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Economie

Vanille, chocolat... et Brexit

27 avril 2018

Cette semaine dans la presse allemande: la politique de l'Allemagne en Afrique, de la vanille et du chocolat, et la chance que peut représenter la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne pour les pays africains.

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Deutschland Weltkakaokonferenz
Image : picture-alliance/dpa/W. Kumm

Plusieurs articles, cette semaine dans les journaux allemands, sur des produits de consommation très prisés en Allemagne mais qui posent des problèmes de qualité et d'éthique : la vanille et le chocolat.

Le taux de vanilline a considérablement baissé ces dernières années
Le taux de vanilline a considérablement baissé ces dernières annéesImage : picture-alliance/dpa/R. Weihrauch

La vanille, d'abord, a de moins en moins d'arôme, rapporte die tageszeitung... Et ce alors que son prix a explosé ces dernières années : environ 600 euros pour un kilo de vanille de Madagascar, principal pays producteur !

Conséquence, de nombreux cultivateurs ont peur de se faire voler leurs précieuses gousses de vanille et font la récolte de plus en plus tôt. Sauf que la vanille commence très tardivement à développer son arôme. Pour un produit de qualité, il faut entre 1,8 et 2% de vanilline, mais depuis trois ans la moyenne est de 0,9 à 1%, explique la taz.

A propos du chocolat, plusieurs journaux reviennent sur la Conférence mondiale sur le cacao qui s'est tenue du 22 au 25 avril à Berlin, la plus grande manifestation du secteur. "Il y a d'énormes problèmes dans le secteur du cacao" affirme l'ONG berlinoise Inkota dans les colonnes du Tagesspiegel. L'organisation a lancé la campagne "Make chocolate fair" en faveur d'un "chocolat plus juste".

La ministre allemande de l'Agriculture promet de s'engager pour un cacao durable
La ministre allemande de l'Agriculture promet de s'engager pour un cacao durableImage : picture-alliance/dpa/W. Kumm

L'Allemagne est le premier exportateur mondial de produits chocolatés avec 804.000 tonnes pour un volume de 3,9 milliards d'euros en 2016.  Raison pour laquelle la ministre allemande de l'Agriculture, Julia Klöckner, a souligné la "grande responsabilité" de son pays dans les efforts pour rendre le secteur du cacao plus durable.

Contrairement à la vanille, le prix du cacao, lui, s'est effondré en raison de trop bonnes récoltes. Entre fin 2016 et début 2017, le prix d'une tonne de cacao a chuté de 3.000 à moins de 1.900 dollars. Les producteurs de cacao ont perdu jusqu'à 40% de leurs revenus. Parallèlement, le prix des produits chocolatés a augmenté dans les pays consommateurs, s'étonne die tageszeitung. Ce qui fait dire au directeur exécutif de l'Organisation internationale du cacao, Jean-Marie Anga, que "quelque chose ne tourne pas rond".

En Côte d'Ivoire, les cultivateurs de cacao auraient besoin d'un revenu moyen de 2,51 dollars par jour pour vivre convenablement
En Côte d'Ivoire, les cultivateurs de cacao auraient besoin d'un revenu moyen de 2,51 dollars par jour pour vivre convenablementImage : picture-alliance/dpa/J. Bätz

Une grande partie du cacao mondial provient d'Afrique de l'Ouest, poursuit le journal. La plupart des cultivateurs ne sont pas organisés en coopératives et se retrouvent tout seuls face aux multinationales. Ils ont donc du mal à défendre leurs intérêts et sont nombreux à vivre dans la pauvreté. Selon le ministre camerounais du Commerce Luc Mbarga Atangana, c'est d'ailleurs l'une des raisons qui poussent les gens à fuir en Europe.

Enrayer les "causes de l'exode" 

Le ministre allemand de la Coopération, Gerd Müller, a accordé une interview aux journaux du groupe Dumont, la Berliner Zeitung et le Kölner Stadt-Anzeiger. Occasion pour lui de souligner les efforts déjà entrepris par le gouvernement pour le développement des pays africains dans le but de réduire l'afflux de migrants vers l'Europe.

"Nous voulons donner aux Africains des chances dans leurs pays" a déclaré le ministre en rappelant le concept lancé par Berlin en 2017, le "Plan Marshall avec l'Afrique". Un concept basé sur les réformes, l'emploi et le développement économique. "Nous allons investir bien plus largement dans l'éducation et la formation" a assuré Gerd Müller. Avec 20 millions de jeunes arrivant chaque année sur le marché de l'emploi en Afrique, l'Union européenne doit se rendre compte, selon le ministre, de l'urgence à apporter des solutions sur place.

