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Afropresse, l'Afrique à travers la presse allemande

Marie-Ange Pioerron20 mars 2009

C'est tout d'abord le changement de pouvoir à Madagascar qui retient cette semaine l'intérêt des journaux.

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Andry Rajoelina célèbre sa victoireImage : AP

Les évenements se sont précipités ces derniers jours sur la Gramde Ile. Andry Rajoelina est donc devenu président par intérim. Marc Ravalomanana a perdu le bras de fer qui l'opposait depuis trois mois à l'ancien maire de la capitale. Andry Rajoelina, lit-on dans la Frankfurter Rundschau, fait à première vue l'effet d'être un clone de Marc Ravalomanana. Tous deux sont des hommes d'affaires aguerris, tous deux appartiennent au même groupe ethnique malgache et tous deux ont été maires de la capitale. Cette ressemblance explique peut-être leur profonde antipathie réciproque. Mais note plus loin le journal, Marc Ravalomanana,ami du président allemand Horst Köhler et chouchou du Fonds monétaire international, a sous-estimé l'ancien disc-jockey. Cela dit, à 34 ans, Andry Rajoelina est trop jeune pour devenir président. La constitution malgache fixe à 40 ans l'âge minimum du chef de l'Etat. La Berliner Zeitung relève elle aussi beaucoup de ressemblances entre l'ancien président et le nouveau président par interim. Celle-ci notamment: tous deux étaient prêts à marcher sur des cadavres pour garder ou conquérir le pouvoir. Depuis fin janvier, 130 personnes ont perdu la vie. Si Rajoelina, souligne le journal, accède finalement au pouvoir, il le doit avant tout à l'armée. Beaucoup de soldats ont renoncé à leur neutralité par peur de l'anarchie. Outre l'armée , Rajoelina a aussi pour lui l'appui de la France, poursuit la Berliner Zeitung. Ravalomanana a brusqué à plusieurs reprises l'ancienne puissance coloniale, par exemple en songeant à introduire l'anglais comme langue officielle. Avec Rajoelina, beaucoup de politiciens de la vieille garde de l'ancien dictateur Didier Ratsiraka reviennent au pouvoir, note encore le journal. Cela devrait plaire aussi à la France. La Tageszeitunmg relève que dans la lutte de pouvoir qui s'est jouée ces dernières semaines, Rajoelina s'est présenté comme l'homme fort du pays, alors qu'en dehors de la capitale il est pratiquement inconnu. Mais ajoute la journal, il a de puissants appuis, à savoir les dinosaures de l'ère marxiste et un neveu de Didier Ratsiraka, considéré par beaucoup comme le véritable architecte de l'ascension de Rajoelina. Hormis sa volonté de combattre la pauvreté, Rajoelina n'a encore rien dit de son programme, poursuit la TAZ. L'économie est en lambeaux, un retour rapide des touristes et des investisseurs est improbable. Sans compter que Rajoelina devrait avoir un problème avec le principal employeur de l'île, car il a toujours pour nom Marc Ravalomanana.

Autre grand sujet de reportages et de commentaires: la visite du pape Benoit 16 en Afrique. Plus précisément au Cameroun et en Angola. Ses déclarations sur le sida font couler beaucoup d'encre dans les journaux allemands.

Le pape est allé en Afrique, écrit le Tagesspiegel, et il faut crier au danger. Car en déclarant que les préservatifs aggravent encore le problème du sida, il en rajoute à l'attitude officielle et bornée de l'église catholique. En s'obstinant dans le dogme qui veut que le sexe soit toujours un acte de reproduction, le souverain pontife, poursuit le journal, privilégie de surcroit une partie de la foi sur une autre. L'Eglise est fière de vouloir protéger la vie. Or des relations sexuelles non protégées équivalent dans beaucoup de pays à une condamnation à mort dans d'atroces souffrances. En Afrique en tout cas rares sont ceux qui ont accès à de coûteux médicaments.

L'hebdomadaire Die Zeit nous propose un article plus nuancé, signé Hans-Jochen Jaschke, évêque auxiliaire à Hambourg et membre de la commission oecuménique de la conférence épiscopale allemande. Cela ne fait aucun doute, lit-on sous sa plume: qui est malade du sida et a une activité sexuelle, qui cherche le changement de partenaires doit se protéger et protéger les autres. Dans la lutte contre le sida, les institutions ecclésiastiques sont de plus en plus reconnues par l'ONU et l'OMS comme des auxiliaires efficaces. 50% des centres de lutte contre le sida dans le monde sont soutenus par des églises, 25% par l'église catholique. Une église qui, relève-t-on plus loin, ne serait pas l'église si elle n'invitait à conjuguer sexualité avec amour et fidélité. La morale sexuelle chrétienne n'est pas un thème du passé. En clair: pas de tabou à propos du préservatif, mais pas non plus de mythe. Est évoqué dans l'article l'exemple de l'Ouganda où l'Eglise et l'Etat ont développé ensemble une méthode de prévention du sida appellée ABC, A pour abstinence, B pour fidélité, C pour condome mais aussi pour choix personnel. En Ouganda, l'un des pays où le taux de sida est parmi les plus élevés au monde, la propagation de la pandémie semble être endiguée, souligne l'auteur de l'article. La Berliner Zeitung évoque les objectifs de ce voyage du pape au Cameroun et en Angola: le catholicisme doit défendre des positions en Afrique, l'islam gagne du terrain à partir du nord du continent et la concurrence des églises pentecôtistes est également forte. Concernant les propos du pape sur le préservatif, le journal se demande comment les exhortations à la fidélité conjugale peuvent être comprises dans un pays comme l'Angola où, pour de multiples raisons, la famille bourgeoise est une exception. Par son obstination, le Vatican livre des dizaines de milliers de prêtres et de fidèles à un déchirement entre obéissance et humanisme.

Enfin la presse allemande revient cette semaine sur la situation au Zimbabwe.

Notamment sur les nouvelles occupations de fermes appartenant encore à des blancs. Il y en avait 4 500 à la fin des années 90, note Die Zeit. Il n'en reste plus aujourdh'hui que 320. Une nouvelle vague d'occupations déferle sur le pays depuis que Robert Mugabe doit partager le pouvoir. 77 fermes ont été occupées depuis l'investiture de Tsvangirai, précise le journal. Sous le titre "les derniers raisins de la colère", la Süddeutsche Zeitung relate elle aussi comment les nervis de Mugabe tentent d'intimider les derniers fermiers blancs. Le journal souligne qu'une bonne réforme agraire s'imposait depuis longtemps au Zimbabwe pour ouvrir de nouvelles perspectives à la population noire. Mais Mugabe a réduit à néant l'opportunité d'une réforme équitable. Il ne s'agissait pas pour lui d'éliminer une injustice coloniale, mais de rassembler ses favoris derrière lui et d'étouffer dans l'oeuf une opposition noire qui avait la sympathie de nombreux blancs. Bref, poursuit le journal, l'occupation de terres a été un instrument utilisé par Mugabe pour se maintenir au pouvoir.