1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Message à Kadhafi

3 juin 2011

Alors que l'OTAN poursuit ses frappes sur Tripoli, la Libye continue de retenir l'attention de la presse allemande.

https://p.dw.com/p/RRdz
Une frégate libyenne en feu après une frappe de l'OTANImage : AP

La Frankfurter Allgemeine Zeitung constate que Jacob Zuma a quitté Tripoli les mains vides. Le président sud-africain a rencontré lundi dernier le colonel Kadhafi, lequel, note le journal, s'est à l'occasion montré de nouveau en public pour la première fois depuis deux semaines. La rencontre aurait porté sur une proposition d'asile à Kadhafi, ce que Zuma a néanmoins contesté. En Afrique du sud, des rumeurs tenaces veulent pourtant que l'Afrique du sud ait proposé non seulement l'asile à Kadhafi mais aussi une assistance juridique s'il était inculpé par la Cour pénale internationale. L'Afrique du sud, rappelle le journal, reconnait la compétence de la CPI et devrait donc livrer Kadhafi s'il séjournait en Afrique du sud. Au sein de l'ANC, le parti au pouvoir, l'on rappelle que "l'on a une dette" envers Kadhafi. Le Libyen a apporté une contribution substantielle au financement de l'ANC pendant sa lutte contre le régime sud-africain de l'apartheid.

Libyen Bügerkrieg Rebellen Benghazi
Rebelles à BenghaziImage : dapd

L'OTAN, note de son côté la Süddeutsche Zeitung, attaque la totalité de l'appareil militaire de Kadhafi. Elle a une bonne raison de le faire: le dictateur semble espérer pouvoir passer la guerre dans des bunkers et sous la protection des soldats et miliciens qui lui restent loyaux. Mais souligne le journal, les messages politiques ne sont pas moins importants que les armes. En décidant de prolonger son intervention jusqu'à l'automne, l'Otan détruit aussi à Tripoli les dernières illusions quant à une lassitude prochaine de l'alliance pour peu qu'elle se heurte à une résistance suffisante. Sans cette illusion, les défections autour de Kadhafi iront en s'accélérant. La décision de rester plus longtemps dans cette guerre pourrait donc avoir pour effet de la raccourcir.

NATO Luftangriffe auf Tripolis Libyen Feuer
Après une frappe sur TripoliImage : picture alliance/dpa

Pas de printemps au sud du Sahara

La guerre en Libye, de même que les soulèvements qui ont renversé les dictateurs en Tunisie et en Egypte amènent une fois de plus la presse allemande à s'interroger sur l'impact des printemps arabes au sud du Sahara. "A l'ombre de la rébellion", titre la Süddeutsche Zeitung qui écrit que les Etats subsahariens auront rarement accordé autant d'attention à leurs voisins arabes du nord de l'Afrique. Les bouleversements en Egypte et en Tunisie, de même que les révoltes en Syrie et au Yémen, sont observées de près par les dirigeants du Sud. Tout comme les bombardements en Libye et le sort de Mouammar Kadhafi. Les Etats africains, poursuit le journal, ont dans le même temps enregistré l'intervention de la France dans la crise ivoirienne. Quelles conclusions les chefs d'Etat africains tireront-ils des deux interventions (Libye et Côte d'Ivoire)? Vont-ils accroître leurs armements pour mieux se protéger contre des révoltes à l'intérieur et des attaques de l'extérieur? Une chose est sûre souligne le journal: la méfiance s'est accrue. Les discours anti-occidentaux se multiplient. Mais, lit-on plus loin dans cet article, même si aujourd'hui certains Etats africains ont plus à redouter des interventions occidentales que dans le passé, un chercheur comme le Nigérian Olawale Ismail, de l'Institut international de recherche sur la paix (SIPRI) à Stockholm ne croit pas que cela aura une influence majeure sur les stratégies de défense des Etats pauvres: "ils savent tous qu'ils n'auraient rien à opposer aux armes modernes de l'Occident". Et ajoute le journal, ils voient tous à quelle pression est soumis le colonel Kadhafi. Lui qui fut autrefois si puissant est maintenant terré dans un bunker et les bombes lui pleuvent dessus.

Niger Volksabstimmung Jungen auf dem Nachhauseweg
Enfants au bord du fleuve Niger prés de NiameyImage : AP

Trop pauvres pour manifester

Sur le même sujet un autre quotidien allemand, la Frankfurter Rundschau, livre une analyse intéressante. A la lumière de la situation sur le continent africain, le journal s'étonne que le vent du changement n'y soit pas devenu depuis longtemps un ouragan. La plupart des Africains vivant au sud du Sahara vivent infiniment plus mal que leurs frères et soeurs arabes. Comment expliquer cette léthargie africaine? Le journal énumère les raisons avancées par les experts. Tout d'abord celle du patchwork ethnique de l'Afrique subsaharienne qui contraste avec la prétendue homogénéité linguistique et culturelle du monde arabe. Mais note la Frankfurter Rundschau, la Libye est peuplée elle aussi d'ethnies très différentes. Ensuite: la brutalité avec laquelle les forces de sécurité des dirigeants africains étouffent la résistance dans l'oeuf. Mais les soldats libyens et syriens ne se distinguent pas non plus par leur douceur. Une autre explication est sans doute plus plausible, souligne le journal: les Subsahariens sont trop misérables pour aller manifester. Qui n'a rien à manger est trop faible pour monter sur des barricades. Il serait absurde d'attendre d'un petit paysan affamé au Niger, d'un milicien en Somalie ou de la victime d'un rebelle au Congo qu'il descende dans la rue pour plus de démocratie. "Quelle rue?" s'entendrait-on répondre. Le printemps arabe est le fait de la classe moyenne, poursuit le journal - de jeunes bien formés qui se sentent privés d'avenir, de citadins qui regardent Al Djazira. Au sud du Sahara la majorité de la population vit encore à la campagne. Mais les choses commencent à bouger: la classe moyenne en Afrique - ceux qui disposent de deux à 20 dollars par jour - a augmenté de 60% au cours de la dernière décennie. Et le journal note encore que dans presque tous les Etats de l'Afrique noire agités ces derniers temps par des manifestations, la protestation a été attisée par la colère face à l'explosion des prix des denrées alimentaires.

Pumpbrunnen im Erer-Tal, Babile, Äthiopien
Pompe à eau en EthiopieImage : Rainer Kwiotek /Zeitenspiegel

Des terres convoitées

L'explosion des cours des produits alimentaires n'est pas sans lien avec l'accaparement des terres en Afrique. Deux articles sont parus à ce sujet dans la presse allemande. L'un concerne le sud-ouest du Cameroun. Il est paru dans la Süddeutsche Zeitung. Et il relate comment l'investisseur américain Blackstone veut créer une gigantesque plantation de palmiers à huile. Les écologistes sont indignés. 61 organisations et scientifiques se sont regroupés pour stopper le projet. L'autre article est à lire dans l'hebdomadaire Stern. Il évoque le cas de l'investisseur indien Ram Karuturi, le plus grand producteur mondial de fleurs coupées. Il possède déjà des fermes gigantesques au Kenya et en Ethiopie. Mais il s'est rendu compte que le marché de l'alimentation promettait des profits encore plus grands. Et il a loué pour cela des centaines de milliers d'hectares en Ethiopie.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum