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EconomieAllemagne

Comment la Deutsche Bahn peut-elle sortir de la crise ?

Srinivas Mazumdaru | Reliou Koubakin
8 août 2024

Trop peu d’investissements, retards... la Deutsche Bahn en Allemagne est dans un état de désolation. Mais, l'argent seul ne suffit pas pour changer la situation.

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Les voyageurs de la gare centrale de Stuttgart attendent l'arrivée d'un train à longue distance en juin 2024
Selon des experts, une stratégie sur le long terme permettrait de réduire les retards des trains Image : Arnulf Hettrich/IMAGO

Il fut un temps où les Allemands étaient fiers de leurs chemins de fer. Mais, aujourd'hui, le réseau ferroviaire et son exploitant, la Deutsche Bahn (DB), sont surtout source de frustration pour les voyageurs.

Les trains bondés et en retard, les suppressions de trains et les fermetures de larges tronçons de lignes pour des travaux de maintenance et de réparation, sont devenus la norme pour les voyageurs.

Pendant le championnat d'Europe de football, qui s'est déroulé en Allemagne du 14 juin au 14 juillet 2024, les problèmes des chemins de fer ont également attiré l'attention à l'étranger.

Les supporters qui attendaient sur des quais de gare bondés et qui arrivaient en retard ou n'arrivaient pas du tout au stade en raison de suppressions de trains ont alors fait la une des journaux dans le monde et ont mis le pays, qui veut être connu pour son efficacité, sa ponctualité et son infrastructure de premier ordre, dans un grand embarras.

Ce qui se cache derrière les problèmes de la DB 

Les retards de trains n'ont cessé d'augmenter à la DB. L'année dernière, moins de deux tiers des trains longue distance sont arrivés à destination à l'heure - un nouveau record. En Allemagne, un train est considéré comme ponctuel lorsqu'il a moins de six minutes de retard.

Supporters allemands sur le chemin du retour après le match de l'Euro 2024 Allemagne-Hongrie (2:0) le 19 juin 2024
Pendant le dernier championnat d’Europe de football, les trains étaient bondés de supporters Image : Bastian/Caro/picture alliance

Les finances de l'entreprise ferroviaire allemande sont également en mauvais état.

Au cours du premier semestre de cette année, elles ont enregistré une perte de plus de 1,2 milliard d'euros. L'endettement total de l'entreprise s'élève désormais à environ 34 milliards d'euros.

Les problèmes du rail sont en partie dus au fait que l'on a trop peu investi dans le réseau ferroviaire pendant des décennies.

"L'Allemagne a trop longtemps négligé son infrastructure ferroviaire", explique Sabrina Wendling d'Allianz pro Schiene, une organisation à but non lucratif basée à Berlin qui s'engage pour l'amélioration du transport ferroviaire. "Mais en même temps, la demande en transport de personnes et de marchandises a énormément augmenté".

L'infrastructure ferroviaire de la plus grande économie d'Europe a donc subi une pression croissante au cours des trois dernières décennies. De plus en plus de personnes et de marchandises ont été transportées par le train, mais la longueur du réseau ferroviaire praticable a diminué, selon les calculs d'Allianz pro Schiene.

Andreas Knie, chercheur sur la mobilité au Wissenschaftszentrum Berlin für Sozialforschung (WZB), rend les décisions politiques responsables de cette situation. "On a misé sur la voiture en Allemagne pendant des décennies. En matière d'infrastructures, la route était prioritaire", explique Knie.

Ainsi, la filiale ferroviaire DB Netz doit entretenir elle-même le réseau ferroviaire, tandis que les chemins de fer et les autres fournisseurs de trains paient des taxes pour l'utilisation.

En revanche, les autoroutes et les routes nationales sont financées et entretenues par l'Etat fédéral, et les voitures ne paient pas pour les utiliser.

Les compagnies aériennes bénéficient quant à elles, d'un privilège fiscal, car le kérosène est exonéré de la taxe sur les huiles minérales.

Plus d'investissements, mais pas assez ?

Le gouvernement fédéral allemand composé des sociaux-démocrates (SPD), du parti écologiste "Die Grünen" et du parti libéral FDP veut officiellement améliorer le transport ferroviaire.

Selon l'accord de coalition, il veut promouvoir le train par rapport à la voiture afin d'atteindre les objectifs climatiques. Les émissions de gaz à effet de serre causées par le trafic routier doivent être réduites.

L'objectif : d'ici 2030, le transport de passagers par rail doit être doublé et la part du transport de marchandises dans l'ensemble des transports de marchandises doit passer à 25 pour cent.

Le gouvernement a donc annoncé qu'il allait investir des milliards d'euros dans la modernisation de l'infrastructure ferroviaire. 

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"Le gouvernement fédéral actuel investit effectivement plus dans le réseau ferroviaire que ses prédécesseurs", se félicite Philipp Kosok d'Agora Verkehrswende, un groupe de réflexion et de lobbying berlinois. Selon lui, le vieillissement du réseau peut ainsi être stoppé sur des tronçons importants. "Mais il n'investit pas autant d'argent qu'il serait effectivement nécessaire pour moderniser ou même étendre le réseau".

Selon les calculs d'Allianz pro Schiene, l'Allemagne n'a investi que 115 euros par habitant dans l'infrastructure ferroviaire en 2023. Dans les pays voisins, l'Autriche (336 euros) et la Suisse (477 euros), les investissements par habitant sont en revanche beaucoup plus élevés.

Réformes structurelles

Mais, l'argent sans les réformes structurelles et changements dans l'organisation de la DB, n'est pas une solution pour l'infrastructure ferroviaire surchargée.

Philipp Kosok affirme que le gouvernement manque d'une "stratégie claire" pour mettre les chemins de fer sur la voie de la croissance. Contrairement à des pays voisins comme la Suisse, l'Allemagne n'a pas été en mesure, pendant des décennies, de mener une politique claire et cohérente pour promouvoir le transport ferroviaire. 

Bien que la Deutsche Bahn soit entièrement détenue par l'Etat, elle est gérée comme une entreprise privée.

Selon les experts, une planification à long terme et une certitude politique sont également nécessaires. "Assurer l'avenir de l'infrastructure ferroviaire est définitivement un marathon et non un sprint", déclare Wendling d'Allianz pro Schiene. "Nous ne pouvons y parvenir qu'avec un gouvernement engagé et un financement fiable sur plusieurs années".

Il est donc de la responsabilité non seulement du gouvernement actuel, mais aussi des futurs gouvernements fédéraux, de rendre les chemins de fer viables et de supprimer progressivement les subventions nuisibles au climat dans les transports routiers et aériens, a déclaré Philipp Kosok.

Reliou Koubakin
Reliou Koubakin Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_afrique