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Main basse sur les ressources génétiques des pauvres

22 octobre 2010

Le sommet mondial sur la biodiversité se poursuit à Nagoya au Japon. C'est l'occasion pour la presse allemande de s'intéresser à la biopiraterie.

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Image : DW-TV

Sous le titre "Les racines de l'exploitation", la Süddeutsche Zeitung nous relate ce qui ressemble, selon le journal, à une belle histoire: la firme pharmaceutique Schwabe, de Karlsruhe en Allemagne, associe la population des environs de la petite ville sud-africaine d'Alice au produit de la vente d'un médicament appellé Umckaloabo. La firme tire la matière première de ce médicament de racines de pelargonium qui poussent près d'Alice. Depuis des générations la population locale boit le jus des racines pour traiter les affections des voies respiratoires ou la tuberculose. La firme allemande utilise donc ici le savoir des Africains. Et elle paie pour cela. Mais personne ne sait combien, poursuit le journal. Les contrats sont secrets. Ce qui est connu en revanche, c'est que le médicament rapporte 40 millions d'euros par an à la firme Schwabe, et qu'il est vendu dans 40 pays. La biopiraterie, note plus loin le journal, c'est-à-dire l'appropriation illégale de ressources génétiques végétales ou animales, devrait appartenir depuis longtemps au passé. Car en 1992, au sommet de la terre à Rio, la communauté internationale a adopté en plus de l'accord sur le climat la convention sur la biodiversité. Elle est entrée en vigueur en 1993, et prescrit que les entreprises de pays industriels doivent demander l'autorisation des pays en développement lorsqu'elles veulent y exploiter des plantes, des animaux ou le savoir traditionnel à ce sujet. Et pour cela elles doivent payer la population locale. Si tout le monde respectait l'accord, les pays pauvres pourraient en tirer des recettes annuelles de 14 milliards d'euros, selon Michael Frein, expert de l'environnement au Service évangélique allemand de développement.

Anti-Pirateneinsatz der EU
La mission européenne AtalanteImage : DW

Piraterie tout court

La piraterie telle qu'on la connait depuis des siècles, autrement dit la piraterie en mer, inspire aussi un article à la presse allemande. Il est paru dans le Tagesspiegel de Berlin, qui note qu'il y aura bientôt sur le sol allemand le premier procès en piraterie depuis 400 ans. Probablement à partir de la mi-novembre, dix pirates présumés somaliens seront jugés à Hambourg. Ils ont été extradés vers l'Allemagne par les Pays-Bas, des soldats néerlandais ayant libéré en avril le porte-conteneurs allemand "MS Taipan". Le procès de Hambourg, poursuit le journal, sera peut-être aussi le dernier en Allemagne, tout dépendra des pays africains. Actuellement ils ne disposent pas de moyens suffisants pour juger des pirates présumés. Les Seychelles sont l'unique pays auquel les Etats de l'Union européenne peuvent livrer des pirates après leur arrestation. Mais la capacité d'accueil de l'archipel est réduite. Début octobre, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a entrepris un voyage en Afrique pour trouver de nouveaux alliés. L'Union européenne promet son appui aux systèmes judiciaires des pays qui acceptent des pirates sur leur sol pour les juger. Selon Mme Ashton, poursuit le journal, les discussions avec l'île Maurice sont très avancées. Mais tant qu'aucun accord n'aura été signé avec Maurice, des pirates présumés continueront sans doute d'être transférés en Allemagne si le parquet de Hambourg délivre contre eux un mandat d'arrêt.

Deutschland Europa Agrar Subventionen Transparenz
Dans un élevage laitier allemandImage : AP

Une productrice de lait en colère

Toujours au chapitre des relations entre l'Europe et l'Afrique, c'est la politique agricole de l'Union européenne qui est dénoncée dans un autre article de la presse allemande. Celle qui s'en prend à cette politique s'appelle Gariko Korotoumou, elle a 54 ans, et c'est la présidente de l'Union des mini-laiteries du Burkina Faso. La Süddeutsche Zeitung l'a rencontrée à Munich où elle est venue se battre contre les policitiens européens qui selon elle ruinent les petits producteurs africains. En ces temps où les conférences contre la faim dans le monde se multiplient, un peu de lobbying ne peut pas nuire, écrit le journal. Avec son caractère bien trempé et son imposante stature, Korotoumou est pour cela la femme qu'il faut, ajoute notre confrère. Elle calcule, lit-on dans l'article, qu'elle doit vendre son lait à l'équivalent de 75 cents d'euros par litre si elle veut vivre de son travail. Korotoumou possède 32 vaches, elle a aussi une modeste laiterie dans laquelle elle pasteurise du lait et fabrique des yaourts. Or à Ouagadougou l'électricité est chère, pour autant qu'elle fonctionne. Le lait en poudre importé d'Europe est infiniment moins cher - entre 45 et 48 cents. Et Korotoumou est convaincue que, s'il est si bon marché, c'est parce que l'UE subventionne ses agriculteurs. De fait, poursuit le journal, même si les subventions aux exportations de lait n'existent plus, les subventions directes versées aux agriculteurs font baisser les prix à la production. Le Burkina, ajoute le journal, importe chaque année pour 18 millions d'euros de produits laitiers, principalement en provenance de l'Union européenne. 18 millions, cela semble peu mais cela suffit pour ravir leurs chances à des petits producteurs comme Korotomou.

Soccer City Stadion Johannesburg QUER
Image : Nina Gruntkowski

Après la fièvre du football

Cent jours après la fin de la Coupe du monde de football en Afrique du sud, l'heure du bilan a sonné pour la presse allemande. Pour Die Welt, l'euphorie est retombée. La dure réalité quotidienne a rattrapé l'Afrique du sud. Le plus grand stade d'Afrique, celui de Johannesburg, est désert. Les auto-écoles utilisent les parkings comme terrain d'exercice. En dehors des stades, note encore Die Welt, les vuvuzelas se sont tues. Une agence publicitaire a même lancé un concours sur leur reconversion. Certains ont proposé d'en faire des bougeoirs, d'autres des abat-jour. L'inévitable président de la ligue des jeunes de l'ANC, Julius Malema, n'a pas pu s'empêcher de donner son avis. Selon lui, précise le journal, la Coupe du monde a été une "activité impérialiste", destinée à "exploiter les ressources du pays". La Tageszeitung a interrogé un syndicaliste, Eddie Cottle, coordinateur du mouvement syndical mondial des travailleurs du bâtiment. Son verdict est sans nuance: dans ce grand jeu, dit-il, les rôles étaient clairement répartis dès le début: le gagnant est une fois de plus la FIFA, le perdant l'Etat sud-africain et ses 50 millions d'habitants. La Coupe du monde a rapporté 2,5 milliards d'euros à la FIFA, elle se solde pour l'Afrique du sud par 500 millions d'euros de dettes, ajoute ce syndicaliste.

Auteur: Marie-Ange Pioerron
Edition: Fréjus Quenum