Humboldt, un modèle pour l'Allemagne // Les LGBT du Brésil vivent dans la peur | PROGRAMME | DW | 13.09.2019
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PROGRAMME

Humboldt, un modèle pour l'Allemagne // Les LGBT du Brésil vivent dans la peur

On dit de lui qu'il est le "second découvreur de l'Amérique"... Il y a 250 ans naissait le naturaliste allemand Alexander von Humboldt. Nous verrons avec l'historien Jakob Vogel comment il a marqué son époque et la nôtre. // Au Brésil, la communauté LGBT vit dans la peur sous la présidence de Jair Bolsonaro. Reportage dans le pays qui organise chaque année la plus grande gay pride au monde.

Les qualificatifs ne manquent pas pour évoquer la grandeur d'Alexander von Humboldt, né le 14 septembre 1769 à Berlin et dont l'Allemagne célèbre donc cette année le 250ème anniversaire. 

"Écologiste de la première heure", "humaniste", "idéaliste" ou encore premier promoteur d'un monde global... Le géographe et naturaliste allemand, qui a vécu jusqu'à presque 90 ans, a laissé son empreinte dans une multitude de domaines. 

L'expédition en Amérique

Alexander von Humboldt et Aimé Bonpland au pied du volcan Chimborazo, par le peintre Friedrich Georg Weitsch

Alexander von Humboldt et Aimé Bonpland au pied du volcan Chimborazo, par le peintre Friedrich Georg Weitsch

Né dans une famille noble - son père est officier dans l'armée prussienne, Alexander von Humboldt démarre sa carrière comme ingénieur des Mines et se fait facilement sa place parmi l'élite intellectuelle et scientifique à Berlin, puis à Paris. 

Mais c'est une expédition, en particulier, qui fait sa renommée entre 1799 et 1804 : celle qu'il effectue, grâce à un financement de la couronne d'Espagne, en Amérique. Jakob Vogel, historien et directeur du Centre Marc Bloch à Berlin, explique le contexte de ce voyage.

"Au cours de son voyage, Alexander von Humboldt qui n'était à l'époque qu'un aspirant à un poste d'associé à l'académie des Sciences parisiennes, a reçu énormément d'aide de la part des scientifiques espagnols et latino-américains. Grâce à la collecte des données recueillies en Amérique latine, il a pu envoyer beaucoup de matériaux à Paris qui était devenu, à la période napoléonienne, le centre de gravité des scientifiques européens."

Dans ses carnets, Alexander von Humboldt note ses observations sur la faune et la flore des régions qu'il explore

Dans ses carnets, Alexander von Humboldt note ses observations sur la faune et la flore des régions qu'il explore

Pendant cinq ans, Alexander von Humboldt et son compagnon de voyage, le botaniste français Aimé Bonpland, sillonent le continent, de la forêt tropicale du Haut Orénoque - situé dans l'actuel Venezuela - aux îles des Caraïbes, puis du Pérou vers le Mexique et les États-Unis. Ils font des relevés topographiques, collectent des spécimens botaniques et mènent diverses expériences, comme en sismologie et météorologie. 

D'autres voyages suivront, dont Alexander von Humboldt publiera les récits. Son oeuvre la plus célèbre est "Cosmos", un ouvrage en cinq tomes écrit vers la fin de sa vie, dans lequel il tente une "description du monde".

Humboldt contre l'esclavage

Dans ses carnets personnels, Alexander von Humbold a noté aussi des observations de voyage qui lui valent aujourd'hui une réputation d'humaniste. Il y critique notamment l'esclavage pratiqué par les colonisateurs espagnols sur les populations locales. 

Le périple d'Alexander von Humboldt entre 1799 et 1804

Le périple d'Alexander von Humboldt entre 1799 et 1804

"L'esclavage qu'il rencontrait comme un fait social très important dans ces pays d'Amérique latine, il l'a critiqué ouvertement dans ses écrits mais rarement envers ses interlocuteurs", explique Jakob Vogel.

