Pourquoi il faut abandonner les châtiments corporels contre les enfants | PROGRAMME | DW | 22.10.2019
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PROGRAMME

Pourquoi il faut abandonner les châtiments corporels contre les enfants

Taper, frapper, cogner... autant de méthodes "pédagogiques" qui non seulement ne favorisent pas l'apprentissage des enfants, mais qui peuvent aussi être dangereuses pour leur développement. Alors mieux vaut promouvoir une "discipline positive".

En juillet 2019, le site des décodeurs du journal Le Monde titrait : "La France devient le 56e pays à interdire la fessée".
Cet article fait le point en carte sur les pays qui ont adopté une loi contre les châtiments corporels sur les enfants, le précurseur étant la Suède, il y a quarante ans.

Symbolbild: Schule im Kongo

Promouvoir une pédagogie non-violente et une discipline positive

En Afrique aussi, il y a de plus en plus d’Etats qui prennent des engagements ou adoptent carrément de nouvelles législations sur le sujet. La RDC, le Soudan, le Kenya, le Bénin, la Tunisie, le Togo, le Burkina Faso ont interdit les châtiments corporels ces dernières années.
Dernière en date : l’Afrique du Sud, dont la cour constitutionnelle a elle aussi interdit la fessée en septembre 2019.

Des violences socialement acceptées...

Mais à côté de cela, pour beaucoup, certains châtiments corporels sur les enfants restent socialement acceptables s’ils ont des visées éducatives. Le président Magufuli, en Tanzanie, s’est réjoui début octobre de la bastonnade d’étudiants indisciplinés, allant jusqu’à appeler de ses vœux une réforme de la loi pour que tous les enseignants puissent châtier leurs élèves en recourant à la violence.

Prügelstrafe Symbolbild

En Allemagne, les châtiments corporels étaient encore pratiqués à l'école aux XIXe et XXe siècles

... mais graves
Des chiffres publiés il y a deux ans par l’Initiative mondiale pour l’abandon des châtiments corporels sur les enfants montrent que ce type de violence est la plus répandue à l’encontre des enfants : 85% en moyenne des enfants âgés de 2 à 14 ans, en Afrique occidentale et centrale ont fait l’expérience de mesures de discipline "violentes", physique ou psychologiques. 73% au  Mali, 94% au Ghana. Or ces pratiques ont des répercussions graves sur le développement physique et mental de l’enfant.

Alors comment convaincre les adultes en charge de l’éducation d’enfants de renoncer à ces méthodes à la fois contre-productives et dangereuses pour la santé de l’enfant ? C’est justement le métier de notre invité, Palenfo Goro. Il est travailleur social, de terrain, en chargé de la protection de l’enfant au Bureau international des droits des enfants au Burkina Faso.

Extrait de l'interview avec Palenfo Goro

Palenfo Goro: Le châtiment corporel est un fait socialement toléré. Les enfants sont châtiés dans le cadre de leur éducation: à l'école ou en famille.

DW: Ça peut même être dans d'autres structures comme les prisons, les orphelinats...

Palenfo Goro: Oui. Il y a des foyers d'accueil qui sont gérés par des privés. Ce sont des lieux où ça existe.

DW: ​​​​​​​Quelle est la vertu éducative qu'on prête à ces violences?

Palenfo Goro:  Sans trop m'aventurer dans le domaine de la loi... effectivement, il y a la loi 025/2018 qui interdit le châtiment corporel au Burkina Faso.

DW: ​​​​​​​Elle a été adoptée, ça y est.

Palenfo Goro: Oui, elle a été adoptée en mai 2018. Mais pour en revenir à votre question, il y a des gens qui croient qu'éducation rime avec châtiment. Pour certains, sans une pression, ne peut pas apprendre, que ce soit à l'école, ou alors les bonnes manières qu'on veut lui inculquer. Deuxième chose, il y a une sorte de reproduction du châtiment.

DW: ​​​​​​​C'est l'adage qui veut que "ça n'a jamais fait de mal à personne de recevoir une petite fessée ou ou des coups de ceinture; moi même j'ai survécu et ça m'a aidé à devenir un adulte bien formé". C'est ça un petit peu l'argument"?

Palenfo Goro:  Exactement. On vous dira par exemple : "Qui n'a jamais été frappé quand il était petit? Est-ce que ça nous a empêché d'être ce que nous sommes?"

DW: ​​​​​​​Est ce qu'il est aussi toujours acceptable pour beaucoup de Burkinabé que d'autres adultes extérieurs à la famille puissent aussi lever la main sur des enfants, comme des enseignants, par exemple?

Palenfo Goro:  Là il n'y a pas une position tranchée. On voit des partisans qui disent : "Okay, moi je veux bien qu'un enseignant corrige mon enfant". Et il y a ceux qui disent : "Non, moi, mon enfant, on ne le touche pas".

DW: ​​​​​​​ Au mois de septembre, la Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud a décidé d'interdire la fessée et nous avons reçu quelques réactions qui nous ont surpris, parfois, au sein de la rédaction, de gens qui pensaient que la fessée, ma foi, ce n'était pas vraiment des coups et que ce n'était pas comparable à des coups de bâton ou des coups de ceinture. Y a-t-il une hiérarchie dans les violences physiques?

Palenfo Goro: A mon avis, il n'y a pas de hiérarchie. Parce que dans le châtiment corporel, il y a tout un lot de conséquences qui accompagnent, qui peuvent avoir des répercussions sur le mental de l'enfant.

DW: ​​​​​​​Les punitions physiques, ça peut aussi entraîner des violences psychologiques. C'est ce que vous dites? Ça peut traumatiser ou blesser profondément un enfant, au-delà de son corps?

Palenfo Goro: Bien sûr. Il plus compliqué de s'occuper de la blessure physique qui est là mais il faut, dans le même temps, s'occuper du traumatisme. L'un ne va pas sans l'autre.

DW: ​​​​​​​Quels sont les projets de vous menez sur le terrain pour sensibiliser les adultes?

Palenfo Goro:  On explique aux parents, aux enseignants que la violence n'est pas le seul moyen pour amener l'enfant à écouter, à apprendre. On expose les conséquences possibles, physiques et psychologiques, du châtiment corporel sur l'enfant.

DW: ​​​​​​​Donc ça veut dire que le cadre juridique est un premier pas. Mais avant que ça se traduise vraiment dans la réalité des faits, il faut un long travail individuel et collectif auprès des adultes qui sont chargés de l'éducation des enfants pour que les comportements changent vraiment au quotidien?

Palenfo Goro:  Oui il faut un travail à la fois individuel et collectif, pour le bien de tous les enfants de la communauté . Ce n'est pas par la violence qu'on peut arranger les choses. Il faut faire autrement.

DW: ​​​​​​​Justement autrement qu'est ce que ça veut dire. Qu'est ce qu'il y a comme méthode de ce qu'on peut appeler une discipline positive? Il y a d'autres méthodes que vous recommandez ou aux gens qui éduquent?

Palenfo Goro: Oui, par exemple, on peut dire à l'enfant: Si tu casses un objet, je ne vais pas te frapper, mais tu n'auras pas d'argent pour ton goûter. Ou alors, je vais te priver de ton jeu préféré pendant une durée donnée: une heure, deux heures, une journée... Comme ça l'enfant sait que s'il pose un acte qui n'est pas recommandé, il n'aura pas son goûter ou sera privé de son jouet. Comme ça, il comprend et il devient raisonnable, il apprend.

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