Une conférence d'entente controversée au Mali
20 mars 2017Au Mali, la Conférence d'entente nationale aura lieu du 27 mars au 2 avril. La date a été fixée à l'issue d'un conseil extraordinaire des ministres. Son objectif est, comme prévu par l'Accord de paix, d'aboutir à une charte de réconciliation des Maliens, axée sur trois grands thèmes : la pacification, la réconciliation et l'unité territoriale du pays. Les réactions sont mitigées, au Mali. Si certains sont enthousiastes, d'autres sont plus sceptiques.
Enfin discuter ensemble
La conférence doit être présidée par le Médiateur de la République. Trois cents participants sont attendus à Bamako pour discuter pendant cinq jours de la situation… Cinq jours, c'est peu pour régler tous les problèmes, mais c'est déjà ça, de l'avis d'Ibrahim Garicko, directeur de la Radio rurale de Menaka, dans le nord du pays.
« Ici, à Menaka, les gens pensent que c'est salutaire. Que c'est une façon de prendre en considération les préoccupations des communautés. C'est le lieu le mieux indiqué où les gens peuvent échanger, discuter et se dire la vérité. »
Menaka, où il y a quelques jours, un responsable du GATIA a été assassiné chez lui. Le GATIA est un groupe pro-gouvernemental actif dans le nord du Mali. Cet incident rappelle à quel point la situation est volatile dans le Nord : des groupes armés continuent de sévir, le cantonnement promis n'est pas effectif, les autorités intérimaires n'ont toujours pas pu commencer à travailler à Gao et Kidal. Idem dans le centre du pays, où des jihadistes commettent des violences et où les conflits fonciers perdurent entre éleveurs et cultivateurs. Sans oublier les réfugiés maliens toujours nombreux dans les pays voisins.
2018 dans le viseur
Des voix dénoncent une conférence « bâclée » et réclament plus de temps. Ils soupçonnent un « agenda politique caché » du chef de l'Etat. En clair : que l'important, pour le président Ibrahim Boubacar Keita, c'est avant tout d'organiser un grand événement, visible à l'extérieur par ses partenaires internationaux, comme le sommet Afrique/France de janvier ou la réunion du G5 Sahel à Bamako, mais aussi à l'intérieur, dans l'optique d'une pré-campagne pour la présidentielle de 2018, à laquelle IBK pourrait bien être candidat, en se posant comme celui qui a ramené la paix. Quitte à miser sur des événements spectaculaires au détriment du vrai dialogue local entre les communautés. Les enjeux sont effectivement politiques, confirme Ibrahim Maïga. Ce chercheur à l'Institut d'Etudes de Sécurité de Dakar, basé à Bamako, résume les deux principaux points de vue vis-à-vis de cette conférence :
« Si vous regardez de près ce qui est demandé par l'opposition politique, c'est – au-delà des thématiques « unité, réconciliation, paix » - c'est un bilan de l'action du président IBK et de sa gestion de la situation depuis son accession au pouvoir en 2013. »
Pourquoi donc réunir le dialogue à Bamako, loin des foyers de crise du pays ? Pourquoi ne pas avoir consulté davantage les populations au niveau local, des cercles puis des régions ? Un autre chercheur malien nous confie qu'à Douentza, dans la région de Mopti, on se demande comment ont été choisis les émissaires qui iront à Bamako.
Appui de la Minusma
Jointe par la DW, la Minusma indique qu'elle assurera le transport sécurisé des participants venus des quatre coins du pays. En amont, elle a fourni son appui par ses activités de plaidoyer en vue de faciliter le dialogue et de rapprocher les points de vue, mais également par le biais de la provision d'expertise durant les travaux préparatoires, ce que la mission de l'ONU au Mali continuera de faire pendant la conférence.