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Dette extérieure : le Ghana de Nana Akufo-Addo piégé ?

19 mai 2021

Le président du Ghana a beau clamer sa préférence pour ne pas s'endetter. Mais le pays essaie difficilement de mobiliser des ressources internes.

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Nana Akufo-Addo, Président du Ghana
Nana Akufo-Addo, Président du GhanaImage : AP Photo/picture alliance

La dette des pays africains était au centre mardi (18.05.2021) à Paris, de la conférence internationale dont l'objectif était de relancer l'économie africaine. Mais le sujet divise sur le continent-même.

Les pays n'ont pas une même approche. Le Bénin et le Ghana par exemple, deux pays d'Afrique de l'Ouest, affichent une réticence manifeste vis-à-vis de l'endettement et optent pour la mobilisation de ressources nouvelles sans augmenter le fardeau de la dette.

En 2017, lors d'un discours à Accra, le président ghanéen Nana Akufo-Addo affirmait clairement qu'il vaudrait mieux tourner le dos au Fonds monétaire international (FMI) et à l'aide extérieure. Comment ce pays s'en sort-il donc ? Fréjus Quenum a posé la question à Emmanuel Bombande. Ancien vice-ministre des Affaires étrangères et de l'intégration régionale, il est une figure de la société civile ghanéenne et expert du développement. 

Retrouvez ci-dessous la version écrite ou audio de son interview.

Lire aussi : Ghana : son modèle démocratique fait-il encore recette ?

Emmanuel Bombande : Nous devons séparer la réthorique politique de ce qui se passe réellement sur le terrain. Le Ghana souffre d'un énorme fardeau de la dette. Nous consacrons aujourd'hui 49,50% de nos revenus (du Ghana) au paiement des intérêts sur la dette. 

DW : Est-ce donc pour cela que le président Nana Akufo-Addo parle de l'endettement comme étant une mauvaise chose, et dit même que son pays devrait rompre avec le Fonds monétaire international ?

Emmanuel Bombande : "Séparer la réthorique politique de la réalité"

Emmanuel Bombande : Au cours des années qui ont précédé l'arrivée au pouvoir du président Nana Akufo-Addo, l'aide extérieure au Ghana avait déjà de toutes les façons diminué. Mais ce qui est la vérité est que, les partenariats nous amènent toujours à garder une dépendance de l'aide extérieure. 

DW : Pensez-vous donc, que le président est obligé de ranger sa théorie et que Nana Akufo-Addo fait face à une réalité qui le contraint de continuer à pratiquer l'endettement avec les partenaires extérieurs ?

Emmanuel Bombande : Un pays ne peut pas utiliser la moitié de ses revenus pour payer des intérêts sur la dette comme nous sommes en train de faire au Ghana aujourd'hui et, en même temps, se débarrasser du Fonds monétaire international. Ce n'est pas possible ! Il y a un économiste et banquier ghanéen bien respecté et bien connu qui s'appelle Joe Jackson (tweet ci-dessous) et qui affirme que le Ghana n'a plus de l'argent pour financer les projets de développement et les projets sociaux.

Et c'est pourquoi nous avons bien vu cette année 2021, que le budget national a opté pour la solution de faciliter le prélèvement des impôts indirects. Cela touche maintenant plus les pauvres que les riches. Les gens commencent vraiment à être encerclés par une situation économique que je peux qualifier de très rude. 

Il y a des prix qui commencent à flamber et la vie devient de plus en plus chère. Et c'est pourquoi vous voyez que la jeunesse commence à protester ! Mais, utilisant les restrictions autour de la pandémie (de Covid-19), les autorités empêchent les gens de sortir et manifester. Et je pense qu'il nous faut un dialogue inclusif qui peut gérer la situation aujourd'hui. Le dialogue aujourd'hui à mon avis est essentiel mais je ne vois pas cela jusqu'à maintenant.

DW : Que pensez-vous donc d'un sommet comme celui que la France vient d'organiser sur la relance de l'économie africaine. Diriez-vous qu'elle était opportune ?

Emmanuel Bombande : Moi je dirai plutôt qu'un partenariat basé sur le respect mutuel, surtout après la pandémie, pour voir comment est-ce que nous pouvons continuer, est une bonne idée.  

Ce que je pense que les pays africains refusent d'accepter, c'est la continuation de cette manière, je dirais, d'imposer ou d'amener les pays africains à accepter tout ce qui est de l'Occident. Je pense que les Africains aujourd'hui rejettent cela. Mais cela ne veut pas dire que les Africains ne veulent pas être en partenariat avec les différents autres pays.

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Photo de Fréjus Quenum à côté d'une carte du monde
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum