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"La moitié de notre or sort frauduleusement de RCA"

Jean-Fernand Koena
30 mars 2022

Interview avec le ministre centrafricain des Mines, Rufin Bénam Beltoungou.

https://p.dw.com/p/49Dqx

Le secteur minier en Centrafrique est un facteur essentiel de l'économie du pays. Le gouvernement délivre les permis d'exploitation mais certaines coopératives ne respectent pas le cahier des charges, notamment en matière fiscale ou de respect de l'environnement.

Le ministre des Mines, Ruffin Bénam Beltoungou, a effectué récemment une mission de contrôle sur certains sites. Il estime que les deux tiers de la production nationale d'or, soit deux tonnes, quitte le pays sans être déclarés.

En revanche, il évite de se prononcer sur le contentieux entre le gouvernement centrafricain et la firme canadienne Axmin. Ce contentieux concerne les droits d'exploitation de la mine d'or de Ndassima que l'Etat centrafricain a retiré à Axmin pour les attribuer à Midas Ressources, une société malgache réputée proche de la Russie.


Un film pour la Paix en Centrafrique

DW : Monsieur le Ministre Ruffin Bénam Beltoungou, le secteur minier connait un rebond malgré la sanction du processus de Kimberley qui frappe les diamants. Pourquoi avez-vous effectué une mission dans la partie sud-ouest de la RCA?

Nous avons travaillé vers Berbérati dans le cadre d'une mission de suivi et de contrôle des activités minières. Comme je l'avais dit le premier jour à Gombola, l'objectif était de contrôler les activités qui s'y mènent.

On a pu se rendre compte qu'une bonne partie de nos productions part à l'extérieur, mais à l'insu des autorités de l'administration minière qui sont ici dans la localité.

Nous avons pris des dispositions pour que cela ne puisse plus se reproduire parce que les artisans eux-mêmes s'en étaient plaints, qui travaillent mais dont le fruit de ce travail profite plus aux expatriés. Aussi, nous avons infligé également des amendes à certains de nos compatriotes qui détiennent des permis d'exploitation dans cette ville et qui mènent leurs activités en toute irrégularité, en toute illégalité.

La fraude est aussi importante dans ce secteur...

Si vous suivez les statistiques de production de l'année dernière, nous avons fait presque une tonne, pour la première fois, une tonne pour l'exportation. Mais quand vous ajoutez à cela ce qui sort frauduleusement, cela peut être de l'ordre de deux tonnes.

Donc la fraude équivaut à l'exportation officielle?

On pourrait le dire, mais il faudrait avoir les chiffres. Il faudrait avoir le chiffre pour pouvoir attester et confirmer cela.

Parlant de lafraude, vous avez ordonné la saisie des équipements de la coopérative comme Camsona. Qu'est-ce que vous reprochez à cette coopérative?

Cette coopérative avait vu son permis retiré il y a de cela six mois.  Malheureusement, malgré un retrait du permis, la coopérative continue d'exercer ses activités et en partenariat avec un groupe de d'expatriés, en l'occurrence des Chinois. Donc on a été sur le terrain, on les a surpris. Ils étaient en train de mener en toute liberté leurs activités, en violation de la loi et cela nous a permis de pouvoir faire la saisie d'un véhicule et les quelques engins qui servent à cette exploitation illégale. C'est ce que la loi a prévu : quand il y a de l'exploitation illégale, tous les matériels et équipements qui servent à cette exploitation làsont saisis au profit de l'Etat. Donc, nous avons pratiqué la saisie. La commission de saisie logée au sein du ministère des Mines pourra en aviser.

Justement, sur la question de l'environnement, les coopératives ne font pas le "service après vente" suite à l'exploitation. Quel est le mécanisme de l'Etat dans ce sens?

C'est aussi le but de notre mission contrôler le respect de l'environnement. Vous constaterez avec moi que la destruction de l'environnement est très prononcée.

Les engagements environnementaux ne sont pas souvent respectés par les sociétés d'orpaillage
Les engagements environnementaux ne sont pas souvent respectés par les sociétés d'orpaillageImage : Jean-Fernand Koena/DW

Nous allons regarder dans le cahier des charges de cette coopérative. Normalement, il est prévu avant une exploitation, une étude d'impact environnemental. D'ailleurs, je voudrais dire que c'est un permis d'exploitation artisanale semi-mécanisé. Mais ce que nous constatons, ce n'est pas de la semi-mécanisation, c'est plutôt de l'artisanat et la destruction de l'environnement est vraiment prononcée et il est de notre devoir de pouvoir prendre les mesures qui s'imposent, de vérifier dans le cahier des charges de cette coopérative son programme de réhabilitation de l'environnement et faire en sorte que très rapidement, tous les grands trousqui ont été ouverts soient réhabilités.

À Gambela et sur les sites de Boma par exemple, il n'y a pas d'infrastructures sociales de base: école, hôpital. Est-ce que cette situation vous préoccupe?

Bien entendu, c'est une préoccupation parce que quand vous avez un permis - d'ailleurs, nous travaillons actuellement à l'laboration d'un document qui a été validé par le gouvernement, d'un projet d'arrêté portant cahier des charges des détenteurs de permis d'exploitation artisanale semi-mécanisée qui va bientôt être signé dès mon retour à Bangui. Le gouvernement a déjà marqué son accord et c'est pour prévoir le cadre de régime de l'exploitation. Ce sont des textes qui sont normalement prévus dans le cadre du code minier de 2009. Malheureusement, ces textes n'ont pas été pris et nous travaillons à ce que d'ici là, nous ayons cet arsenal juridique pour pouvoir argumenter cette activité.

Sur le site de Gambola
Sur le site de GambolaImage : Jean-Fernand Koena/DW

Monsieur le Ministre, le gouvernement est astreint devant le tribunal de commerce dans l'affaire où le permis est attribué aux Russes. Vous avez été en octobre devant ce tribunal. Où en sommes-nous avec cette conciliation?

Vous voulez dire que votre préoccupation n'est pas en rapport avec la mission mais je vais quand même dire un mot là-dessus. Le dossier actuellement, ce n'est pas le tribunal de commerce, c'est la chambre arbitrale de Paris. Le dossier suit son cours. Nous avons eu une première discussion à Abidjan. Il y aura certainement dans les jours à venir une autre discussion à Yaoundé. Mais je ne pourrais m'étaler davantage là dessus parce que c'est un dossier qui est au niveau de la justice. Ça, c'est l'affaire de la justice.