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"Nous avons hérité de la hiérarchisation raciste"

25 mars 2022

Entretien avec Olivette Otele, professeure d'histoire coloniale à l'université de Bristol. Elle revient sur la trace qu'a laissé la traite des esclaves dans nos perceptions actuelles de l'autre.

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De nombreux Etats européens ont profité de l'esclavage. Leur "victoire économique" leur a permis d'imposer l'idée d'une hiérarchie entre les humains en fonction de leur couleur de peau.
De nombreux Etats européens ont profité de l'esclavage. Leur "victoire économique" leur a permis d'imposer l'idée d'une hiérarchie entre les humains en fonction de leur couleur de peau.Image : Everett Collection/picture alliance

Le 25 mars est la Journée internationale de commémoration des victimes de l'esclavage et de la traite transatlantique des esclaves. Cette traite, précisent les Nations unies, "est, dans l’histoire, le plus vaste mouvement forcé de personnes innocentes qui s'est étalé sur plus de 400 ans".

L'Unesco estime entre 15 et 20 millions le nombre de personnes "séquestrées" et transportées de force vers l'Amérique et les Caraïbes. 

>>> Lire aussi : Traite négrière, l'Allemagne y a aussi participé
C'est l'un des thèmes de recherche de l'historienne Olivette Otele. Née au Cameroun, elle a grandi en France et est la première femme à avoir obtenu la présidence d'une chaire d'histoire en Grande-Bretagne. Elle enseigne l'histoire coloniale à l'université de Bristol, au Pays de Galles, et vient de publier aux Editions Albin Michel "Une histoire des Noirs d'Europe".

Sandrine Blanchard lui a demandé en quoi la traite transatlantique et l'esclavage marquaient encore la manière dont on perçoit les gens, au XXIe siècle.

Ecoutez ci-contre un extrait de l'interview qu'Olivette Otele a accordée à la DW et que vous retrouverez la semaine prochaine en version intégrale dans Droits et Libertés :

Interview avec Olivette Otele sur répercussions actuelles de la traite des esclaves

En fait, nous avons hérité de tous les mécanismes de hiérarchisation, de racisme et préjugés basés sur la couleur, etc, qui datent à peu près du XVIIesᵉ et XVIIIᵉ siècle, même s'il y avait des petits relents avant. Ces perceptions ont complètement marqué la façon dont nous voyons des personnes dites différentes ou faisant partie des minorités dites visibles.

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Cette décision de cataloguer et de hiérarchiser les gens en fonction de la couleur de leur peau est survenue assez tard, finalement, en Occident?

En fait, elle avait déjà commencé bien avant, mais elle n'était pas basée uniquement sur la couleur. Elle était basée sur l'appartenance religieuse et quelquefois l'appartenance géographique. Par exemple, les Anglais considéraient que les Irlandais étaient des sauvages. Et puis, à l'époque coloniale, les choses se sont un peu cimentées et même scellées, puisqu'on en vient à considérer les races comme des personnes ayant des couleurs de peau différentes.

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Est-ce qu'on comment cette idée a émergé? Pourquoi avoir choisi ce critère-là?

Eh bien, il y a une victoire économique des Européens grâce à la traite coloniale et cette victoire économique - mais c'est aussi ce projet colonial qui est de conquérir les océans et d'occuper des territoires - va amener une justification des atrocités. Et au départ, c'était en fait un commerce.

>>> Lire aussi : Togo : une maison où le souvenir des esclaves saigne encore

Est-ce que c'est aussi une motivation morale du point de vue des Européens, des esclavagistes que de chosifier les Noirs, ce qui amoindrit finalement la gravité du commerce, si ce sont des choses et non plus des gens à qui on a affaire?

Tout à fait. Cette justification permet d'accepter le fait qu'on a assujetti d'autres êtres humains.