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"Maman, je suis vraiment désolée"...

7 janvier 2020

Une enquête poignante de la Tageszeitung retrace la route des 39 migrants vietnamiens retrouvés morts dans un camion frigorifique près de Londres.

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C'est dans le container de ce camion que les 39 victimes ont été retrouvées.
C'est dans le container de ce camion que les 39 victimes ont été retrouvées.Image : picture alliance/dpa/A. Chown

"Maman, je suis vraiment désolée. Ma route vers l'étranger a échoué. Je t'aime tellement. Je suis en train de mourir parce que je ne peux plus respirer. Pardonne-moi, maman."

Ces mots terribles sont ceux de Pham Thi Tra My, une jeune femme de 26 ans. Elle les a envoyés par message dans ses derniers instants depuis le camion frigorifique garé en banlieue de Londres.

Aujourd'hui, "un bouquet de fleurs fané en bord de route autour duquel se sont amassés quelques cannettes de bière est aujourd'hui le seul indicateur de cette tragédie".

Tony, un conducteur de grue qui passe par là tous les jours, explique que les camions frigorifiques sont hermétiques, "Il n'y a rien qui sorte ou qui rentre. Du coup les chiens renifleurs ne peuvent sentir aucune odeur qui aurait pu indiquer que des êtres humains se trouvent à l'intérieur."

Culture de cannabis

Pour retracer le parcours de ces migrants, le journal nous amène d'abord dans le centre du Vietnam, à Do Than, une petite commune de 15.000 habitants. Cinq des personnes retrouvées à Londres venaient d'ici.

"Il y a une vingtaine d'années, c'était un village pauvre, ou vivaient des cultivateurs de riz et des menuisiers. Si aujourd'hui certains habitants se prélassent dans des villas et conduisent des voitures neuves, c'est dû aux 10% d'anciens habitants de Do Than qui vivent aujourd'hui à l'étranger et envoient de l'argent à leurs familles, à l'église et aux trafiquants qui sont connectés avec les autorités locales."

Les corps des victimes avaient été rapatriés au Vietnam pour y être enterrées.
Les corps des victimes avaient été rapatriés au Vietnam pour y être enterrées.Image : Getty Images/Vietnma News Agency

Et si la destination Royaume-Uni est particulièrement prisée, c'est que celui qui arrive là-bas peut compter sur une importante communauté vietnamienne.

Selon une enquête, près de 55.000 Vietnamiens dont 20.000 sans-papiers vivaient déjà au Royaume-Uni en 2007.

Et parmi les occupations qui rapportent le plus, on n’y pense pas de prime abord, on trouve "le travail dans les fermes de cannabis. Celui qui décroche une position de chef peut se faire beaucoup d'argent."

D'autres vont travailler dans les salons de manucures, des restaurants ou dans la prostitution.

Trouver un travail pour payer les passeurs

Mais la route est longue, de Hanoï à Londres. La taz s'appuie sur le témoignage d'un Vietnamien qui vit à Berlin depuis un an. Il se fait appeler Quynh et avait accompagné trois des migrants morts dans le camion frigorifique.

"Son histoire semble crédible", selon le journal. Il raconte qu'on avait promis aux autres migrants de 10.000 à 15.000 euros pour travailler dans la récolte illégale de cannabis.

Mais ceux qui viennent de communes aisées comme Do Thanh peuvent espérer aller loin dans le business et gagner jusqu'à 40.000 euros par mois.  

Pour cela, ils auraient d'abord pris un avion au Vietnam pour aller en Russie. Certains sont restés là-bas, d'autres ont poursuivi leur route jusqu'à la frontière ukrainienne.

Puis ils ont marché à travers l'Ukraine, la Pologne et la République Tchèque avant d'arriver à Berlin.

Quinh a trouvé un travail, pour rembourser son passeur mais ses trois compagnons de route auraient eu moins de chance.

Alors ils ont continué, pour payer leur dette chez les trafiquants. Le voyage du Vietnam au Royaume-Uni aurait coûté 20.000 euros par personne, selon Quinh.

Parmi les 39 victimes, 5 venaient du même village.
Parmi les 39 victimes, 5 venaient du même village.Image : Getty Images/AFP/N. Nguyen

De nouvelles routes

"Le passage entre Bruxelles et l'Angleterre coûte 5.000 euros. Il implique des réseaux kurdes, explique une procureure belge. Celui qui a plus d'argent prend l'avion de la Chine à Paris. Cette route coûte 40.000 dollars. Et récemment, nous assistons à une nouvelle route, au sud, en avion du Vietnam à Abu Dhabi, puis vers le Maroc ou l'Espagne, avant de continuer vers Paris ou Bruxelles en bus, en train, en camion ou en avion avec des faux documents."

C'est parce que les longues marches à pied auraient laissé un souvenir si douloureux aux compagnons de route de Quinh qu'ils auraient choisi la version appelée VIP pour la fin de voyage jusqu'à Londres. Cette option se trouvait être le camion frigorifique.

Dans ce container, le volume de l'arrivée d'air ne pouvait suffire qu'à laisser respirer six personnes. Ils étaient 39 migrants vietnamiens pris au piège.

La migration au Venezuela

La migration, on continue à en parler, mais cette-fois au Venezuela. Plus de quatre millions de personnes ont fui le pays depuis le début de la crise humanitaire en 2015, soit 16% de la population.

Et le pays reste bloqué dans son impasse politique, avec l'image d'un Juan Guaido, président de l'Assemblée nationale et président autoproclamé, qui essaie d'enjamber les grilles du Parlement, repoussé par les forces de l'ordre dirigées par le chef de l'Etat Nicolas Maduro.

"C'est sans espoir" commente la Süddeutsche Zeitung, qui voit là la preuve que "Juan Guaido n'est jamais devenu le rival sérieux face à Maduro que beaucoup de Vénézuéliens voyaient en lui.

"Pour le journal, le pays "n'est depuis longtemps plus une démocratie dans laquelle les leaders doivent rendre des comptes, mais un Etat de non droit dirigé de manière autocratique."

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Marco Wolter Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_francais