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Manifester le lundi en Allemagne

Yvon Arsenijevic10 août 2004

Lundi, plusieurs dizaines de milliers d’Allemands, beaucoup à l’Est du pays, moins à l’Ouest, étaient dans la rue pour manifester contre les réformes sociales du gouvernement Schröder. Des manifestations que leurs initiateurs envisagent de renouveler tous les lundis. Des manifestations « du lundi », donc : une formule qui peut être gênante parce qu’elle ramène 15 ans en arrière, à l’époque où les Allemands de l’Est se libéraient, en douceur, du régime communiste. Une formule qui prête en tout cas à discussion. Et la presse écrite non plus ne s’en prive pas.

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« Nous sommes le peuple ! », version 2004.
« Nous sommes le peuple ! », version 2004.Image : AP

« Wir sind das Volk » (Nous sommes le peuple) – ces quatre mots qui trônent sur une pancarte en une de la SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, de Munich, rappellent eux aussi quelque chose – sauf que la photo date d’hier et pas de 1989 !

Et là, pour le WIESBADENER KURIER, par exemple, il y a « fraude sur les étiquettes » car si la politique de réformes du gouvernement Schröder (démocratiquement élu, soit dit en passant) peut présenter des injustices, elles n’a rien en commun avec l’arbitraire étatique. Une notion comme « manifestation du lundi » représente donc une « mobilisation qui aurait emprunté sa légitimation », écrit encore le journal.

Pour la NEUE PRESSE, les « manifestants du lundi » se moquent d’être estampillés comme tels ; « les gens sont en colère », écrit le journal de Hanovre : le potentiel de frustration approcherait même les 20 % selon lui, et Magdebourg (la ville qui a rassemblé le plus de manifestants hier) pourrait bien se révéler être un avertissement – comme Leipzig l’a été il y a 15 ans...

Ce qui gêne nos confrères dans la référence au changement de 1989, ce sont les « gens » justement qu’elle attire dans son sillage : les anciens communistes ont tapé dans l’œil du HANDELSBLATT de Düsseldorf qui les voit accomplir leur troisième métamorphose : SED jadis, PDS aujourd’hui, vrais défenseurs des droits civiques demain.

À métamorphose, métamorphose et demie : après avoir évoqué la foule (politiquement) bigarrée des manifestants regroupés derrière « nous sommes le peuple » version 2004, l’ABENDZEITUNG, à Munich, épingle celui qu’il appelle « le meilleur » : le chef du gouvernement régional (chrétien-démocrate) de Saxe qui envisage de descendre dans la rue lui aussi, contre une réforme qu’il a lui-même votée. La situation serait grotesque, si elle n’était grave, commente notre confrère.

Et pas question de prendre ces protestations à la légère, comme le note de son côté la MITTELDEUTSCHE ZEITUNG, même si le journal de Halle doute qu’elles puissent donner naissance à un « mouvement de masse » comme... il y a 15 ans.

Reste que les gens qui ont manifesté hier ont peur, peur du lendemain, explique pour sa part la NEUE WESTFÄLISCHE : alors, si l’Allemagne n’a pas de tradition de la protestation, cela pourrait changer. Et le peuple, pour ménager ceux qui n’aiment pas les manifestations du lundi, pourrait bientôt manifester aussi le mardi. Ou le mercredi... conclut le journal de Bielefeld.