Gerd Müller avait fait de l'Afrique la priorité de son dernier mandat
Gerd Müller avait fait de l'Afrique la priorité de son dernier mandatImage : picture-alliance/dpa/K. Nietfeld

Parmi les points à améliorer au niveau européen, il y a la politique commerciale, poursuit Gerd Müller qui plaide pour l'ouverture totale des marchés aux produits africains - notamment agricoles. On ne peut pas à la fois soutenir financièrement les pays africains et les empêcher de prospérer. Pour financer la levée des barrières commerciales, le ministre allemand de la Coopération préconise de relancer l'idée d'une taxe sur les transactions financières, une idée soutenue par dix pays de l'Union européenne.

En contraste de cette interview, la Frankfurter Allgemeine Zeitung offre une tribune à l'Afrika-Verein, une association qui regroupe environ 500 entreprises implantées en Afrique. Son président, Stefan Liebing, se montre très critique quant à la politique africaine du gouvernement. 2017 avait été annoncée comme "année de l'Afrique", mais la mise en œuvre du Plan Marshall et des autres initiatives présentées en est "au point mort", déplore le lobbyiste.

Seule l'Afrique du Sud attire les investisseurs allemands pour l'instant
Seule l'Afrique du Sud attire les investisseurs allemands pour l'instantImage : picture-alliance/dpa/F. Gentsch

De nombreuses entreprises hésitent encore à investir dans les pays africains : trop de risques et pas assez de garanties. Dans un catalogue de doléances adopté lors de sa dernière assemblée générale, l'association appelle à la mise en place d'un fonds public d'un volume allant jusqu'à un milliard d'euros et étalé sur plusieurs années, afin d'encourager les investissements et les activités commerciales.

La Frankfurter Allgemeine souligne que certaines sociétés cotées en bourse sont en train de découvrir le potentiel du marché africain, parmi elles BASF, Bayer ou encore Heidelberg-Cement et Bosch. Volkswagen a installé deux usines de montage au Rwanda et au Kenya, Siemens connaît du succès en Afrique avec ses turbines à gaz. Mais le niveau des investissements et des échanges commerciaux est encore trop modeste, selon l'Afrika-Verein. Seul 1% des investissements allemands à l'étranger ont été réalisés en Afrique, principalement en Afrique du Sud, seul pays industrialisé du continent.

Le Brexit pourrait-il être une chance pour les pays africains?

Un cadre majestueux pour le sommet du Commonwealth: le château de Windsor
Un cadre majestueux pour le sommet du Commonwealth: le château de WindsorImage : Getty Images/AFP/H. Nicholls

Un sujet auquel s'est intéressé die tageszeitung alors que la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne se précise. 19 pays africains font partie du Commonwealth, l'organisation issue de l'empire colonial britannique et à laquelle ont également adhéré des pays qui n'avaient jamais été sous domination britannique. Le sommet du Commonwealth, qui s'est tenu à Londres, a vu défiler nombre de chefs d'États de ces pays pour qui le Brexit pourrait être une belle opportunité.

En effet, explique la taz, le Royaume-Uni a mené une politique de décolonisation tout à fait différente de celle de la France. Tandis que Paris considère ses anciennes colonies africaines comme sa sphère d'influence militaire, politique et économique, Londres n'a pas du tout suivi le développement politique de ses ex-colonies. Le Commonwealth est l'exemple même du "soft power", à savoir une culture politique basée sur un passé commun, une langue commune et un système juridique aux principes communs. Ce qui est important dans les questions commerciales.

19 pays sont membres du Commonwealth depuis que le Zimbabwe a annoncé son retour
19 pays sont membres du Commonwealth depuis que le Zimbabwe a annoncé son retour

L'Afrique pourrait ainsi être la grande gagnante du Brexit, selon l'Institute for Security Studies (ISS) basé en Afrique du Sud qui a publié un rapport à l'occasion du sommet du Commonwealth. Le Royaume-Uni pourrait en effet offrir à ses partenaires de meilleures conditions que celles des accords économiques très contestés de l'Union européenne. Un bémol toutefois: il faudrait d'une part que les Britanniques se présentent en tant que "Grande-Bretagne" et non "petite Angleterre" et que les pays africains fassent front commun dans leurs rapports commerciaux avec Londres.

Le Brexit va-t-il entraîner un bond vers un partenariat plus juste entre le Nord et le Sud, s'interroge la taz? Cela dépendra de la manière dont évolue le Commonwealth. Le fait que le prochain sommet de l'organisation, dans deux ans, ait lieu au Rwanda, un pays qui n'a jamais fait partie de l'empire britannique et qui représente une diplomatie africaine consciente d'elle-même, est plutôt un bon signe, selon le journal.

Deutsche Welle Anne Le Touzé
Anne Le Touzé Journaliste au programme francophone de la DWnanetouz