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"Les coups d'état ne sont pas des solutions"

ERIC TOPONA19 octobre 2022

Le professeur Souleymane Bachir Diagne, philosophe et directeur de l’Institut d’études africaines de l’Université de Columbia s'exprime au sujet de la création d'une fondation pour la démocratie en Afrique qu'il dirige. Il aborde également d'autres sujets liés à l'actualité africaine.

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Professeur Souleymane Bachir Diagne, bonjour.

Actée lors du sommet Afrique-France à Montpellier en octobre 2021, une Fondation pour la démocratie en Afrique a été officiellement lancée à Johannesburg, en Afrique du Sud, le 6 octobre dernier. Comment va t elle fonctionner?

Ceci sera mis en musique par la direction qui va être en place parce que pour l'instant, vous avez un management committee. Donc on va dire le conseil d'administration au conseil de direction que je préside. Mais la véritable direction va être imprimée par le directeur qui va être nommé.

Il y a un appel d'offres pour avoir un directeur et qui indiquera très précisément comment mettre concrètement en place des politiques, des appuis, décider des appuis qui permettront de remplir cette mission générale.

Donc c'est bien la France qui va financer cette fondation et ça? 

 

C'est la France. Mais pour l'instant, un certain nombre de sommes en place. Mais comme vous le savez, une fondation peut toujours faire appel à des fonds qui vont sans doute venir.

 

Est-ce que ce n'est pas un handicap, que ce soit la France qui soit l'un des principaux bailleurs de la fondation?

 

Ça n'est jamais un handicap que quelqu'un mette la main à la poche quand il faut agir. Évidemment, il faut tenir compte de toutes ces circonstances là, mais je ne vois pas très bien en quoi, au fond, ceci serait un handicap pour une fondation qui est une fondation de droit sud africain et qui va mener une mission qui sera jugée sur sa capacité à mener cette mission.

Certains universitaires, notamment africains, estiment que cette fondation, la Fondation pour la démocratie, a pour vocation de se mettre au service de l'influence française en Afrique ou simplement à aider à réduire le sentiment anti-français qui existe dans certains pays de l'espace francophone du continent africain. Qu'est ce que vous leur répondez?

 

Il est toujours recommandé de ne pas anticiper sur ce que va faire une organisation dès lors qu'elle affirme ce que va être sa mission. Donc, il y a aussi des universitaires parmi ceux qui sont dans le conseil d'administration qui estiment que c'est une très bonne chose d'avoir une fondation qui puisse accompagner ainsi la puissance démocratique africaine.

 

Et selon vous, que faut-il faire justement pour réduire ou résorber ce sentiment anti-français ou ce sentiment anti politique de la France en Afrique qui couve dans beaucoup de pays africains de l'espace francophone?

Il est évident qu'il faut, pour utiliser un mot qui a eu cours à Montpellier justement, refonder la relation entre la France et un certain nombre de pays africains. Alors, ce sentiment de colère contre la présence française en Afrique, contre la politique française en Afrique se fait sur fond de panafricanisme et certains disent qu'il s'agit d'un panafricanisme débridé.

Je ne sais pas qui sont certains, mais moi, si je reviens à la définition du panafricanisme, il y a deux choses : la première chose, il faut se rappeler que le panafricanisme est d'abord né dans le Nouveau Monde et il avait la signification d'être une volonté de la diaspora africaine, de se réincorporer, si vous voulez, dans le mouvement africain et dans le mouvement de l'émancipation africaine jusqu'en 1945 jusqu'au Congrès panafricain de Manchester.

Après le Congrès panafricain de Manchester, il y a eu une sorte de passage du témoin à Kwame Nkrumah en particulier, et à ce moment là, il y a une sorte de continentalisation du panafricanisme. C'est à dire que la mission était cette fois là de construire l'unité du continent, de construire les Etats-Unis d'Afrique, pour reprendre une expression que l'on trouve aussi bien sous la plume de Kwame Nkrumah que sous celle de Senghor et donc du Caire jusqu'au Cap.

 

Voilà donc en conclusion le panafricanisme tel que voulu, tel que prôné par ses pères fondateurs, Kwame Nkrumah, Léopord Sédar Senghor entre autres. Ce panafricanisme là a été dévié, c'est ça?

 

Je connais ce sens historique que je viens de vous indiquer du panafricanisme. Mon engagement est dans cette direction là, dans cette double direction, la direction fédéraliste, je ne sais pas très bien ce qu'est un autre panafricanisme.

On assiste ces dernières années, Professeur Souleymane Bachir Ndiaye, à une multitude de coups d'Etat sur le continent africain, notamment dans la partie francophone du continent africain. Est-ce un recul démocratique.

 

Je n'ai pas de point de vue particulier en tant que, encore une fois président du Committee of Management de la Fondation pour la démocratie et n'a pas grand chose à voir avec la fonction qui est la mienne. Maintenant, si vous me demandez en tant qu' intellectuel mon sentiment, je trouve que les coup d’étatne sont pas des solutions que les coups d'Etat, qu'ils sont inévitables s'ils sont nécessaires. Si la situation est tellement mauvaise qu'elle a débouché sur des coups d'Etat, il faut faire en sorte qu'il soit de la durée la plus courte possible. 

Situation au Burkina Faso
Le capitaine Ibrahim Traoré, nouveau président de la transition au Burkina Faso, au pouvoir depuis le 30 septembre après un coup d'étatImage : Radiodiffusion Télévision du Burkina/AFP

Dernière question, la Russie est au centre de toutes les attentions actuellement puisqu'elle est réclamée où. Sa présence est réclamée dans beaucoup de pays africains de l'espace francophone. Elle est déjà présente via la société privée militaire Wagner. Elle est présente donc au Mali, en République centrafricaine, en Libye, au Soudan, entre autres. Quel est votre point de vue par rapport à ce débat?

Les partenariats entre États, évidemment, c'est une lapalissade et c'est normal. Effectivement, les États ont des partenariats avec des États qu'ils souhaitent. Si ce sont des États à proprement parler, c'est à dire qui obéissent au droit international, qui sont représentés à l'Onu, etc. 

Souleymane Bachir Ndiaye Merci.

Je vous en prie, merci à vous.