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Sadegh Zibakalam, un critique iranien honoré par la DW

3 mai 2018

En ce jour où l'on célèbre la liberté de presse dans le monde, la Deutsche Welle honore une voix critique objet de répression en Iran. Sadegh Zibakalam risque la prison après une interview sur des troubles dans son pays.

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Prof. Sadegh Zibakalam
Image : DW

Sadegh Zibakalam : "je soutenais que les manifestations n'étaient influencées par aucune puissance étrangère"

Les déclarations de Sadegh Zibakalam dans une récente interview accordée à la Deutsche Welle risquent de lui coûter sa liberté. Mais il a de quoi se réjouir. Il est le lauréat du Prix de la Deutsche Welle pour la liberté de presse 2018.

L'Iran a été touché en janvier par une vague de manifestations violentes. Les revendications tournaient autour de l'amélioration des conditions de vie de nombreuses couches modestes de la population. Au moins 25 personnes ont été tuées lors de ces protestations survenues dans plusieurs dizaines de villes. Pour le gouvernement, ces troubles ne peuvent qu'être l'oeuvre des ennemis de l'Iran. Le pays est en froid avec l'Arabie Saoudite et Israël.

Iran - Protest: Unruhe in Stadt Urmie
Image : Barishnews.ir

Répression des voix critiques

Le problème, c'est que quiconque remet en cause cette perception risque des représailles. Le politologue Sadegh Zibakalam croit que son péché est d'avoir "exprimé, dans une interview avec la Deutsche Welle, une opinion qui contredit celle du gouvernement iranien. Si le gouvernement dit, que les troubles dans le pays sont le fait d'une manipulation des ennemis du pays, il s'attend à ce que chaque personne défende cette opinion et la répète", affirme l'universitaire iranien.

Sadegh Zibakalam n'a pas voulu suivre cette voie dans l'interview qu'il a accordée en janvier à la rédaction Farsi de la Deutsche Welle au sujet de ce qui se passait dans son pays. Une dizaine de milliers de personnes étaient en effet descendues dans la rue, pour protester contre la politique économique et contre les pratiques corrompues de l'élite politique. Le politologue a dit qu'il comprenait la colère des manifestants et a contredit la version du pouvoir : "je soutenais que les manifestations étaient organisées par les populations iraniennes elles-même et qu'elles n'étaient influencées par aucune puissance étrangère" confie-t-il.

Risque de "mise au ban"

Pour avoir tenu de tels propos, Sadegh Zibakalam risque 18 mois de prison. Si le verdict rendu en mars de la cour révolutionnaire venait à être confirmé en appel, le politologue doit aussi compter avec une mise en quarantaine de deux ans. Concrètement, cela signifie que Sadegh Zibakalam ne sera pas autorisé à donner des interviews ni signer des publications. Il ne sera pas non plus autorisé à utiliser les réseaux sociaux pendant le même nombre d'années.

dw freedom Prof Sadegh Zibakalam

Ce n'est pas la première fois qu'il est visé dans une procédure judiciaire. Déjà en juin 2014 il a été condamné à 18 mois de prison après avoir critiqué le programme nucléaire iranien. Un verdict commué plus tard en une peine d'amende.

Pour le moment, l'homme de 69 ans continue à écrire sur les plateformes de réseaux sociaux.

 

Sadegh Zibakalam, un récidiviste ?

Proche du réformiste Hassan Rohani, Sadegh Zibakalam est aussi un des plus célèbres intellectuels et experts politiques de son pays. Il est bien connu du pouvoir iranien qui le considère comme un récidiviste. Ces débats conduits avec des opinions radicales ont fait de lui un fervent critique de la politique intérieure et extérieure du gouvernement iranien. En 2014, il a déclaré qu'il reconnaissait Israel comme un Etat, prétendant ainsi agir suivant les principes des Nations unies.

Cet homme a fait des études de sciences politiques à l'Université de Bradford en Grande Bretagne. Sa thèse a porté sur "la révolution islamique et la politique de l'Occident". En 1974 lors d'un voyage dans son pays, il se fait arrêter par la police secrète du Shah d'Iran pour sabotage, troubles à l'ordre public et propagande. Après la fin de la révolution, il retourne en Iran dans les années 1980. Il débute quelques années plus tard sa carrière d'enseignant à l'Université de Téhéran. En 2000 il se porte candidat aux élections législatives dans la ville de Zanjan dans le Nord Ouest de l'Iran. Mais sa candidature est rejetée avant le scrutin.

Global Media Forum 2016 Peter Limbourg
Le directeur général de la DW, Peter Limbourg.Image : DW/M. Müller

Pour son courage, Sadegh Zibakalam est distingué cette année avec le prix de la liberté de presse de la Deutsche Welle. 

"Je me sens très honoré", se réjouit Sadegh Zibakalam. "Mais je pense qu'il y a de nombreux hommes et femmes en Iran qui ont plus souffert pour exprimer leur droit et leur pensée. Il y a des centaines d'Iraniens qui auraient tout autant que moi, mérité ce prix", reconnaît-il avec humilité.

Le directeur général de la DW, Peter Limbourg a déclaré que c'est pour encourager la société civile iranienne mais aussi lancer un signal au gouvernement iranien pour sa répression contre la liberté d'expression que cette distinction a été attribuée à Sadegh Zibakalam.

Photo de Fréjus Quenum à côté d'une carte du monde
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum