Soudan du Sud: un peuple de bergers entre vaches, guerre et consommation

Un nuage de poussière dans le ciel. Il n’en faut pas plus pour localiser de loin le lieu où les bergers Mundari ont installé leurs quartiers d'hiver avec leur bétail. La proximité de la ville de Terekeka se sent à peine. Pour atteindre le campement, les bergers ont dû traverser le Nil avec leurs troupeaux au péril de leur vie.

Chaque matin, les vaches reçoivent un massage complet avec la cendre issue de leurs excréments. Elle les protège des parasites et fait briller leur fourrure. Les vaches sont tout pour les Mundari. Elles déterminent le prix de la dot et assurent l'approvisionnement, notamment en temps de sécheresse. Perdre une vache ou devoir la vendre est un crève-cœur pour les bergers.

La pause est consacrée à fumer la shisha. Les Mundari ont emprunté la tradition des pipes à eau aux Arabes, lorsque le Soudan du Sud était encore dans le bloc du Soudan. Pendant des décennies, des Soudanais du Nord se sont réfugiés dans cette région pour échapper aux règles strictes de la charia. Le Soudan du Sud est devenu indépendant en 2011.

Pour les jeunes Mundari, la scarification fait partie du rituel de passage pour entrer dans l'âge adulte. Lors des conflits ethniques, elle peut toutefois coûter une vie car chaque personne peut être rattachée à son groupe ethnique d'après ses cicatrices. Peu après l'indépendance, le pays a été plongé dans une crise politique qui a rapidement pris une dimension ethnique.

En février, le président Riek Machar et son adversaire se sont réunis dans un gouvernement d'union. Plusieurs tentatives de médiation avaient auparavant échoué. Mais la paix fragile a fait revenir de nombreux combattants à la recherche d'épouses. Le prix des dots a explosé: les hommes désirant se marier doivent désormais payer 40 vaches. Chacune d'entre elle a une valeur de 700 dollars américains.

Paul est lui aussi revenu au Soudan du Sud à la fin de la guerre, après neuf ans passés dans le camp de réfugiés kenyan de Kakuma. Là-bas, il a pu aller à l'école gratuitement. Il aimerait y retourner pour obtenir son diplôme, mais cela coûte 50 dollars par an. Pour les Mundari, l'éducation ne justifie toutefois pas la vente d'une vache. Les mariages et les famines sont une chose différente.

Chaque soir, les vaches sont rappelées dans leurs quartiers. Le berger souffle dans sa corne de bœuf dont le son peut être entendu à des kilomètres. Mais cet appel du soir attire régulièrement les voleurs de bétail. Les voleurs sont souvent armés de mitrailleuses et de lance-roquettes. C'est normal, dans un pays qui a connu plus de guerre que de paix depuis son indépendance.

De nombreux jeunes ressentent comme un fardeau les anciennes hiérarchies et la vie sans défense. Leurs smartphones leur ouvrent d'autres mondes sans vaches. De toute façon, leur monde devrait bientôt radicalement changer. La Chine finance la construction d'une autoroute qui reliera leur région à la capitale Juba en moins d'une heure. Ce n'est rien comparé au temps nécessaire jusqu'à maintenant.