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Au Cameroun, opération anti-corruption très critiquée

Henri Fotso
23 mars 2018

Si le président affirme vouloir lutter contre la corruption, beaucoup soupçonnent une nouvelle purge politique. Des anciens ministres, des universitaires et des hauts-fonctionnaires sont visés.

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Symbolbild zu Menschenrechtsverletzungen Gefängnis
Image : picture alliance/dpa/P. Pleul

L'aéroport international de Yaoundé Nsimalen était, ce jeudi 22 mars au soir, le théâtre d'un rapatriement inédit : le récent ministre des Mines, de l'Eau et de l'Energie, Atangana Kouna, rattrapé au Nigeria dans sa fuite par Interpol, est arrivé comme un colis humain après quelques jours de cavale en dehors du Cameroun. 

La raison ? Le président Paul Biya semble avoir lancé une nouvelle "opération Epervier", officiellement pour lutter contre la corruption. Ils sont ainsi une vingtaine de nouvelles proies dont des anciens ministres, des dirigeants d'université et autres hauts cadres de l'administration publique, interdits de sortir du territoire camerounais afin de répondre de leurs présumés crimes économiques devant la justice. Certains d'entre eux ont déjà, ces derniers jours, été placés sous mandat de dépôt à la prison centrale de Yaoundé.

Plus grosse opération depuis 1997

Tous sont interdits de sortie du territoire camerounais, car impliqués dans des procédures du Tribunal criminel spécial chargé de poursuivre les détourneurs de fonds publics. 

C'est en fait la plus grande opération de lutte contre la corruption lancée depuis la fameuse Opération épervier, en 1997. Le président Paul Biya promettait alors que tous les prévaricateurs rendraient gorge. De son ancien secrétaire général et médecin personnel Titus Edzoa, qui a eu la chance de s'en sortir après 17 ans de prison, à son ancien premier Inoni Ephraïm, en passant par des anciens ministres, directeurs généraux de sociétés d'Etat et leurs nombreux collaborateurs, ils sont des dizaines qui ont été frappés par l'Opération épervier et qui croupissent encore dans les prisons de Douala ou de Yaoundé.

D'autres ont eu plus de chance, comme l'ex-ministre Atangana et qui ont pu s'enfuir du pays, tel que l'ancien ministre de l'Agriculture Essimi Menye, refugié aux Etats-Unis. "Ce sont des gens qui très souvent ont peur de leur bilan, ont peur de tous les accomplissements ténébreux, de toutes les casseroles, de tous les scandales politico-financiers qui éclateraient si jamais ils étaient évincés du pouvoir et qui considèrent leur perpétuation au pouvoir comme une sorte de protection, de bouclier qui fait que leurs casseroles ne seront révélés qu'à leur mort", réagit Olivier Bile, président national de l'Union pour la fraternité et la prospérité, un parti politique. 

"Opération d'épuration politique"

Certains politiques et militants de la société civile ne croient pas que l'Opération épervier vise le bien-être des populations. Ils la considèrent comme une opération d'épuration politique des potentiels challengers de Paul Biya à l'intérieur de son propre système. On se souvient que Titus Edzoa, avant d'être jeté en prison, avait affiché son intention d'être candidat à la présidentielle de 1997 alors qu'il était un proche du président Biya. 

Kamerun Paul Biya
Image : picture alliance/abaca/E. Blondet

Il en va de même de l'ancien ministre de l'Administration territoriale, Marafa Hamidou Yaya, présenté comme un éventuel successeur de Paul Biya, et bien d'autres dignitaires emprisonnés qui étaient classés dans un lobby nommé G11, soi-disant pour prendre le pouvoir au Cameroun. Autrement dit, l'Opération épervier laisse sceptique plus d'un quant à la lutte contre la corruption et le détournement des fonds publics.