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Me Georges Kapiamba : "Ceux qui étaient ensemble se retrouvent en factions rivales"

22 mai 2023

L'avocat congolais Georges Kapiamba s'inquiète des violences préélectorales et presse le président congolais Félix Tshisekedi de promulguer un texte de loi censé réglementer les manifestations politiques. Celles du samedi 20 mai ont tourné en échauffourées.

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En République démocratique du Congo (RDC), 48 heures après les échauffourées qui ont éclaté ce samedi (20.05.2023) dans la capitale Kinshasa, la Conférence des évêques congolais, la Cenco, pointe des erreurs commises à la fois par l'autorité municipale et la police.

Trois manifestations, dont une de l'opposition, avaient en effet été autorisées le même jour et presque à la même heure. La Cenco accuse aussi la police de connivence avec des partisans de l'UDPS, le parti présidentiel, dont certains possédaient des armes blanches. La Cenco exige enfin des autorités, des actions concrètes.

C'est aussi ce que demande l'Association congolaise pour l'accès à la justice (Acaj). Son président, l'avocat Georges Kapiamba, se dit inquiet et demande que le chef de l'Etat promulgue un texte de loi qui devrait réglementer l'exercice des libertés publiques en RDC. Cette mesure serait utile selon lui, à sept mois de la présidentielle.

Lisez ci-dessous l'interview de Me Georges Kapiamba.

Photo de Me Georges Kapiamba assis dans un bureau à Kinshasa (Archives - Kinshasa, 18.12.2018)
Dans un communiqué, l'Acaj déconseille aux autorités politico-administratives de permettre la tenue simultanée de plusieurs manifestations ou réunions publiquesImage : DW/W. Bashi

Georges Kapiamba : L'Autorité urbaine a péché par le fait d'avoir accepté l'organisation simultanée de plusieurs activités politiques de manifestation : celle de l'opposition, celle des jeunes du parti au pouvoir et d'un autre parti membre du groupement au pouvoir. Donc trois activités politiques le même jour.

DW : Que révèlent alors ces manifestations ou contre-manifestations, à quelques encablures, disons, de la présidentielle de décembre ?

Georges Kapiamba : Oui, ça nous inquiète. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé expressement au président de la République de promulguer la loi portant fixation des modalités d'exercice des libertés de manifestation et de réunion publique.

Cette loi existe, elle a été transmise au bureau de la présidence, cela fait maintenant plus de cinq ans. Si elle n'est pas publiée, nous craignons fortement que l'autorité puisse utiliser l'absence d'un instrument pareil pour museler et rétrécir l'espace d'expression ou de contestation politique.

DW : Après les manifestations de samedi et la violente répression, la police municipale de Kinshasa a indiqué avoir mis aux arrêts des policiers convaincus d'avoir pratiqué de la violence sur des partisans de l'opposition. Mais la police annonce elle aussi vouloir porter plainte contre des manifestants qui ont agressé des policiers et les ont blessés ?

Georges Kapiamba : Oui, nous avons appris cela ! En ce qui concerne les policiers incriminés dans les violences administrées aux manifestants, principalement à l'enfant mineur qui a malheureusement aussi participé aux marches, ce que nous condamnons parce que les enfants ne doivent pas être associés à cela.

L'opposant Martin Fayulu tient en main son bulletin dans un centre de vote lors de la présidentielle de 2018 (Archives)
Martin Fayulu revendique la victoire à la présidentielle de 2018 à la tête de la coalition LamukaImage : DW/S. Mwanamilongo

Nous avons nous-mêmes été sur les lieux, c'est-à-dire à la police. Nous avons vu les deux policiers qui sont aux arrêts. Ça, c'est déjà une bonne chose. Maintenant, s'agissant de la plainte, c'est le maire ou le gouverneur de la ville de Kinshasa qui a annoncé cela. Nous suivrons cela de plus près.

Des alliés devenus des rivaux

DW : Nous avons Félix Tshisekedi et son parti l'UDPS aujourd'hui au pouvoir et ses ex-alliés qui se liguent contre lui. Est-ce que ce climat est appelé à s'envenimer ? Est-ce que les populations congolaises vont être prises en otage par une sorte de règlement de comptes ?

Georges Kapiamba : C'est vrai qu'ils étaient alliés. Si vous prenez le cas de Moïse Katumbi et Félix Tshisekedi, ils étaient alliés jusqu'il y a un peu plus de trois mois avant que Moïse Katumbi ne claque la porte de l'Union sacrée. Alors maintenant, ce qui se dessine, c'est que ceux qui étaient ensemble, aujourd'hui se retrouvent en des factions rivales. Bon, nous comprenons que c'est un jeu normal.

Mais maintenant, ce que nous demandons aux uns et aux autres, c'est de mener ce jeu politique sans recourir à la violence, sans empêcher les autres d'exercer aussi leurs droits, mais surtout sans recourir aux propos à caractère discriminatoire, tribaliste, ou qui vont inciter les uns et les autres à des violences ou à la haine tribale.

DW : Mais Maître Kapiamba, vous savez que ces appels à la morale et à l'éthique n'ont généralement pratiquement aucun effet. Qu'est-ce qu'il faut faire ? Quel sera l'arbitre ? Est-ce que c'est la loi ? Vous l'avez invoquée tout à l'heure, c'est-à-dire la définition de principes clairs à respecter de part et d'autre.

Georges Kapiamba : Oui, il faut absolument que cette loi soit promulguée. Elle est indispensable. Si elle n'est pas promulguée, je crains fort que nous puissions nous retrouver dans une situation ce sont ceux qui sont au pouvoir qui vont faire régner leur propre loi. Et là, c'est pas une bonne chose dans un Etat de droit.