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Côte d'Ivoire, faut-il rebaptiser les rues?

Julien Adayé
22 juin 2020

Plusieurs boulevards portant des noms français ont été gribouillés par des activistes puis rebaptisés. Pourtant, les revendications semblent moins radicales.

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Des rues d’Abidjan portent le nom de colonisateurs français
Des rues d’Abidjan portent le nom de colonisateurs françaisImage : DW/S. Blanchard

En Allemagne mais aussi en France, en Belgique et  en Grande-Bretagne, des associations réclament qu'on rebaptise les lieux ou qu'on enlève les statues en lien avec le colonialisme pour ne pas rendre hommage à ses acteurs. 

En Côte d’Ivoire, plusieurs boulevards portant des noms français ont été gribouillés par des activistes puis rebaptisés. Pourtant, les revendications semblent moins radicales.
Sur le boulevard de l’université dans la commune de Cocody, nous avons rendez-vous avec le professeur Séverin Konin, historien à  l’université Félix Houphouët Boigny. À Abidjan, il n’est pas rare de trouver des ponts ou des rues qui portent le nom de colonisateurs ou d’anciens chefs d’Etat français. 
L’historien Séverin Konin explique que ces noms ont été attribués avant et après l’indépendance, une reconnaissance faite à ces personnalités françaises qui ont marqué l’histoire de la Côte d’Ivoire.

Selon lui, "ceux qui ont initié l’appellation de ces rues, de ces villes, l’ont fait simplement par devoir de mémoire. Donc si on appelle une rue Angoulvan, Latrille, Clozel  ou boulevard Valéry Giscard d’Estaing, je pense que c’est pour marquer un évènement ou le passage d’un personnage précis sur nos terres. On pouvait aussi l’appeler boulevard Sékou Touré, ça ne gênerait pas. Vue l’étendue des relations qui existaient entre la Côte d’Ivoire et ces Etats. Aujourd’hui, c’est le grand débat. Faut-il débaptiser ces rues, ces monuments ? Tout est un fait de société. Il ne faut pas tout politiser pour autant."

Écoutez le reportage de Julien Adayé à Abidjan

Durant le mandat du président Laurent Gbagbo, son gouvernement avait tenté de rebaptiser ces rues et boulevards qui portent des noms français. Mais les personnes nommées à cette tâche ont préféré des chiffres aux noms de personnalités qui ont marqué l’histoire de la Côte d’Ivoire indépendante.
Malheureusement, personne ne fait attention à ces chiffres ou à ces nouvelles appellations. Garder ou rebaptiser ces rues et boulevards aux noms des colons ? Les avis sont partagés.
"Je pense que c’est important d’avoir ces noms-là sur certains boulevards parce que ça nous permet de connaître l’histoire de notre pays. C’est très important", témoigne un Ivoirien.

Le gouvernement de Laurent Gbagbo avait tenté de rebaptiser certaines rues
Le gouvernement de Laurent Gbagbo avait tenté de rebaptiser certaines ruesImage : picture alliance/abaca

"Les rues qui portent les noms des colonisateurs, ce n’est pas mauvais de les garder. On peut nous aussi créer d’autres rues que nous allons baptiser. Mais laissons ce qui est là", justifie un autre.

"Ces boulevards devraient en quelque sorte s’adapter à nous, à nos réalités, à nos appellations, pour que la population puisse s’imprégner et puis en savoir plus. On pourrait par exemple avoir Soundiata Keïta. Directement, ça reste dans les mentalités", suggère ce citoyen.

Sans renier son histoire, il est peut-être temps pour la Côte d’Ivoire de mettre à jour son fichier de rues en utilisant certains noms de son  patrimoine culturel et politique.                                          
Aujourd’hui, des activistes ont rebaptisé certains boulevards importants  de la ville. Sans soutenir ces actes d’incivisme, André Silver Konan, journaliste et analyste, estime cependant qu’il y a bien des noms en Côte d’Ivoire à promouvoir.

Une rue porte le nom de François Mitterrand, l’ancien président français
Une rue porte le nom de François Mitterrand, l’ancien président françaisImage : Imago

"Dans nos pays africains, spécialement en Côte d’Ivoire, il y a des rues qui portent encore la marque de la violente colonisation. Dans une commune, la plus importante de la Côte d’Ivoire, on a d’un côté le boulevard André Latrille, de l’autre côté le boulevard de France et encore l’avenue Hassan II. Pas un seul Ivoirien. Partez au Plateau. Vous avez l’avenue Noguès. Quelqu’un comme Charles Noguès qui est pestiféré en France est un héros en Côte d’Ivoire. Cela n’aucun sens. L’avenue Marchand c’est encore au Plateau. Pendant qu’en plein Plateau, il n’y a que l’avenue Anoma qui porte le nom d’un Ivoirien", soutient-il.
Dans la commune de Cocody, le  panneau qui indique le nom du boulevard François Mitterrand, long de plusieurs kilomètres et reliant la commune d’Adjamé au nord à celle de Bingerville au sud  a  été gribouillé par  des  inconnus.          

 Le pont de Gaulle qui relie les communes du Plateau et de Treichville a subi également le même sort puis a été rebaptisé pont Biaka Boda, une figure de la lutte anticoloniale.