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"Je ne suis pas comptable de la gestion de Issoufou"

21 décembre 2020

Le Nigeriens sont appélés aux urnes le 27 décembre pour élire leur nouveau président. Parmi les candidats, l'ancien ministre de l'Agriculture et de l'Élevage, Albadé Abouba.

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Albadé Abouba, du Mouvement Patriotique pour la République (MPR-Jamhuriya)
Albadé Abouba, du Mouvement Patriotique pour la République (MPR-Jamhuriya)Image : Patriotische Bewegung für die Republik

Trente candidats sont en lice, dont Mohamed Bazoum, ancien ministre de l'Intérieur et des Affaires étrangères, considéré comme un homme clé du pouvoir sous la présidence de Mahamadou Issoufou. L'ancien ministre de l'Agriculture et de l'Élevage, Albadé Abouba, du Mouvement Patriotique pour la République (MPR-Jamhuriya) est aussi candidat pour le fauteuil présidentiel. Celui-ci réfute d'être comptable du bilan du président sortant. Interview.

DW :  Bonjour M. Albadé Abouba. Quel bilan faites-vous des deux mandats du président Issoufou Mahamadou. Notamment sur la corruption et la sécurité ?

Ayant été membre du gouvernement de M. Issoufou, il ne me revient pas d'apprécier le bilan de sa gouvernance. Il faudrait laisser aux historiens et également à d'autres hommes qui sont intéressés par la gouvernance de nos pays et qui ont plus de recul pour mieux apprécier. Moi je suis juge et partie à la fois alors ce ne serait pas décent de ma part de faire un procès de la gouvernance d’un président que j'ai servi durant ses deux mandats.

DW : Vous avez pourtant dénoncé les actions du gouvernement de Issoufou Mahamadou

Non, ce que j'ai dit : de par la collégialité de l'action gouvernementale, j'ai une part de responsabilité de cette gestion mais je ne suis pas comptable de la gestion de M. Mahamadou Issoufou en tant que président de la République ou chef de l’exécutif. D’autant plus que c’est son programme. Alors si sa mise en œuvre a été bonne ou mauvaise, il reste au peuple nigérien d’en apprécier. Il y a beaucoup de choses qui ont été bien faites comme il y a eu autant qui ont été mal faites. Naturellement tout ce qui a été mal fait, il faudrait le corriger - que ce soit en termes de corruption ou d'autres aspects de la gestion de l'État. Il faudrait corriger ces erreurs ou ces défaillances de façon que le Niger puisse retrouver véritablement la lampe de l’émergence et du développement.

 DW : Mais vous avez fait partie de la majorité présidentielle, c'est aussi votre bilan non ?

 Mais c'est ce que je viens de vous dire. Ce n'est pas mon bilan, c'est le bilan de celui qui à son programme. Moi, je ne suis pas habilité à dresser un bilan de ma gestion. Je suis habilité à proposer, en tant que leader d'un parti politique, un projet de société qui m'est propre. Mais ayant été membre du gouvernement, ce n'est pas pour autant que je suis responsable du bilan de la gestion du programme de M. Issoufou.

DW : Alors que feriez-vous, si vous remportez la présidentielle notamment sur le plan de l'insécurité alimentaire puisque vous étiez ministre de l'agriculture et de l'élevage?

Au Niger, nous avons effectivement une situation chronique depuis des décennies liée à l'insécurité alimentaire. Alors la solution que je préconise, elle est toute simple :  nous avons la terre, nous avons de l'eau, nous avons la main d'œuvre nécessaire pour mettre en valeur ces terres qui sont demeurées sans culture jusqu'à présent puisque nous avons suffisamment de terres cultivables en toutes saisons - plus de 15 millions d'hectares. Nous avons des eaux de surface, nous avons des eaux de nappes phréatiques en grande quantité qui n’attendent que d’être exploitées et mises à la disposition de la population pour produire. Alors à partir du moment où on permet à la population de produire, je pense que le reste va suivre tout seul d'autant plus que l'autosuffisance alimentaire, c’est la satisfaction des besoins les plus élémentaires pour la population. Et c’est ça, en fait, la stratégie que moi personnellement je mets en avant. Parce que quoi qu'on dise, quoi qu’on fasse, tant qu'on ne valorise pas ce potentiel des terres cultivables qu’on a d'une part, et la mise à disposition de l’eau en quantité suffisante aux populations pour produire d’autre part, je pense que l’on restera toujours dans la dépendance.

