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Lutte d'influence entre actionnaires de la Bad

Reliou Koubakin
8 juin 2020

Son président, Akinwumi Adesina, est accusé de mauvaise gouvernance. Une crise qui révèle aussi une lutte d’influence entre ses deux premiers actionnaires.

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Le président de la BAD rejette les allégations des lanceurs d'alerte
Le président de la BAD rejette les allégations des lanceurs d'alerteImage : picture-alliance/dpa/C. Nedegeya

Les États-Unis font pression pour que les accusations  contre Akinwumi Adesina soient clarifiées. Washington exige depuis fin mai une enquête indépendante sur les accusations de "comportement contraire à l'éthique, enrichissement personnel et favoritisme"  du président de la Banque africaine de développement (Bad). 

Une première enquête du comité d’éthique avait conclu à l’absence de preuves mais Washington a mis en cause son impartialité et obtenu la mise en place d’une enquête indépendante.

La rivalité entre les Etats-Unis et le Nigeria 
La Banque africaine de développement (Bad) compte 80 pays actionnaires, dont 26 pays non africains. Ces derniers possèdent 40% du capital de la banque et cette composition mixte fait que si le Nigeria est le premier actionnaire avec 8,5% des voix, les Etats-Unis en sont le deuxième avec 6,6% des voix.
C’est ce poids qui s’illustre dans la crise actuelle, selon l’économiste Xavier Noumon:

"Il faut dire qu’il y a une lutte diplomatique. Le Nigeria avec le président Buhari a manifesté son soutien (à Akinwumi Adesina). Des anciens présidents, sous la coupe de l’autorité morale de l’ancien président nigérian Olusegun Obasandjo, ont sonné la révolte parce qu’il y a deux lignes qui s’affrontaient. C’est aussi une bataille entre actionnaires de la banque. Le Nigeria a imposé Akinwumi Adesina contre beaucoup de vents contraires lors de la dernière élection. Les pays du nord n’étaient pas alignés derrière cette candidature."

Écoutez les explications de Reliou Koubakin

La décision de lancer une enquête indépendante a été prise "dans le but de réconcilier les différents points de vue", précise Nialé Kaba, présidente du bureau du Conseil des gouverneurs de la Bad. 
Cette nouvelle enquête autorisée par la Bad va être menée par une "personne neutre, intègre". Séraphin Prao, agrégé d’économie, justifie la pression exercée par les États-Unis. 

"Si ces accusations s’avéraient vérifiées, ce serait grave. Vu que les Etats-Unis font partie des actionnaires, il me semble normal que ce  pays demande qu’il y ait une clarification de tout ce qui se trame aujourd’hui au sein de notre banque panafricaine. Ce que les Américains demandent, je ne pense pas que ce soit une demande de trop." 

Augmentation du capital

L’institution, la seule en Afrique cotée triple A par les agences de notation financière, a réalisé en octobre dernier une augmentation de capital de 93 à 208 milliards de dollars. 
Abuja salue le bilan du premier Nigérian à la tête de la Bad depuis sa création en 1964. Pourtant, les lanceurs d’alerte reprochent à Akinwumi Adesina sa gouvernance. Sa candidature pour un second mandat se trouve donc fragilisée, soutient Xavier Noumon.
"Il a fait franchir des étapes considérables à la Banque africaine de développement. Se voir accuser de favoritisme, de prévarication- les mots sont quand même assez forts- sonne comme une grosse tache dans son parcours même si les jeux ne sont pas faits", explique l'économiste.
Le rapport de l’enquête indépendante devrait être rendu prochainement. La Bad souhaite toutefois maintenir le processus électoral qui verrait la réélection, fin août, du seul candidat en lice, Akinwumi Adesina. 

Les USA ont demandé une nouvelles enquete sur la gouvernance d'Akinwumi Adesina
Les USA ont demandé une nouvelles enquete sur la gouvernance d'Akinwumi Adesina Image : Reuters/L. Millis

Celui-ci rempilerait alors à la tête d’une banque qui pourrait perdre en intégrité si l’enquête confirmait les allégations des lanceurs d’alerte, prédit Séraphin Prao.