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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande

Anne-Julie Martin / Aude Gensbittel14 août 2009

Cette semaine encore, les journaux allemands commentent largement la tournée d’Hillary Clinton en Afrique.

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Hillary Clinton en RDCImage : AP

Barack Obama avait indiqué le bouton pour un nouveau départ, Hillary Clinton a appuyé dessus, écrit la Berliner Zeitung. Sept pays en onze jours, on n'a encore jamais vu si longue présence amicale des Etats-Unis sur le continent. La secrétaire d'Etat américaine a présenté ce à quoi sa diplomatie ressemblera ces prochaines années : aussi intéressée que critique, aussi experte que désireuse d'apprendre, nuancée mais sans ambigüité, à la fois flexible et attachée aux principes, éloquente tout en restant à l'écoute. La chef de la diplomatie a abordé les sujets délicats – les révoltantes atteintes aux droits de l'homme, l'impudente corruption des dirigeants – pour louer dans la foulée les progrès et les efforts. Encourager et exiger, le tout de façon réussie. Beaucoup moins enthousiaste, la Süddeutsche Zeitung reproche aux Etats-Unis de vouloir exploiter le continent par le biais de la démocratie. La faim, le Sida, la guerre : les clichés sur l'Afrique sont aussi peu digestes que pertinents. En réalité, le continent attise la convoitise : des matières premières comme le pétrole, le gaz ou l'uranium, des voix au Conseil de sécurité des Nations-Unies, de l'aide dans la lutte anti-terroriste et pour la sauvegarde du climat et même un modeste marché pour les marchandises et les prestations de service : il y a tant à gagner. Autant de thèmes de négociations pour Hillary Clinton, même si celle-ci se plaît à s'afficher en militante des droits des femmes et de la démocratie. Elle doit bien ça à ses électeurs. Néanmoins, elle reste avant tout une lobbyiste qui défend les intérêts de son gouvernement et des entreprises américaines. Le choix des pays pour sa tournée est d'ailleurs révélateur d'un calcul stratégique.

Quoi qu'il en soit, le sujet des violences sexuelles abordé par la Secrétaire d'Etat lors de son passage en République Démocratique du Congo est l'occasion pour la presse de se pencher de plus près sur ce fléau.

Kongo - Vergewaltigungsopfer in Südkivu
Femmes victimes de viol dans le Sud-KivuImage : picture-alliance/dpa

Selon die Welt, le caractère systématique du recours aux viols ainsi que l'extrême brutalité avec laquelle ils sont commis, font de la RDC un cas à part. L'accusation de Human Rights Watch pèse lourd. Une accusation selon laquelle les troupes gouvernementales seraient responsables de la plupart des abus sexuels, ces troupes mêmes, très mal organisées, qui ont le mandat de l'Onu pour établir le contrôle sur le pays. Poursuivre davantage les criminels, aider et soigner les victimes, c'est essentiel. Toutefois, note la Tageszeitung, les Congolaises qui militent pour les droits des femmes insistent sur le fait qu'il ne faut pas seulement mener un travail de réflexion sur les crimes sexuels, mais avant tout les empêcher. Mettre fin à la terreur exercée sur les femmes, au Congo ou ailleurs, ne sera possible que lorsque les conflits s'arrêteront. On a besoin d'une stratégie politique pour surmonter les conflits et pas seulement d'une stratégie socio-juridique pour combattre leurs symptômes. Der Spiegel attire pour sa part l'attention sur un nouvel aspect méconnu de ces violences sexuelles : les hommes en sont également de plus en plus victimes. Il cite l'exemple de Kazungu Ziwa, 53 ans, attaqué chez lui par surprise. Ses agresseurs lui ont mis une machette sous la gorge, l'ont frappé, lui ont arraché son pantalon et se sont jetés sur lui. Dans un pays où l'identité masculine se définit avant tout par la prise de contrôle et de pouvoir et où l'homosexualité est mal vue, le viol d'un homme signifie une double humiliation. Il n'est pas rare, explique l'hebdomadaire, que les victimes soient ensuite l'objet de sarcasmes : au village, on raconte que « les gars du buisson » en ont fait leurs épouses. Certains meurent parce que leur pénis a été strangulé et qu'ils n'osent pas se rendre à la clinique, par honte et par désespoir.

Et puis plusieurs articles s'attachent cette semaine aux systèmes financiers sur le continent africain.

La Frankfurter Allgemeine Zeitung, tout d'abord, consacre une double page à un procédé de transfert d'argent traditionnel dans le monde musulman, le Hawala. Un procédé qui fonctionne particulièrement bien dans des pays fragiles tels que la Somalie et le Kenya. Le principe de ce modèle repose sur la confiance : le client donne une somme d'argent à un agent, qui contacte un autre agent proche du destinataire de cette somme et lui demande de faire le versement. Pas de compte bancaire, pas de formulaires, des frais beaucoup moins élevés ; de plus l'opération est rapide. Via l'agence Kaah-Express, par exemple, implantée dans plusieurs villes allemandes, un versement vers l'Ethiopie ne dure pas plus d'une journée, voire même quelques minutes. De son côté, die Welt s'intéresse à l'épargne, une pratique qui, dans les pays en voie de développement, est confrontée à bien trop d'obstacles pour pouvoir fonctionner. Le quotidien s'appuie sur l'analyse faite par la fondation Bill Gates, qui a décidé d'investir 350 millions de dollars afin de permettre la création de comptes dans les pays concernés. Beaucoup de pauvres sont pauvres parce qu'ils ne sont pas en mesure de faire face à des charges financières soudaines, comme une urgence médicale, la perte de leur emploi ou une catastrophe imprévisible. Ils n'ont pas épargné, par manque de revenus, mais aussi à cause des complications logistiques. Souvent, le trajet pour rejoindre la banque la plus proche est extrêmement long et coûteux. Les pauvres mettent donc de côté de l'argent liquide ou investissent dans des bijoux, des matériaux de construction, des bêtes qui vont perdre de leur valeur. Et le journal de citer le responsable du projet au sein de la fondation : « C'est comme si vous alliez à un distributeur, que vous retiriez 80 dollars alors que vous en avez versé 100 ».

Lubna Ahmad Hussein sudanesische Journalistin
Lubna HusseinImage : Lubna Ahmad Hussein

Une interview de Lubna Hussein, enfin, cette Soudanaise jugée pour avoir porté un pantalon, est à lire dans les colonnes de die Welt. La jeune femme déclare n'avoir jamais peur de rien. « Je veux changer la loi et changer la mentalité des Soudanais », déclare-t-elle. D'après la journaliste, si le procès a été reporté, c'est parce que le gouvernement doit réfléchir à la bonne tactique. S'il l'a condamne au fouet, il provoquera des émeutes dans le monde entier. S'il ne l'a condamne qu'à une amende, les gens vont se demander pourquoi, avant elle, des centaines de femmes ont reçu des coups de fouets. Enfin, si elle n'est pas condamnée, pourquoi donc l'avoir arrêtée ? Peu importe ce que décidera le tribunal, le gouvernement est en mauvaise posture et Lubna Hussein s'en réjouit.