"L'évolution de sa pensée a eu beaucoup à voir avec le mouvement de libération nationale déclenché par les guerres napoléoniennes en Amérique latine. C'est ainsi que son esprit a évolué, ce qui lui a valu cette mythologie humboldtienne au Mexique et en Amérique latine qui nourissent cette image du grand réformateur et de grand esprit ouvert vers le monde."

C'est cette image d'ouverture que l'Allemagne met en avant pour célébrer le 250ème anniversaire d'Alexander von Humboldt. Une évolution compréhensible, selon Jakob Vogel.

"Je crois que pour l'Allemagne d'aujourd'hui, c'est très important de se référer à Humboldt pour se donner une image d'une nation d'excellence dans les sciences naturelles et humaines, mais aussi pour souligner son ouverture vers le monde après des décennies où les Allemands étaient plus orientés vers des questions nationales, internes, la question de la réunification. Pour la nouvelle image, c'était un personnage idéal."

Le Humboldt-Forum et sa polémique

Signe de l'importance du personnage, le gouvernement allemand a lancé il y a une dizaine d'années la construction d'un musée Humboldt au coeur de Berlin.

Le Château de Berlin, devenu Palais de la République en RDA, abritera les collections ethographiques des musées berlinois

Le Château de Berlin, devenu Palais de la République en RDA, abritera les collections ethographiques des musées berlinois

Le musée est dédié aux deux frères Humboldt - puisqu'Alexander avait un frère, Wilhelm, tout aussi illustre - et doit réunir les collections ethnographiques de la capitale. 

Il devait ouvrir ses portes cette année après une reconstruction complète de l'ancien Château de Berlin, provisoirement palais de la République en ex-RDA. Finalement l'ouverture est annoncée pour 2020. Parmi les polémiques qui ont entouré la reconversion du bâtiment, il y a eu celle de son nom.

Car Alexander von Humboldt a vécu à l'époque du colonialisme. Et il avait beau être réformateur, cela ne l'a pas empêché de participer au système en rapportant de nombreux objets - et même des ossements humains - de ses expéditions. Pour Jakob Vogel toutefois, il faut replacer ces actes dans leur contexte.

"Il ne se distinguait pas de ses autres collègues, il montrait aussi bien son côté réformateur politique, mais aussi d'homme ancré profondément dans une vision d'ancien Régime à l'européenne et qui donnait aux scientifiques européens une autre vision du monde que même les gens qu'ils considéraient comme des 'nobles sauvages', c'est à dire les différentes populations indiennes en Amérique latine. Mais ce n'est pas le même racisme que celui de la fin du 19ème siècle qui intégrait un darwinisme social et d'autres visions plus biologisantes de la différence entre Européens et les autres."

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Être gay au Brésil sous Bolsonaro

On parlait à l'instant de l'Amérique latine... C'est là que nous nous rendons à présent, et plus précisément au Brésil. Une bande dessinée, qui n'avait d'autre prétention que de participer à la Biennale du livre, organisée le week-end dernier à Rio de Janeiro, est devenue en quelques jours le livre le plus acheté à la foire littéraire.

La raison ? Le dessin d'un baiser gay entre deux hommes, en couverture, qui a déplu au maire de la ville. Celui-ci a demandé que le livre soit retiré des ventes en affirmant qu'il représentait une atteinte au statut de l'enfant et de l'adolescent...

La justice n'a pas donné suite, considérant que le livre ne violait pas la loi. Il y a quelques temps, c'est une ministre du gouvernement de Jair Bolsonaro qui estimait que le dessin animé "La reine des Neiges" favorisait l'homosexualité.

Ces épisodes peuvent faire sourire et pourtant, les menaces du président brésilien contre les populations LGBT sont bien réelles. En juin, la gay pride - la plus grande au monde - a rassemblé plus de trois millions de personnes à São Paulo.

Mais au-delà de cet événement, l’inquiétude reste bien présente, au quotidien, pour les Brésiliens qui tentent de résister, ou simplement, d’exprimer librement leur identité. Reportage à São Paulo de Marie Naudascher.