Le coup de théâtre de Mohamed Morsi
14 août 2012Die Welt imagine ainsi deux scénarios possibles après le limogeage du maréchal Tantaoui, un homme de l'ancien régime. Soit Mohamed Morsi cherche, avec cette décision, à sortir de l'ombre et à réaffirmer le primat de la politique sur le militaire. Dans ce cas, ce serait un pas dans la bonne direction, vers un État post-militaire.
Soit le président commence à faire de la place en vue d'instaurer un régime islamique où la religion prendrait la place prépondérante qu'occupait jusqu'ici l'armée. Le journal espère pour l'Égypte, pour la région et pour le reste du monde, que Mohamed Morsi saura faire preuve du même courage devant les siens que devant les militaires.
La Frankfurter Allgemeine Zeitung parle elle d'un "acte libérateur". En échangeant la vieille garde de l'armée contre des généraux bien plus jeunes, le président a franchi une étape cruciale. Elle comporte des risques mais aussi des potentiels. Mohamed Morsi ne plaisante pas lorsqu'il dit qu'il veut bouleverser le système, en place depuis le putsch militaire de 1952.
Cela dit, la séparation entre l'armée et la politique n'est pas encore très claire. Au poste de ministre de la Défense, on trouve de nouveau un général. Celui de vice-président est occupé par un proche de Morsi. Désormais, tout repose sur la façon dont ce dernier va exploiter sa nouvelle marge de manœuvre. Il peut soit conduire l'Égypte vers une démocratie, soit continuer à islamiser le pays. Die Tageszeitung prend le parti de croire à la première des options et intitule son commentaire « Un pas de géant vers la démocratie ». En évinçant les militaires, le président Morsi a fait preuve de beaucoup de tact, estime le quotidien. Il a réussi à faire en sorte que les hauts gradés restent intouchables pour la justice, ce qui rend l'hypothèse d'un putsch peu probable.
Parallèlement, en les nommant conseillers, il les empêche de quitter le pays sans son autorisation. De futures poursuites judiciaires ne sont donc pas à exclure. Désormais le président dispose de l'ensemble du pouvoir exécutif et législatif. La grande question est de savoir s'il saura en faire usage de manière responsable. À partir de maintenant, l'attention du pays va se concentrer sur la rédaction de la nouvelle Constitution.