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Sénégal : Ousmane Sonko victime d’une cabale ?

2 mars 2021

Les députés ont voté, à une large majorité, vendredi dernier, la levée de l’immunité parlementaire de leur collègue, l’opposant Ousmane Sonko. Celui-ci se dit victime d’une machination politique.

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Ousmane Sonko
Ousmane Sonko était arrivé troisième lors de la présidentielle de 2019Image : DW/M. A. Diallo

Au Sénégal, les députés ont voté, à une large majorité, vendredi dernier (26.02.2021), la levée de l’immunité parlementaire de leur collègue, l’opposant Ousmane Sonko. Celui-ci est visé par une plainte pour viol et menaces de mort déposée par une employée d'un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser. La levée de son immunité ouvre la voie à la tenue d’un procès.

"Évidemment que c'est une affaire politique qui a une forme crapuleuse", affirme à la DW l’analyste Ahmed Diémé, pour qui, cette banale affaire privée pourrait être instrumentalisé pour nuire à la carrière politique d’Ousmane Sonko, arrivé troisième lors de la présidentielle de 2019.

"C'est une affaire politique qui a une forme crapuleuse" (Ahmed Diémé)

Il ajoute que "c'est une accusation relevant des mœurs. Une accusation qui va être appréhendée par l'opinion comme étant crapuleuse, dans laquelle, on a envie de mouiller Ousmane Sonko. Parce qu'on enclenche donc une procédure judiciaire qui va maintenir un opposant sérieux dans une sorte de saga politico-judiciaire."

La séance plénière, qui s'est déroulée à huis clos en raison de la pandémie de coronavirus, a été émaillée de joutes tendues entre la majorité et l'opposition. Quatre-vingt-dix-huit députés ont voté en faveur de la levée de l'immunité d'Ousmane Sonko, un a voté contre et deux se sont abstenus. Les députés de l'opposition ont quitté la salle avant le vote.

Liquidation politique ?

Ousmane Sonko accuse le président Macky Sall d'avoir monté une affaire de mœurs pour ruiner ses projets pour la présidentielle de 2024. "Si Macky Sall veut me liquider, il devra, pour une fois, accepter de se salir les mains", a-t-il déclaré jeudi lors d'une conférence de presse à Dakar, en précisant  qu'il ne répondrait pas aux convocations du juge malgré la levée de son immunité parlementaire.

D’autres acteurs politiques, notamment de l’opposition, ont déjà été impliqués dans des affaires politico-judiciaires, ajoute Ahmed Diémé, qui cite Karim Wade, le fil de l’ancien président Abdoulaye Wade, ou l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, ainsi qu'Idrissa Seck.

Pape Ibrahima Kane, chercheur en charge des questions régionales à l'Osiwa (Open society initiative for West Africa), basé à Dakar, relève quelques indices accréditant la thèse d'une politisation de l’affaire Sonko.

"À l’origine, c’est une affaire privée" (Ibrahima Kane)

"La gendarmerie, qui avait reçu la plainte, avait décidé de convoquer M. Sonko, malgré son statut de député de la République, qui exige que son immunité soit levée pour qu'il puisse répondre à la convocation de la gendarmerie. Finalement, la gendarmerie a renoncé à sa requête et une demande formelle du ministre de la Justice a été adressée au Parlement qui, finalement, vendredi dernier, a levé l'immunité parlementaire de M. Sonko", soutient le chercheur.

Répercutions en Casamance

Une éventuelle condamnation pourrait également d'avoir des répercussions dans sa région : la Casamance, indique Ahmed Diémé. À l’en croire, "cela relancerait forcement les origines ethniques et régionales d'Ousmane Sonko. Ça va relancer certainement le nationalisme casamançais et puis le sentiment de ne pas appartenir à une même nation, chez bien de Casamançais qui avaient commencé d'une certaine manière à espérer voir, enfin, un de leur enfant appartenir à l'élite qui puisse assumer des fonctions régaliennes dans ce pays."

Une rue de Ziguinchor en Casamance
À Ziguinchor en CasamanceImage : John Wessels/AFP/Getty Images

La plaignante a déjà été entendue par le juge d’instruction. Désormais, le président du parti Pastef pourrait être convoqué à son tour.

Le viol ayant été criminalisé en 2020 au Sénégal, une condamnation d'Ousmane Sonko le priverait de ses droits civils et politiques et le rendrait donc inéligible à toute fonction élective, notamment à l’élection présidentielle de 2024, pour laquelle, il compte parmi les favoris, surtout si le président Macky Sall ne brigue pas de troisième mandat.