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Fact-checking : les arguments de guerre de Poutine

Ines Eisele | Joscha Weber | Andrea Grunau | Matthias von Hein | Eugen Theise | Reliou Koubakin
2 mars 2022

Le président russe a mis en avant des motifs historiques ou irrationnels pour justifier l’invasion du voisin ukrainien. La plupart sont faux.

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Des personnes regardent les restes éventrés de véhicules militaires russes sur une route de la ville de Bucha, près de la capitale Kiev
Des personnes regardent les restes éventrés de véhicules militaires russes sur une route de la ville de Bucha, près de la capitale KievImage : Serhii Nuzhnenko/AP/picture alliance

L'extension de l'Otan vers l'Est est-elle réelle ?

Avant l’invasion de l’Ukraine, le président Vladimir Poutine a dénoncé "l'extension du bloc de l'Otan vers l'Est et le rapprochement de son infrastructure militaire de la frontière russe".

Le fact-checking de la DW: Induit en erreur

Il est vrai que dix pays d’Europe de l’Est, anciennes républiques socialistes ou même anciennes parties de l’ex-URSS, ont intégré l’Otan depuis 1991. Quatre sont d’ailleurs frontaliers de la Russie : l’Estonie et la Lettonie, auxquels s’ajoutent la Lituanie et la Pologne qui enserrent l’enclave russe de Kaliningrad.

(Re)lire aussi → Après 70 ans de vie, l'Otan en quête d'un nouveau souffle

Mais tous ces Etats ont choisi de manière souveraine de rejoindre l’Otan, souvent pour se protéger de la Russie qui les avait envahis en 1945.

Aujourd’hui, l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan est en suspens et le chancelier allemand Olaf Scholz a fait savoir, le mois dernier, que le sujet n’était pas à l’ordre du jour. Le président américain Joe Biden a indiqué que l’Otan n’interviendrait pas en Ukraine.

Infographie sur l'extension vers l'Est de l'Otan
Infographie sur l'extension vers l'Est de l'Otan

En réaction à la détérioration des relations Est-Ouest, l'Otan a certes commencé en 2016 à faire tourner quatre groupes de combat de bataillon dans les pays baltes et en Pologne. Ces groupes de combat, qui comptent au total 5.000 soldats, sont toutefois bien trop réduits pour constituer une menace réelle pour la Russie, dont le nombre de soldats actifs est estimé à 850 000.  En réaction à l’invasion russe, l’Otan a toutefois mobilisé sa force de réaction rapide de 40.000 hommes mais sa fonction est défensive.

(Re)lire aussi → La Russie envahit l'Ukraine sur plusieurs fronts

Dénazifier l'Ukraine ?

Pour justifier ce qu’il appelle une "opération militaire spéciale", le président Vladimir Poutine a aussi indiqué que l’objectif était de démilitariser et dénazifier l’Ukraine. 

Le fact-checking de la DW: Faux

Mais il n’y a pas de nazis en Ukraine et aucun responsable de l’Etat ne revendique une idéologie qui serait proche du régime hitlérien qui a massacré six millions de juifs durant la Seconde guerre mondiale. Le président ukrainien Volodymir Zelenski est d’ailleurs un juif russophone.

 Le président ukrainien Volodymyr Zelenski dans un discours mercredi 02 mars
Le président ukrainien Volodymyr Zelenski dans un discours mercredi 02 marsImage : Ukraine Presidency press service/AFP

Un génocide en Ukraine ?

Autre argument du président russe : "protéger les personnes qui ont été brimées et soumises à un génocide par le régime de Kiev pendant huit ans".

Le fact-checking de la DW: Faux

Si l’on prend en compte les rapports réguliers de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), il n’y a aucun indice de massacres systématiques de la population civile. Ces rapports se basent sur des données de Kiev et de Moscou. Treize mille personnes seraient mortes dans l’Est de l’Ukraine, la plus grande partie d’entre eux entre 2014 et 2015, date du début de l’annexion de la Crimée. Mais les victimes, ukrainiennes et russes, ont diminué depuis 2016.  

L'attaque de l'Ukraine s'inscrit-elle dans le cadre de la Charte de l'Onu ?

Vladimir Poutine a aussi invoqué l’article 51 du chapitre 7 de la Charte des Nations unies pour envoyer des "missions de paix" dans les Républiques autoproclamées du Donbass.

Le fact-checking de la DW: Faux

Cet article définit la notion de légitime défense d’un Etat en cas d’agression armée. 
Pia Fuhrhop, chercheuse à l’institut allemand pour la politique internationale et la sécurité (SWP), observe sur la DW que : "au contraire, l'Ukraine a tout fait ces dernières semaines pour ne pas donner à la Russie le prétexte de proclamer un tel droit à l'autodéfense". 

La Russie a-t-elle créé l'Ukraine ?

Le président Vladimir Poutine le 24 février lors du lancement de "l'opération militaire spéciale"
Le président Vladimir Poutine le 24 février lors du lancement de "l'opération militaire spéciale"Image : Kremlin/AFP

Enfin, la déclaration du président Poutine qui tendrait à faire croire que la Russie a créé l’Ukraine moderne n’est pas vraie. Selon le président russe, son prédécesseur Lénine serait le créateur et l’architecte de l’Ukraine. 

Le fact-checking de la DW: Faux

Mais l'Ukraine moderne n'a bien sûr pas été "créée" par la Russie, dans la mesure où un Etat national ukrainien indépendant, la République populaire d'Ukraine, a existé pendant environ deux ans avant la prise de l'Ukraine par l'Armée rouge en 1920. Selon l’historien Joachim Puttkamer de l’Université de Jena en Allemagne sur la DW, Lénine a réagi à un mouvement national ukrainien et à la formation d'un Etat-nation - il ne les a pas créés en premier lieu.

Par ailleurs, l’histoire de l’Ukraine a longtemps échappé à celle de la Russie puisqu’une grande partie de son territoire, au XVIIe et XVIIIe siècles, appartenait à la République des deux nations, une union entre le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie.
Enfin, après l'effondrement de l'Union soviétique, l'Ukraine est devenue un Etat à part entière il y a maintenant trois décennies. En 1991, le soutien de la population à la sortie de l'Union soviétique et à l'indépendance a été écrasant : plus de 90% ont voté pour lors d'un référendum.