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RDC : les propos de Kagamé suscitent l'émoi

20 mai 2021

Lors d’un entretien qu’il a accordé ce lundi à deux médias français, le président rwandais Paul Kagamé a déclaré qu’il n’y a pas eu de crimes commis par des armées étrangères dans les Kivus.

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Paul Kagamé
Paul KagaméImage : Presse- und Kommunikationsdienst der Präsidentschaft der DR Kongo

"Il n’y a pas eu de crimes, c’est la théorie du double génocide qui est à l’œuvre", a dit Paul Kagame tout en contestant le rapport mapping, établi par des experts des Nations unies, qui parle pour sa part de crimes contre l’humanité.

Des propos qui créent l'émoi. L’expert politique Trésor Kibangula se souvient très bien de la Guerre des six jours qui, en juin 2000, a opposé les armées rwandaises et ougandaises sur le sol congolais. Ce mercredi, sur la DW, il rappelle comment celles-ci ont ignoré le sort des populations civiles.

« Il est ici question de plus de 600 crimes commis dans la partie nord-est de la RDC » (Trésor Kibangula)

DW : Lors de l'entretien qu'il a accordé en début de semaine à deux médias français, le président Paul Kagamé a évoqué le rapport Mapping qu'il considère comme étant très controversé. Il a également déclaré qu'il n'y aurait pas eu de crimes commis dans la région des Kivu que ce soit par les personnes mentionnées dans le rapport ou même les pays cités. Quelle analyse faites-vous de ces propos ?

Trésor Kibangula : Il est ici question de plus de 600 crimes commis dans la partie Nord-est de la RDC entre 1993 et 2003. Des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des possibles crimes de génocide répertoriés province par province, dans un document onusien. Pour faire simple : le rapport Mapping. Si on peut ergoter sur certains qualificatifs de ces exactions, si on peut ne pas être d'accord sur la terminologie de génocide, il est hélas incompréhensible de nier que ces crimes graves ont bel et bien été perpétrés sur le sol congolais par les troupes étrangères de la région. Des militaires rwandais y compris, mais aussi par leurs supplétifs locaux congolais.

DW : Trésor Kibangula, vous êtes né et vous avez grandi dans la province de la Tshopo. Vous avez vous même vécu la guerre de Six Jours pendant laquelle les armées rwandaises et ougandaises se sont affrontées en RDC. Pouvez vous brièvement nous aider à contextualiser ce conflit et nous dire ce dont vous vous souvenez ?

Trésor Kibangula : Nous sommes au mois de juin 2000. La ville de Kisangani est contrôlée par la rébellion du RCD, alors soutenue par le Rwanda et l'Ouganda. Mais des scissions en interne minent ces mouvements rebelles. Des alliés étrangers se rangent alors derrière l'une ou l'autre branche du RCD et cela provoque la guerre des Six Jours à Kisangani pour le contrôle de cette ville. Des combats ont commencé un matin, le lundi 5 juin. Les enfants étaient partis à l'école, des marchés étaient déjà ouverts, des parents étaient au bureau ou dans des activités informelles. Six jours d'affrontements à l'arme lourde et, surtout, au mépris des règles du droit humanitaire international.

DW : Il a été évoqué la question d'une possible collaboration entre les armées rwandaises et congolaises pour endiguer l'insécurité dans les Kivu. Pourtant, certains rapports et des experts ne cessent de mentionner la présence de l'armée rwandaise en RDC. Et elle y commettrait des crimes. Pensez vous qu'une telle collaboration puisse être efficace ?

Trésor Kibangula : Il y a eu déjà des collaborations, des opérations conjointes, officielles ou officieuses entre les armées congolaises et rwandaises. L'efficacité de la réponse à apporter à ce qui se passe dans le Kivu dépendra de la réelle volonté politique de Kinshasa, mais aussi de ses partenaires de la région à changer les paradigmes du passé.

DW-Redaktion Afrika-Französisch
Wendy Bashi Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle@WenBash