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Covid-19 : l'Afrique peut-elle faire face à sa propagation ?

13 mars 2020

Le nombre de cas positifs en Afrique subsaharienne augmente de jour en jour. Le continent, jusque-là relativement épargné, a un système sanitaire vulnérable, faisant craindre le pire.

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Les hôpitaux en Afrique subsaharienne craignent une propagation du virus
Les hôpitaux en Afrique subsaharienne craignent une propagation du virus Image : Reuters/T. Gouegnon

Plusieurs pays comme la Guinée, le Gabon, le Kenya et l’Ethiopie ont signalé, vendredi (13.03.20) des cas positifs. Les autorités soudanaises ont annoncé la mort jeudi (12.03.20) d’un patient soudanais de 50 ans.

Il y a quelques jours, plusieurs autres pays en Afrique subsaharienne ont relayé des cas de Covid-19. La plupart de ces personnes contaminées sont des "cas importés" d’Europe et d’Asie.

Mieux faire que la Chine et l’Occident

L’Afrique craint un nombre élevé de patients déclarés positifs. La plupart des experts sont unanimes sur une chose : l’Afrique subsaharienne aura du mal. Ils estiment que si la Chine et les pays de l’Occident n’étaient pas préparés, ce n’est pas l’Afrique subsaharienne sous-équipée en matériels qui peut s’en sortir. "Ce système de santé n'est pas assez robuste pour supporter le choc du Covid-19", constate  le professeur Séraphin Adjoh, chef de service pneumologie dans le plus important hôpital du pays à Lomé.

Le docteur Tieba Millogo, épidémiologiste et enseignant-chercheur à l’Institut africain de santé publique (IASP) pense qu’une éventuelle propagation du virus n’est pas une bonne nouvelle pour l’Afrique subsaharienne :

"Le Coronavirus peut entraîner un effondrement de notre système de santé et les amener même à ne plus être capable de gérer les problèmes dont ils avaient déjà l’habitude et qu’ils pouvaient gérer par le passé."

Au Zimbabwe, les médecins sont aussi inquiets. "La pandémie intervient au moment où le système de santé du Zimbabwe est au plus bas et incapable de gérer le coronavirus", a regretté auprès de l’AFP le docteur Norman Matara de l’Association des médecins du Zimbabwe pour les droits humains (ZDHR).

La détection rapide des cas

Certains pays africains comme la Guinée, la République démocratique du Congo ont connu des cas d’Ebola. Ils peuvent en tirer des leçons, selon des experts internationaux.

S’agissant du Covid-19, les pays africains ont les moyens de détecter les cas du virus, selon le docteur Mary Stephens du bureau régional de l’OMS en Afrique :

"Ce sur quoi nous mettons l’accent, c’est leur capacité à détecter rapidement les cas, les isoler, trouver une riposte effective et éviter de nouveaux cas. En fait, la détection rapide est la clé ici."

Les laboratoires en Afrique subsaharienne peuvent détecter le virus
Les laboratoires en Afrique subsaharienne peuvent détecter le virusImage : Getty Images/AFP/Seyllou

Les pays essaient de mettre le matériel nécessaire en place pour isoler les cas positifs et mettre en quarantaine les personnes qui ont eu des contacts avec ces cas.  Les gouvernements exhortent aussi les populations à respecter les mesures préventives comme le lavage des mains.

Le traitement des malades reste la grande question, de même que la sécurité du patient qu’il faut assurer comme celle du personnel sanitaire. Le docteur Tieba Millogo redoute, en outre, que les services de soins intensifs ou de réanimation, présents souvent dans les seules grandes villes, soient insuffisamment équipés pour faire face à la pandémie :

"La complication majeure, c’est l’insuffisance respiratoire qui va donc nécessiter en réalité une prise en charge en réanimation. Et les services de réanimation ne sont pas suffisamment équipés, ça manque d’oxygène. En fait, il manque la ressource humaine et le matériel pour faire face à ce type de complications."

"Crise nationale"

Au Togo par exemple, les médecins réanimateurs ne sont pas nombreux. "Quelques dizaines", selon le professeur Séraphin Adjoh.

Le matériel basique fait souvent défaut dans les hôpitaux africains. Les masques et les équipements de protection individuelle par exemple ne sont pas disponibles en nombre suffisant. Le docteur Milogo craint qu'une propagation rapide du nouveau coronavirus rende indisponible le personnel de santé pour gérer les pathologies qui tuent plus vite.

Le professeur Adjoh  ajoute que le personnel infirmier fait aussi défaut. Mais pour lui, c’est surtout l’approvisionnement en matériel qui peut s'avérer problématique :

"Le fait que l’épidémie concerne beaucoup de pays, fait que l’approvisionnement en matériel, même si les autorités sanitaires sont décidées à y mettre les moyens, va être assez compliqué."

Quelques cas peuvent être gérés mais la capacité des pays africains à faire face au virus sera difficile s’il y a un grand nombre de patients, redoute le professeur.

Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a d'aileurs prévenu la semaine dernière : le virus risque de "se transformer en crise nationale".