schulze, a pu s'en rendre compte, récemment, en allant sur place :

"N'importe quel pays serait dépassé par une telle quantité de réfugiés, aucune région, aucun pays ne peut y faire face seul. Et c'est pourquoi la communauté internationale doit faire preuve de solidarité ici. Elle doit soutenir davantage le Tchad."

Svenja Schulze a elle-même promis une nouvelle aide de 57 millions d'euros de la part de Berlin … même si le Tchad n'est pas un partenaire évident.

Un partenaire compliqué pour Berlin 

Premier problème : avec l'arrivée au pouvoir de Mahamat Idriss Déby, militaire et fils du dictateur Idriss Déby, le climat pour les opposants et les journalistes ne s'est pas amélioré, bien au contraire.

Deuxième problème : certains partenaires du Tchad sont problématiques pour l'Allemagne. Les Emirats arabes unis, par exemple, qui allouent certes des aides budgétaires au gouvernement de N'Djamena, mais ... qui sont aussi soupçonnés d'acheminer des armes vers le Soudan via le Tchad. Un secret de Polichinelle qui concerne aussi la Russie… même si N'Djamena fait mine de ne rien savoir : "Moi, je ne connais pas de pays qui livrent des armes et Dieu sait que si j'avais des connaissances, je les dénoncerais en tant que ministre des Affaires étrangères du Tchad", a déclaré Abderaman Koulamallah, chef de la diplomatie.

Rien d'étonnant à cela, estime Baldal Oyamta, coordinateur national de la Ligue des droits de l'Homme au Tchad : "C'est un ministre du gouvernement tchadien, il a ses intérêts. La solidarité gouvernementale veut qu'il n'utilise pas des choses que le gouvernement ne décide pas. Et donc à partir de ce moment, je ne pense pas qu'il puisse dire le contraire de ce que le gouvernement veut donner comme information."

Svenja Schulze, la ministre allemande du Développement en visite au Tchad
La ministre allemande du Développement, Svenja Schulze avec le ministre des Affaires étrangères tchadien Abderaman KoulamallahImage : Katharina Kroll/DW

Un retour difficile à envisager 

Pendant ce temps, dans l'est du Tchad, à la frontière du Soudan, les organisations humanitaires tentent, tant bien que mal, de faciliter le quotidien des réfugiés, en partant de rien : accès à l'eau, aux soins, à l'électricité, à l'éducation... tout est à faire, mais les moyens financiers promis tardent à arriver, déplore un membre du HCR qui parle d'une "crise oubliée". 

Svenja Schulze, la ministre allemande, l'a elle-même reconnu : il est peu probable que les réfugiés arrivés au Tchad puissent, dans un avenir proche, rentrer dans leur pays. D'où la nécessité de leur donner des perspectives sous forme de champs et de pâturages afin qu'ils puissent, le plus rapidement possible, subvenir à leurs besoins.

 

Katharina Kroll Journaliste DW