DW : Et que feriez-vous sur le plan sécuritaire ?

Au niveau de la sécurité, nous sommes actuellement dans une situation vraiment très difficile. Vous le savez très bien que toute la zone Sahélo-Saharienne est infestée par ce phénomène de terrorisme et des trafics en tous genres. La première des choses est de renforcer la capacité opérationnelle de nos forces de défense et de sécurité par une très bonne formation et également par un équipement adapté - je l’ai dit  haut et fort. Il faut renforcer les effectifs de nos forces de défense tout en mettant l'accent sur la formation et les équipements de qualité. Le soldat, lui-même doit se sentir sécurisé parce qu’il faut le protéger. On ne va plus envoyer un soldat au front dans les formes d’antan. Aujourd'hui, le soldat, lui-même, a besoin des équipements pour sa sécurité avant de s'engager à affronter un adversaire ou un ennemi. C'est sur ces aspects-là, qu'il faut mettre l'accent et avoir véritablement des armées professionnelles et pas des armées de parade comme on en voit un peu en Afrique, à l'occasion de certains événements.

DW : Le président Issoufou Mahamadou est très apprécié par la communauté internationale parce qu'il a décidé de rendre le pouvoir mais on l'accuse aussi de vouloir le céder à Mohamed Bazoum. Certains opposants parlent de dynastie, est-ce que vous faites partie de ceux-là qui dénoncent cette transmission du pouvoir ?

Non. Que le Président Issoufou ne se présente pas, c'est tout à son honneur et puis là, il a respecté une disposition de la Constitution qui est très verrouillée chez nous. Qu'il propose un candidat de son parti pour lui succéder, il n’y a pas plus naturel que ça. Maintenant, il revient au peuple nigérien d'apprécier et de choisir le meilleur d'entre nous. Nous sommes trente candidats et les Nigériens se connaissent suffisamment entre eux. Les Nigériens savent ce qui a été fait et ce qui n’a pas été fait. Qui est capable de faire quoi par rapport à quoi et donc le choix revient aux Nigériens. Sinon n'importe quel chef d'État au monde est en droit de proposer un successeur qui émane généralement de son entourage ou de sa formation politique, il n’y a rien d’illogique à cela. Maintenant que ce soit un tel ou un autre, cela relève de la souveraineté du parti ou du président qui a opéré le choix. Personnellement, je ne vois pas en quoi la candidature de X ou de Y me dérangerait - à condition qu'elle soit une candidature conforme aux règles instituées par les textes en vigueur.

DW : Justement à quelques jours du scrutin présidentiel, la nationalité de Bazoum Mohamed suscite beaucoup de débats au Niger.  Qu'est-ce que vous en pensez-vous ?

Dès le départ, moi j’ai dit que c’est un débat qui n'aurait pas dû avoir lieu parce qu’il nous a pollué l'atmosphère, il nous a pollué l'ambiance politique et cela relève des juridictions compétentes. Ce sont elles qui doivent apprécier cela et je m’en remets aux institutions qui sont censées être compétentes. Maintenant qu’elles aient dit le droit ou pas, de toute façon, on est obligé de s'accommoder des conclusions de ces institutions.  

DW : Plusieurs partis de l'opposition ont créé la Cap 20-21, Coalition pour une Alternance Démocratique pour faire barrage au candidat du pouvoir en cas de deuxième tour. Tout sauf Bazoum vous êtes pour?

Moi je suis candidat de mon parti et nous ne sommes pas candidats contre quelqu'un.

Nous ne sommes pas candidats contre un groupe de personnes ou un groupe de partis politiques, nous sommes candidats au titre de notre parti, au titre des partis qui nous soutiennent et face au choix des Nigériens. Donc je n'aime pas individualiser le débat ou stigmatiser des personnes parce qu’on ne fait pas la politique contre des individus mais on fait la politique contre des principes ou pour des principes et également pour proposer des alternatives et des projets de société. Maintenant, chaque pays a ses particularités, il y a des imperfections à corriger mais je pense que le plus important pour les Nigériens et pour le Niger, c'est d’organiser des élections transparentes, équitables, inclusives, justes et apaisées. Et surtout éviter la stigmatisation des personnes qui ramène le débat à des problèmes individuels et ça ce n'est pas le propre d'un parti politique et personnellement, ce n’est pas ma perception des choses.

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