En 1920, la République de Weimar en péril // Un village privatisé en Inde

Au petit matin du 13 mars 1920, 5.000 membres de la Brigade Erhardt armés jusqu'aux dents entrent dans la capitale allemande. Ils arborent sur leur casque des croix gammées blanches, symbole nationaliste. 

Les militaires remontés contre le Traité de Versailles 

Ces militaires sont concernés par l'article 160 du Traité de Versailles, signé en juin 1919 par le gouvernement de la République de Weimar. Il prévoit la dissolution des corps francs, des unités militaires qui ont joué un rôle décisif pendant la Grande Guerre, mais aussi une réduction drastique des effectifs de la Reichswehr, l'armée allemande. 

En 1917, le général Erich Ludendorff (à droite) est en première ligne de la stratégie militaire avec l'Empereur Guillaume II (milieu) et le général von Hindenbourg (à gauche)

L'entrée en vigueur du traité, le 10 janvier 1920, est l'un des facteurs déclencheurs du putsch, explique l'historien Ulrich Pfeil, professeur à l'Université de Lorraine.  

"Un paragraphe disait que la Reichswehr serait réduite à 100.000 hommes et que certaines brigades seraient dissoutes. Ce putsch n'était pas uniquement contre la jeune République mais aussi une manifestation contre le traité de Versailles et contre le gouvernement allemand qui a signé le traité."

Le putsch de mars 1920 est mené par Wolfgang Kapp, ancien député nationaliste et fondateur du parti anti-républicain "Union nationale", le général Erich Ludendorff qu'on retrouvera trois ans plus tard aux côtés d'Adolf Hitler lors du putsch de la Brasserie, et le général Walther von Lüttwitz, un de ceux qui ont maté la révolte des Spartakistes en janvier 1919. Ses troupes ont d'ailleurs activement participé aux assassinats de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht. 

→ Réécouter le magazine Vu d'Allemagne sur l'assassinat de Rosa Luxembourg

L'assassinat de Rosa Luxembourg et de Karl Liebknecht est resté ancré dans la mémoire collective en Allemagne, et utilisé à des fins de propagande au temps de la RDA (ici en 1953)

Tous les trois sont de fervents partisans de la doctrine du "coup de poignard dans le dos" qui attribue aux sociaux-démocrates et aux "juifs bolcheviques" la défaite militaire de l'empire allemand en 1918.  

"Il y avait tout un groupe qui luttait contre cette jeune république en train de naître suite à une révolution, à une défaite et qui avait des problèmes à se maintenir. Est-ce que ces gens-là voulaient vraiment faire revenir l'empereur Guillaume II? Ce n'est pas clair. Cela explique aussi l'échec du putsch car ils n'avaient pas vraiment fixé les objectifs. Je pense qu'ils avaient bien compris qu'avec la défaite de l'empire c'était la fin de la monarchie allemande, mais ils voulaient plutôt instaurer un régime autoritaire en Allemagne."

L'armée gouvernementale ne fait pas barrage aux putschistes qui s'installent à la Chancellerie, dont Wolfgang Kapp prend la tête. Mais malgré la fuite du gouvernement social-démocrates à Stuttgart, les putschistes ne vont pas réussir à garder le pouvoir bien longtemps. 

La grève générale conduit à l'échec du putsch de Kapp

Une grève générale est déclenchée à l'appel des syndicats et des partis républicains. Douze millions de personnes arrêtent le travail le 14 mars.

Plus aucun tram ne circule pendant la grève générale de mars 1920

Le mouvement commencé à Berlin s'étend rapidement dans tout le pays. 

"La grève générale a mené à un arrêt de la production allemande, les putschistes ont compris qu'ils n'avaient pas le soutien d'une majorité. Les ouvriers ont fait grève, l'administration dans les ministères a aussi résisté. Donc finalement le 17-18 mars, les responsables du putsch ont compris qu'il y avait une résistance et ils ont quitté l'Allemagne."

La grève générale prend officiellement fin le 22 mars, soit quatre jours après l'échec du putsch. Tandis que Wolfgang Kapp s'enfuit en Suède, Walther von Lüttwitz négocie avec des représentants des partis et obtient certaines concessions pour mettre fin au putsch sans bain de sang, le 17 mars. Les putschistes ne seront jamais jugés pour leurs actes.

"Les responsables du putsch de Kapp n'ont pas été jugés. Donc on les retrouve après dans des mouvements antisémites, militaristes, antidémocratiques. Certains membres de ces corps francs sont responsables d'assassinats d'hommes politiques comme le ministre des Affaires étrangères Walter Rathenau (...) 

Une fusillade derrière la porte de Brandebourg à Berlin fait douze morts lors du retrait des troupes après le putsch de Kapp

Cela a continué à partir de 1928. Au moment des élections, il y avait régulièrement des affrontements entre nazis et communistes. On peut parler de milliers de morts entre 1920 et 1933, donc une culture politique dominée par une violence physique."

Une violence qu'on retrouve dans la foulée du putsch en mars 1920. La grève a relancé les velléités révolutionnaires au sein de la classe ouvrière. Parmi les principaux mouvements, il y a celui de la Ruhr, région de l'ouest de l'Allemagne emblématique puisque son annexion par les troupes franco-belges en 1923 sera à l'origine du deuxième putsch nationaliste conduit par Hitler le 9 novembre. 

→ Écouter aussi Vu d'Allemagne : Le 9 novembre, jour du Destin allemand

En mars 1920, environ 50.000 militants de "l'Armée rouge de la Ruhr" se soulèvent et occupent les sites industriels de la région. Le mouvement est maté début avril par les troupes gouvernementales, soutenues par des corps francs, parmi lesquels on retrouve... la Brigade Erhardt qui avait contribué au putsch de Kapp ! Bilan: un millier de morts côté révolutionnaire, 200 du côté de l'Armée.

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En Inde, entreprise rime avec politique

Des immeubles modernes comme à Cochin, bientôt à Kizhakkambalam

Voilà six ans que le gouvernement de la droite fondamentaliste hindoue est arrivé au pouvoir en Inde. À l'époque, le Premier ministre Narendra Modi avait promis de réformer la protection sociale dans ce pays très pauvre. Mais la corruption et le népotisme de la classe politique entravent les réformes. 

En désespoir de cause, Kizhakkambalam, une commune de 23 000 habitants dans l'État du Kerala, dans le sud du pays, a fini par élire .... une entreprise privée aux élections municipales il y a cinq ans !

Sabu sahab, de son vrai nom Sabu Jacob, est le PDG d'une entreprise d'habillement, Kitex Garments, qui emploie 11 000 salariés à Kizhakkambalam. La loi impose aux sociétés de consacrer 2 % de leur bénéfice net à des actions caritatives. 

En 2013, il a créé une œuvre de bienfaisance, Twenty 20. Deux ans plus tard, cet organisme a remporté les élections municipales. Depuis, Twenty 20 a étendu son action à presque tous les pans de la société.

Il dit avoir livré ou rénové gratuitement 650 maisons pour les plus pauvres. Les magasins d'alcool ont été fermés pour lutter contre l'alcoolisme... entre autres.

Reportage dans le premier village privatisé du pays avec notre correspondant en Inde, Emmanuel Derville.

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