I comme Icare...

Guttenberg, l'homme qui démissionne plus vite que Khadafi, titre ironiquement la Tageszeitung de Berlin. Mais plus sérieusement, c'est le fruit d'une nouvelle culture de la protestation en Allemagne. Le rapport entre la levée de boucliers du monde scientifique organisée sur Internet et la démission du faux docteur en droit est évident. Sans les programmes informatiques correspondants et sans les forums, le plagiat de monsieur zu Guttenberg n'aurait pas été si rapidement démontré. Cette démission pourtant a tous les accents d'un futur come-back, estime la Frankfurter Rundschau. En effet, comment la CSU, le parti politique de Karl-Theodor zu Guttenberg, pourrait-elle se passer longtemps de quelqu'un comme lui, homme politique par passion, incarnant le volontarisme, le sens des responsabilités et, attention ! la morale, comme il aime à se présenter. Mais c'est justement cela qui a provoqué sa chute. Sa prétention d'être un homme honnête n'est qu'un mensonge de plus. La Süddeutsche Zeitung, qui a dévoilé le plagiat, est plus conciliante. Karl-Theodor zu Guttenberg met fin à son spectacle politique par la mise en scène de sa reddition. Il offre ainsi à la chancelière la chance de procéder à un remaniement gouvernemental de grande ampleur. Et puis, il permet aux chrétiens-démocrates de se libérer de leur « guttenbergomanie » à la veille des élections régionales. Il ne reste plus que le regret ressenti devant une carrière politique si prometteuse ainsi gâchée. La popularité de l'ex-Ministre de la Défense venait de son image de chevalier sans peur et sans reproches, d'homme politique intègre entièrement dédié au bien du peuple, explique la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Ce scandale du plagiat touche pourtant aux valeurs de vérité, de crédibilité, d'exemplarité, ainsi que de nombreuses autres qui ne valent pas seulement dans l'univers scientifique. La tentative de la chancelière de maintenir son ministre à son poste, en essayant de dissocier les univers de la politique et de la science en termes de valeurs, a non seulement été une grave erreur politique - une action plutôt atypique pour Angela Merkel - mais elle a provoqué aussi la colère de l'ensemble du monde universitaire. En outre, elle remet en cause les valeurs morales défendues par son parti. La chute de l'Icare de la politique allemande était alors inéluctable.

Auteur : Christophe Lascombes
Édition : Konstanze von Kotze