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Marikana - une victoire ambigüe

Marie-Ange Pioerron21 septembre 2012

La fin de la grève des mineurs de Marikana, en Afrique du sud, est relayée par la presse allemande. Les grévistes de la mine de platine ont finalement obtenu des hausses de salaires comprises entre 11 et 22%.

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Marikana: des mineurs fêtent leur victoireImage : Reuters

Ce n'est pas tout à fait ce qu'ils exigeaient. Mais la presse parle malgré tout d'une victoire. die tageszeitung par exemple, avec ce titre: "Grande victoire pour les mineurs de Marikana". Les cinq semaines de grève sont terminées. Les travailleurs de Lonmin, le troisième producteur de platine au monde, ont accepté une offre salariale de 1 100 euros par mois. La grève, violente, s'est traduite par de lourdes pertes pour le groupe britannique Lonmin. Et l'accord salarial de Marikana entraîne maintenant d'autres troubles chez les mineurs des sociétés environnantes dans la ceinture de platine de Rüstenburg. "Succès après une grève sanglante" titre de son côté la Berliner Zeitung qui souligne qu'après six semaines d'insurrection, ponctuées de 45 morts, les travailleurs de Marikana ont atteint leur objectif. Mais au Cap de Bonne Espérance l'accord n'a été que partiellement accueilli avec soulagement. Les analystes économiques et les représentants des syndicats traditionnels mettent en garde contre les implications de l'accord conclu: il pourrait susciter des espoirs irréalistes, attiser l'inflation et saper les négociations salariales institutionnalisées.

Sudan Khartum Sturm auf deutsche Botschaft
Attaque de l'ambassade d'Allemagne à KhartoumImage : Reuters

Quand les perdants du printemps arabe manifestent

Sans surprise il est aussi question dans la presse allemande, des manifestations dans les pays musulmans, notamment dans le nord de l'Afrique, contre la vidéo islamophobe produite aux Etats-Unis. A commencer, par l'attaque, vendredi 14 septembre, de l'ambassade d'Allemagne à Khartoum qui soulève bien des questions . Des questions posées par die tageszeitung à une spécialiste allemande de l'Afrique, Annette Weber. Par exemple: pourquoi s'en est-on pris précisément à l'ambassade d'Allemagne? Réponse de Mme Weber: politiquement, il n'y a en fait aucune raison. Ces manifestations ne font pas l'effet d'être spontanées, mais d'être au contraire organisées. Alors le gouvernement soudanais pourrait-il y être associé d'une manière ou d'une autre? Ce qui me rend perplexe, souligne Annette Weber, c'est que la police n'était pas très présente. A l'évidence elle n'est pas intervenue avec la même fougue que contre les manifestations de la société civile. Un tel film est pour le gouvernement l'occasion, bienvenue, d'unir la population derrière lui, car avec la hausse des prix alimentaires, les critiques s'amplifient contre les autorités.

Pour l'hebdomadaire Die Zeit, les manifestations contre un film insensé ne sont pas le résultat du printemps arabe, mais l'oeuvre des perdants de la révolution. En Libye par exemple le pays n'est nullement tombé aux mains d'islamistes après la chute de Kadhafi. Aux élections législatives de juin, les Frères musulmans n'ont remporté que 17 sièges sur 80. En Egypte, les fondamentalistes ont beaucoup perdu de leurs prestiges ces derniers temps. Avec leur entrée dans la realpolitik leur étoile a commencé à décliner. Les préoccupations économiques de nombreux Egyptiens s'amplifient, alors que les parlementaires salafistes glissent d'un scandale dans l'autre. La video insultante est donc une aubaine pour les salafistes. Quant à l'attaque de l'ambassade d'Allemagne à Khartoum, die Zeit estime qu'elle a été téléguidée par des intérêts politiques. Elle a été précédée d'une longue campagne anti-allemande, motivée selon le journal par le fait que l'Allemagne a soutenu plusieurs projets d'aide à la société civile soudanaise.

Protest Kairo Ägypten US-Botschaft Fahne
Manifestation au Caire devant l'ambassade des Etats-UnisImage : Matthias Sailer

Crânes humains et rébellion

Raia Mutomboki Anführer Kikuny Bürgerwehr Mutomboki Nduma Ostkongo
Kikuny, un des chefs des Raia MutombokiImage : Simone Schlindwein

Loin des manifestations anti-occidentales, la presse ne perd pas de vue la situation d'anarchie qui règne dans l'est de la République démocratique du Congo. die tageszeitung publie un reportage sur un endroit appellé Shabunda. C'est à 400km au sud de Bukavu, le chef-lieu du Sud-Kivu. Shabunda est une enclave accessible uniquement par hélicoptère. Il y a encore quelques mois, lit-on dans ce très long reportage, c'est ici, dans la jungle, que vivaient les rebelles hutus des FDLR, la milice la plus brutale dans l'est du Congo. Mais les FDLR sont maintenant en fuite, devant les Raia Mutomboki, traduisez "les hommes en colère qui se vengent". Cette milice d'autodéfense s'est implantée ces derniers mois dans un nombre grandissant de villages. Celui de Nduma par exemple où les habitants se sont rassemblés pour accueillir la journaliste de la tageszeitung: les chefs de clans, le chef du village, les femmes, les innombrables enfants. Dans la tradition du peuple barega, les chefs de clans ont choisi un porte-parole qui a le droit de parler pour la communauté, c'est un prêtre, Maurice Sambamba. Le vieil homme aux cheveux gris énumère les innombrables crimes commis par les FDLR. L'an dernier l'armée congolaise s'est retirée de la région, les attaques des FDLR ont été particulièrement graves. L'auteur du reportage relate également comment l'un des combattants de la milice d'autodéfense ouvre un grand sac et en sort des crânes humains en hurlant ceci "Nous conservons les crânes de nos parents, amis et voisins massacrés par les FDLR parce qu'ils nous commandent de nous venger."

Mosambik Friedliche Demonstration
Manifestation de "Madgermanes" en 2008Image : Ismael Miquidade

Une attente sans fin

Enfin à l'approche de l'anniversaire de la réunification de l'Allemagne - ce sera le 3 octobre - un quotidien allemand revient sur un aspect de la division de l'Allemagne qui concerne l'Afrique. Et c'est un chapitre qui n'est toujours pas clos. Comme l'explique Die Welt, des milliers de Mozambicains ont travaillé pendant des années dans ce qui était alors l'Allemagne de l'est. La plupart d'entre eux n'ont jamais touché leur salaire. Berlin-est et Maputo étaient convenus que les travailleurs mozambicains toucheraient 40% de leur salaires, et que les 60% restants seraient versés au gouvernement mozambicain, lequel devait les reverser aux travailleurs à leur retour au pays. C'était la théorie. Depuis 1990, les "Madgermanes" comme on les appelle là-bas se réunissent dans le centre de Maputo pour revendiquer leur dû. Au début ils étaient un millier, ils ne sont plus que 600. Les uns redoutent les matraques de la police, les autres ont perdu l'espoir de toucher encore leur argent. A Berlin, lit-on dans Die Welt, on ne se sent pas concerné. Le gouvernement de l'Allemagne réunifiée fait valoir qu'il a versé 90 millions d'euros à Maputo.