Dans les prisons de RDC, la grâce présidentielle se monnaye
16 janvier 2025À Kinshasa, la fondation Bill Clinton pour la paix dénonce le monnayage de la grâce présidentielle dans les prisons, particulièrement à la prison centrale de Makala.
Pour espérer une libération, les détenus sont poussés à payer de grosses sommes d'argent. Emmanuel Cole, responsable de cette fondation en RDC, indique que cette pratique n'est pas une nouveauté : "La grâce présidentielle monnayée en prison en RDC, ça ne date pas d'aujourd'hui" affirme-t-il au micro de la DW. "Parfois, ce sont les gouverneurs des pavillons en prison qui collectent l'argent chez les bénéficiaires, en complicité avec les greffiers. Ou parfois, ce sont les greffes qui demandent l'argent chez les bénéficiaires."
Tour de passe-passe
En effet, selon nos informations, certaines autorités pénitentiaires et magistrats manipulent les listes selon les infractions qui ont été graciées, changeant les dossiers des détenus, transformant par exemple des accusations de viol en accusations de vol.
Un ancien détenu, qui a requis l'anonymat, ayant bénéficié d'une mesure de grâce après 20 ans de prison à Makala explique que l'une des causes du monnayage de la grâce présidentielle est le temps que prennent ces ordonnances avant leur application. Il avait été condamné dans l'affaire Eddy Kapend.
"Les ordonnances durent, ça crée le temps pour qu'on essaie de monnayer, et ça se monnaye toujours. Quand Joseph Kabila était président, il avait signé une ordonnance de mesure de grâce et qui n'avait trouvé personne qui avait rempli toutes ces conditions. Ils étaient obligés de chercher jusqu'à avoir une quinzaine de personnes. Le reste était monnayé jusqu'à atteindre 100 personnes."
Une pratique qui enfreint la loi
L'influence de l'argent sur l'octroi de la grâce viole les principes fondamentaux de l'égalité devant la loi et de l'accès à une justice équitable. Selon les articles 147 et 148 du décret de 1940 portant code pénal en République démocratique du Congo, les concernés peuvent être poursuivis pour corruption et encourent des peines de prison.
"La peine peut aller jusqu'à dix ans si ceux qui ont reçu les rémunérations illicites pour poser des actes relevant ou pas de leur fonction", explique Maître Charles Mushizi, avocat à Kinshasa "Lorsqu'il s'agit des fonctionnaires aux services publics de l'État, cette peine peut être encore augmentée."
Nos efforts pour avoir une réaction du ministre de la Justice n'ont pas abouti. Cependant, lors de sa récente sortie médiatique, ce dernier a affirmé que toute personne impliquée dans cette pratique sera poursuivie et sanctionnée conformément à la loi.