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Rêve brisé au Soudan du sud

Marie-Ange Pioerron20 décembre 2013

La situation au Soudan du sud inquiète la presse allemande. Les combats entre factions rivales de l'armée sud-soudanaise font craindre que le plus jeune Etat du monde ne tombe, ou ne retombe, dans la guerre civile.

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Déplacés internes à l'intérieur d'une base de l'ONU à Djouba
Déplacés internes à l'intérieur d'une base de l'ONU à DjoubaImage : Reuters

Lutte de pouvoir au Soudan du sud, titre le Tagesspiegel de Berlin qui relève que plus de 20 000 civils se sont réfugiés sur la base de la MINUS, la mission de l'ONU au Soudan du sud. La plus jeune nation du monde, note la Süddeutsche Zeitung, n'a guère profité jusqu'à présent de sa liberté nouvellement conquise. La production pétrolière est largement paralysée, pour cause de querelle permanente avec le Soudan, par lequel passent tous les oléoducs. Des conflits latents depuis longtemps resurgissent régulièrement entre les ethnies, notamment entre les Dinka, ethnie du président Salva Kirr, et les Nuer, le peuple de l'ex- vice président Riek Machar. La lutte de pouvoir entre les deux hommes a déjà connu un paroxysme en juillet dernier, Salva Kirr avait limogé Machar, lequel ne faisait plus mystère depuis longtemps de ses visées sur le poste de chef de l'Etat. Kiir, poursuit le journal, avait aussi limogé tout le gouvernement, une mesure d'une brutalité inattendue alors que beaucoup de Sud-Soudanais déçus reprochent à leur président sa mauvaise gestion économique et son style de plus en plus autoritaire.

Parade militaire le 9 juillet 2012 pour le 1er anniversaire de l'indépendance
Parade militaire le 9 juillet 2012 pour le 1er anniversaire de l'indépendanceImage : Peter Martell/AFP/Getty Images

La Frankfurter Allgemeine Zeitung voit en la personne de Riek Machar un personnage aux multiples facettes. Il a fait partie des membres fondateurs de la rébellion sudiste, le SPLM, qui a lancé en 1983 la guerre de sécession contre le régime de Khartoum. Mais rappelle le journal, en 1991, Riek Machar s'est dressé contre le chef rebelle de l'époque John Garang qu'il accusait d'autoritarisme. Il s'est allié pendant un certain temps avec Khartoum. Machar voulait l'indépendance du Soudan du sud alors que pour Garang, une fédération avec Khartoum était le meilleur moyen de se réconcilier avec le nord. A Zurich, en Suisse, la Neue Zürcher Zeitung note que de vieilles tensions refont surface. Dans un monde tel que l'imaginaient les médiateurs étrangers de l'accord de paix soudanais de 2005, le Soudan du sud serait en train de prospérer en termes économiques et sociaux et de faire rapidement des progrès sur la voie de la formation d'un Etat. Or c'est l'inverse qui se produit: les recettes pétrolières disparaissent dans un appareil d'Etat et un appareil sécuritaire pléthorique. A présent, les luttes de factions entre partisans du président Salva Kiir et de son rival montrent que les dirigeants politiques entendent régler leurs divergences de vues par la violence et non par des moyens démocratiques. Le SPLM, qui était censé développer une vision pour une nation toute entière, n'a pas encore trouvé son identité pour les temps de paix et de normalité étatique. Les dirigeants pensent toujours comme les chefs militaires qu'ils furent et qu'ils sont toujours .

Véhicule blindé congolais dans les rues de Bangui le 16 décembre 2013
Véhicule blindé congolais dans les rues de Bangui le 16 décembre 2013Image : Reuters

Centrafrique: l'Allemagne temporise

Un autre foyer de crise, la République Centrafricaine, attire l'intérêt de la presse allemande. La Berliner Zeitung relève que le président de la transition, Michel Djotodia, n'a pas réussi à cimenter son pouvoir ni à contrôler ses propres combattants, les ex-Seleka donc. Et le journal doute que 1 600 soldats français suffisent pour contrôler un pays presque deux fois grand comme l'Allemagne. Le tournant ne viendra pas non plus des 3 000 soldats africains supplémentaires envoyés en Centrafrique. Paris espère avoir l'aide de ses partenaires européens . Mais, comme le souligne la Frankfurter Allgemeine Zeitung, l'Allemagne notamment refuse que l'Union européenne participe au financement de l'intervention française en Centrafrique. Le journal cite un représentant du gouvernement allemand qui fait valoir qu'en vertu de la juridiction actuelle, une participation de l'UE aux coûts d'opérations militaires n'est possible que lorsqu'il s'agit d'une mission européenne. Or l'opération Sangaris est une opération française. Le gouvernement allemand, poursuit le journal, a par ailleurs fait savoir qu'il n'enverrait pas de soldats allemands en Centrafrique et qu'il continuerait d'apporter seulement un appui logistique à la France.

Une mère et ses deux enfants se réfugient dans un monastère à Bangui
Une mère et ses deux enfants se réfugient dans un monastère à BanguiImage : picture-alliance/AP

Ceinture de crises africaines

Le Soudan du sud et la Centrafrique - mais aussi le nord du Nigeria - ce sont autant d'éléments de ce que die tageszeitung appelle la ceinture de crises au coeur de l'Afrique. Comme nous sommes loin de l'héritage de Mandela, qui par sa persévérance, sa discipline et sa volonté de réconciliation a donné l'exemple en Afrique du sud, déplore le journal. Il serait trop simple de lever le doigt et d'exhorter les fauteurs de guerre de Djouba et Bangui à tirer des leçons de Mandela. L'Afrique est plus diversifée que cela. Mais il serait aussi irréflechi de s'appuyer sur quelques exemples positifs pour conclure à des changements positifs sur l'ensemble du continent et faire l'impasse sur les évolutions négatives.

A l'entrée d'un bureau de vote de Bamako le 15 décembre 2013
A l'entrée d'un bureau de vote de Bamako le 15 décembre 2013Image : Habibou Kouyate/AFP/Getty Images

Insulte à la démocratie au Mali

Au Mali, les élections sont maintenant terminées. Selon les observateurs européens , la présidentielle comme les législatives se sont globalement bien déroulées. Mais à en juger par un article assassin paru dans die tageszeitung, ce qui a fait plaisir aux occidentaux a été en fait un désastre. Pour Charlotte Wiedemann, l'auteur de l'article, les élections au Mali ont été une insulte à l'aspiration démocratique. J'ai eu, écrit-elle, le triste privilège de les vivre de près. Beaucoup de Maliens ont été écoeurés par la façon dont les listes électorales ont été concoctées. La concurrence pour les postes et les privilèges a été pire que jamais. Des membres d'un seul et même parti se sont retrouvés sur des listes concurrentes. En deux décennies de démocratie de façade, l'achat de voix est devenue une pratique bien huilée. Mais ajoute l'auteur, je me suis toujours demandé pourquoi des gens qui gagnent 1 000 francs cfa par jour votent réellement pour leur bienfaiteur. Ils pourraient prendre l'argent et voter pour quelqu'un d'autre. Mais le peuple est sincère, il ne trompe pas le candidat trompeur.

A nos internautes: pour cause de fêtes de fin d'année, Afropresse fait relâche pendant deux semaines. Prochain numéro: le 11 janvier 2014.