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L'Histoire s'accélère en Egypte

11 février 2011

C'est encore l'Egypte qui cette semaine inspire le plus d'articles et de commentaires à la presse allemande.

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Manifestation à Alexandrie, 5 février 2011Image : AP

La presse a parfois du mal à suivre le rythme des événements. Les journaux de vendredi par exemple, bouclés jeudi soir avant le discours de Moubarak, annonçaient la démission très probable du raïs. Ils y croyaient déjà, mais la démission n'est intervenue que le 11 février. Pour ce qui est de l'analyse die Tageszeitung estime que ce n'est pas un hasard si la contestation a éclaté en Tunisie et en Egypte. Deux pays aux régimes pro-occidentaux, qui ces dernières années ont libéralisé l'économie et passaient à ce titre pour des élèves modèles dans la région. Mais en Egypte comme en Tunisie les privatisations et l'ouverture des marchés n'a profité qu'à une petite élite. La masse de la population a souffert de la hausse des prix et du chômage.

Ägypten Proteste
Place Tahrir, au Caire, 31 janvier 2011Image : picture alliance/dpa

La Süddeutsche Zeitung note que l'autocratie égyptienne ne se réduit pas à Moubarak. Le système est complexe, il y a des institutions étatiques, l'appareil du parti au pouvoir, des réseaux semi-officiels. Les connections sont politiques, financières, personnelles. Cette pieuvre veut survivre, avec Oumar Souleimane, le vice-président, à sa tête. Or Souleimane est un clone de Moubarak.

Ägypten Vizepräsident Omar Suleiman
Omar Souleiman, le vice-présidentImage : picture-alliance/dpa

Pour l'hebdomadaire Die Zeit, paru jeudi, Moubarak a étouffé tout ce qui pourrait permettre aujourd'hui une "transition ordonnée": les droits de propriété, une justice indépendante, des médias plus ou moins libres. Faute de fondations démocratiques, un renversement du régime ne peut favoriser que deux centres du pouvoir: d'abord l'armée, ensuite les Frères musulmans. Or l'armée n'est pas garante de la démocratie, les Frères musulmans sont un ennemi du pluralisme et de la paix avec Israel. Cela explique pourquoi chez les occidentaux, poursuit le journal, l'emphase initiale contenue dans les appels au départ de Moubarak a cédé entre temps la place au dégrisement. C'est le vieux dilemme entre les intérêts et les idéaux. Les Etats-Unis, lit-on dans die Welt, n'ont pas seulement sous-estimé la crise égyptienne, ils ont réagi trop lentement, et mal. Mais, souligne la Frankfurter Allgemeine Zeitung, Obama est assis entre deux chaises. Et même si les manifestants se sentent abandonnés, une transition ordonnée est sans doute l'approche la plus raisonnable. Personne n'a intérêt à ce que la révolte s'achève dans des flots de sang.

Proteste in Algerien
Manifestation à Alger, 22 janvier 2011Image : picture alliance/dpa

A quand l'Algérie?

Dans le sillage de l'Egypte et de la Tunisie , la presse allemande s'intéresse aussi à l'Algérie. die Tageszeitung a rencontré l'écrivain algérien Boualem Sansal. Et le discours qu'il tient est très pessimiste. En Algérie, souligne-t-il, il n'y a pas que les généraux. Il y a tous les groupes d'intérêts possibles: les clans, les grandes familles, les corporations, les roitelets locaux. Sans l'accord de tous ces groupes, le gouvernement ne peut rien décider vraiment. En Tunisie c'était plus simple, il y avait un clan, celui de Ben Ali. En Algérie les véritables structures sont totalement opaques pour le citoyen. Bref, souligne plus loin Boualem Sansal, je ne crois pas qu'une rébellion soit possible en Algérie. A chaque fois que des troubles éclatent quelque part, le pouvoir joue avec succès sur les différences régionales. Il y aura des insurrections, mais qui ne mettront pas vraiment en danger les puissants. Grâce aux recettes pétrolières ils ont de l'argent à profusion et peuvent fabriquer à tout moment de nouveaux partis politiques, de nouveaux chefs de gouvernement et même de nouveaux présidents. La seule inconnue ce sont les jeunes. Personne ne sait vraiment ce qui se passe dans leur tête. L'interview s'achève par cette question: Boualem Sansal êtes-vous un incorrigible pessimiste? Réponse: malheureusement, jusqu'à ce jour, mon pessimisme s'est toujours vérifié.

Rückkehrer aus Norden Südsudan
Un Sud-Soudanais rentré du Nord.Image : DW

Triple libération pour le Sud-Soudan

C'est un optimisme très modéré qui émane des journaux allemands après la confirmation officielle de la prochaine indépendance du Sud-Soudan.

"Un Etat fait de rêves", titre la Berliner Zeitung qui écrit que pour le Sud-Soudan, la création d'un Etat propre est une triple libération: libération de siècles d'esclavagisme arabe, libération, pour le sud chrétien ou animiste, de la loi islamique en vigueur depuis 1991 dans tout le Soudan. Enfin libération de l'une des dictatures les plus brutales dans l'espace arabe. Les huit ou 14 millions de Sud-Soudanais - personne ne connait leur nombre exact - ne fondent leur Etat sur rien d'autre que leur volonté de prendre leur destin en main et l'espoir que la manne pétrolière permettra de forger une collectivité qui fonctionne. Les Sud-Soudanais, note encore le journal, se sont libérés de leurs chaines. Mais ils devront faire la même expérience que beaucoup d'autres pays africains: ils verront à quel point il est difficile de transformer la liberté en bonheur pour le peuple.

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Coltan, un minerai trés recherché

Des dollars, de l'or et un général

Le pillage des ressources de la République démocratique du Congo - le sujet n'est pas nouveau. Mais ce qui s'est passé la semaine dernière à Goma montre que, pour une fois, les autorités congolaises ont pu faire capoter un trafic d'or. L'histoire est relatée dans die Tageszeitung sous un titre qui flaire le roman policier "Des dollars, de l'or et un général". Des négociants venus du Nigéria voulaient acheter des centaines de kilos d'or à un général. Ils ont envoyé à Goma un avion bourré d'argent. Il y avait à bord 6,8 millions de dollars, en liquide. L'avion a atterri jeudi de la semaine passée sur l'aéroport de Goma, dans la province du Nord-Kivu. Mais les autorités de la province ont confisqué l'appareil et arrêté les passagers - deux Nigérians, un Américain et un Français. L'argent était destiné à l'achat illégal d'une grosse quantité d'or. Selon des informations congolaises poursuit le journal, le général Bosco Ntaganda est impliqué dans l'affaire. C'est l'un des commandants des opérations de l'armée congolaise contre la milice hutu des FDLR. Bosco a été autrefois le compagnon de lutte de l'ancien chef rebelle tutsi Laurent Nkunda. Il est recherché par la Cour pénale internationale pour le recrutement d'enfants soldats, mais vit à Goma sans être inquiété. L'origine de l'argent est claire, souligne le journal, L'avion venait directement d'Abuja. L'origine de l'or, en revanche, reste floue. Le général Bosco affirme qu'il ne lui appartient pas, mais vient du Katanga. Il est toutefois bien connu, ajoute la TAZ, que l'armée congolaise exploite illégalement de l'or. Depuis septembre 2010, rappelle le journal, les exportations légales de minerais sont interdites dans l'est du Congo.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Sandrine Blanchard