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Bientôt plus de talibés mendiants en Guinée-Bissau

Antonio Cascais | Carole Assignon
29 mars 2023

Le président Umaro Sissoco Embaló veut mettre un terme à la pratique des talibés. Ces jeunes élèves des écoles coraniques sont souvent maltraités et contraints à la mendicité.

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Des enfants mendient dans la rue à Niamey au Niger (22.12.2020)
Des dizaines d'enfants talibés sont obligés de mendier et vivent dans des conditions insalubres et sont exposés à tous les dangers (Photo d'illustration)Image : Issouf Sanogo/AFP via Getty Images

Cela fait des années maintenant que les organisations de défense des droits de l'homme en Afrique de l'Ouest attirent l'attention sur le problème de la maltraitance des talibés. Ce phénomène touche également la Guinée-Bissau.

C’est une pratique courante dans plusieurs pays et notamment en Afrique de l’Ouest. Des enfants inscrits dans les écoles coraniques qui sont obligés d’aller mendier.

Les familles pauvres sont en particulier celles qui envoient leurs enfants dans ces écoles car cela leur permet d’avoir une bouche de moins à nourrir.

Il n'est pas rare que ces enfants, déjà dès l'âge de trois ans, se retrouvent dans la rue au lieu d’apprendre le coran.

"C'est terrible. La mendicité est un facteur de pauvreté et n'a rien à voir avec la religion. Récemment, un maître coranique a été arrêté mais peu de temps après, il a été libéré de prison sans procès. C'est malheureux mais au bout du compte, ça reste pareil : le talibé qui ne remet pas au maître coranique une certaine somme d'argent est maltraité", a expliqué Suleimane Embaló, militant des droits de l'enfant en Guinée-Bissau.

Conditions de vie indignes

Il faut dire que les conditions de vie dans certaines écoles coraniques sont souvent indignes : les enfants connaissent la faim, la maladie et l'humiliation.

La Guinée-Bissau a pourtant signé et ratifié les conventions internationales en faveur des enfants mais ces dispositions ne sont pas respectées.

Ecole coranique à Saint Louis du Sénégal (27.01.2007)
Au Sénégal aussi, Amnesty a récemment critiqué l'Etat pour ses défaillances dans la lutte contre les abus sur des élèves d'écoles coraniques et leur exploitation financièreImage : Philippe Lissac/Godong/picture-alliance

Sous la pression des organisations de la société civile, le président Umaro Sissoco Embaló, lui-même de confession musulmane, a décidé de faire face au problème.

"Je dis aux écoles coraniques : mettez vos enfants à l'école et arrêtez d'envoyer des enfants mendier, ce n'est pas l'islam. Et je dis au ministre de l'Intérieur : vous avez une semaine pour faire partir les talibés mendiants des rues“, a déclaré le président lors de l'inauguration d'un complexe scolaire dans l'est du pays.

En donnant cet ultimatum, le président bissau-guinéen a précisé que ceux qui continueraient à faire mendier des enfants finiraient en prison.

Selon l'Association guinéenne de protection de l'enfance, il existe à Bissau 22 "daaras", c'est-à-dire des écoles coraniques, dans lesquelles sont inscrits 721 enfants talibés âgés de trois à dix-huit ans.

Une décision peu convaincante

Au moins 200 d'entre eux descendent dans la rue chaque jour pour mendier de l'argent et 15 % d'entre eux seraient orphelins.

"Souvent, les maîtres coraniques se justifient en prétendant qu'ils envoient des enfants mendier parce qu'ils n'ont pas d'argent pour subvenir à leurs besoins. Dans ce cas, ils devraient fermer leurs écoles. Vous ne pouvez pas gérer une école coranique si vous n'êtes pas en mesure d'assurer la subsistance des enfants", a estimé Leoni Fernando Dias, président du Parlement national des enfants de Guinée-Bissau. 

La mendicité des talibés est un problème récurrent en Guinée-Bissau depuis des années.

Le président Umaro Sissoco Embaló semble désormais décider à changer les choses mais certains se demandent si cette mesure sera effectivement mise en œuvre, ou s'il s'agit d'une simple manœuvre électorale en amont des élections présidentielles et législatives prévues en juin.

DW Französisch Carole Assignon
Carole Assignon Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_afrique