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Tchad: l'opposant Laokein Kourayo Médar reste en prison

La rédaction francophone
24 novembre 2017

Laokein Kourayo Médar, l'ex-maire de Moundou, la capitale économique du sud du pays, a été acquitté jeudi par les juges, dans l’affaire de détournement et de malversations financières dans la commune qu’il dirigeait.

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Tchad Bürgermeister von Moundou Laokein Kourayo
Image : Dikbo Hubert

Le procureur en charge du dossier a interjeté appel et a refusé de signer le procès verbal de la libération de celui qui est arrivé troisième, lors de l'élection présidentielle d'avril 2016 au Tchad. Une attitude surprenante que dénonce le bâtonnier de l’ordre des avocats du Tchad, pour qui "le juge a ordonné la mise en liberté d'office pour détention abusive" de  Laokein Kourayo Medard. A en croire Maitre Athanase Mbaigangnon, qui est aussi l'un des avocats de l'ex édile de Moundou,"c'est regrettable pour un Etat qui se dit de droit. Un jugement rendu par un tribunal, c’est un ordre donné au Procureur de la République qui est partie au procès comme tout autre. La loi dit que le Procureur de la République est tenu de prêter main-forte à l'exécution des décisions de justice, laquelle est rendu, il faut le préciser au nom du peuple tchadien. Le Procureur n'est pas au dessus des lois. Et surtout que l'actuel code de procédure pénale qui est entré en vigueur le 15 octobre dernier, dit clairement qu'il y a plus de mandat de dépôt sur la base duquel, nos clients sont détenus à la maison d'arrêt", a t-il expliqué au micro de la Deustche Welle.

En mars 2017, Daniel Ngadjadoum, le directeur de cabinet de l'opposant  Ngarledji Yorongar, a été enlevé et détenu au secret pendant au moins quatre jours.
En mars 2017, Daniel Ngadjadoum, le directeur de cabinet de l'opposant Ngarledji Yorongar, a été enlevé et détenu au secret pendant au moins quatre jours.Image : DW/B. Dariustone

"Abus d'autorité"

Le président de la CTPD, Convention Tchadienne pour la Paix et le Développement, était initialement accusé d'avoir détourné  la somme de 27 millions de FCFA, l'équivalent de 41.000 euros. Accusations confirmées à la suite d'un contrôle administratif de routine réalisé avant sa destitution en juin dernier.
 A la fin du mois de  septembre, de cette année, un rapport d'audit sollicité par le juge d'instruction avait conclu que Laokein Kourayo Médard n'etait pas coupable de détournement. Selon les conlusions de ce rapport, sur les 45 employés de la mairie cités, seul Médard n'aurait rien détourné. Aussi, ledit rapport révèle t-il un gap de plus de 200 millions de FCFA, soit 305.000 euros, dans les caisses de la mairie de Moundou. Le chef d'accusation contre M. Médard a été requalifié jeudi par la justice tchadienne, suite à cet audit en "abus d'autorité".

Une justice aux ordres ?

Le cas de Laokein Kourayo Médard n’est pas le seul révélateur de l’instrumentalisation de la justice, par les autorités tchadiennes. "Je vous cite l'exemple  du sultan Haroun Mahamat du Dar-Tamas, le pauvre !"  explique Me Mahamat Hassan Abakar. "Il a été il y a quelques années destitué de son poste de sultan. Il a été arrêté, incarcéré à Koro-Toro, dans l'extrême-nord. J'étais à l'époque son avocat. On a saisi la Cour suprême. La justice l'a réhabilité et lui accordé des dommages et intérêts pour une longue détention arbitraire. La justice, elle est contrôlée. Elle est instrumentalisée. Quant on veut arrêter un opposant, ou un simple citoyen, le juge trouvera quelque chose pour lui coller aussi. Si aujourd'hui au Tchad, on applique l'Etat de droit, notre cher président Déby ne sera pas là," ajoute Me Mahamat Hassan Abakar. En 1992, c’est lui qui a présidé la Commission d’enquête sur les crimes et détournements de Hissène Habré, l’ex-dictateur tchadien en prison à Dakar, et de ses complices du Tchad. 

Me Mahamat Hassan Abakar a publié aux éditions l’Harmattan le livre "Chronique d’une enquête criminelle nationale, le cas du régime de Hissène Habré".

Détentions arbitraires

Nadjo Kaina, le porte-parole du mouvement "Iyina", "Nous sommes fatigués" en arabe tchadien a plusieurs fois été arrêté, torturé avant d’être libéré.
Nadjo Kaina, le porte-parole du mouvement "Iyina", "Nous sommes fatigués" en arabe tchadien a plusieurs fois été arrêté, torturé avant d’être libéré.Image : DW/F. Quenum

Amnesty International, et d’autres ONG de défense des droits de l’Homme dénoncent régulièrement des cas d’arrestations et de détentions arbitraires de nombreux citoyens, de journalistes et acteurs politiques, notamment ceux de l’opposition. Le cas le plus médiatisé est celui de l’activiste Mayadine Mahamat Babouri qui a été arrêté arbitrairement à N’Djamena, le 30 septembre 2016, par des agents de l’Agence nationale de sécurité, l’ANS, la très redoutée police politique du régime du président Idriss Déby Itno. Lors de ses premiers jours de détention, il a été torturé - notamment à l’électricité - et privé de tout droit de visite. Il a ensuite été envoyé au centre de détention de Koro-Toro, selon Amnesty International.

Le 10 octobre 2016, Mayadine Mahamat Babouri  a été inculpé "d’atteinte à l’ordre constitutionnel, à l’intégrité territoriale et d’intelligence avec un mouvement insurrectionnel". A l’origine, il avait posté plusieurs vidéos sur Facebook critiquant la mauvaise gestion de la crise économique et la dilapidation des deniers de l’Etat par le clan au pouvoir, citant nommément la première dame Hinda Déby Itno. En mars 2017, Daniel Ngadjadoum, le directeur de cabinet de l'opposant  Ngarledji Yorongar, a été enlevé et détenu au secret pendant au moins quatre jours, dans les locaux de l'Agence nationale de sécurité où il a été maltraité.  

Un président contesté

Idriss Déby Itno est contesté à l'intérieur de son pays, mais soutenu  par les occidentaux.
Idriss Déby Itno est contesté à l'intérieur de son pays, mais soutenu par les occidentaux.Image : Getty Images/AFP/J. Macdougall

Arrivé au pouvoir le 1er décembre 1990 par les armes, Idriss Déby Itno, l’actuel numéro un tchadien, a été réélu en avril 2016 pour un cinquième mandat, à l’issue d’un scrutin contesté par ses principaux opposants. Producteur de l’or noir depuis 2003, le Tchad fait face depuis quelques années à une crise économique et financière sévère, dont les conséquences se font sentir sur le plan social. En dépit de ses méthodes de gouvernance basée sur la répression, Idriss Déby Itno est un fidèle allié des Occidentaux et de la France qui le considère comme un rempart contre le terrorisme dans le Sahel. Des milliers de soldats tchadiens sont déployés sur plusieurs théâtres d’opération de lutte contre les djihadjistes, au Mali, en particulier. Un autre contingent est en passe d’être déployé dans le cadre de la mise en place de la force conjointe du G5 Sahel, dont le début de l'opérationnalisation est prévu à la mi-mars 2018.