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L'UE "sous-traite" la question des migrants

Claire-Marie Kostmann
29 août 2017

Le sommet sur les migrations organisé lundi à Paris a été critiqué comme remettant en cause le principe du droit d'asile. Les conclusions s'apparentent aussi à de la sous-traitance des migrants par les États africains.

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Libyen Zentrum für Bekämpfung der illegalen Migration in Tripoli
Image : Getty Images/AFP/M. Turkia

Paris Migration Kritik 19h - MP3-Stereo

Lundi, le président français Emmanuel Macron a en effet proposé "d'identifier" dès le Niger et le Tchad les ressortissants "qui ont droit à l'asile" tandis que la chancelière allemande Angela Merkel souhaite mieux identifier les migrants économiques. De leur côté, les présidents tchadien et nigérien Idriss Deby Itno et Mahamadou Issoufou ont insisté sur les financements européens.

Par ce sommet, les dirigeants européens cherchaient à déplacer la frontière extérieure de l'Union européenne au sud du Sahara, comme la Grande-Bretagne a déplacé sa frontière en France, à Calais. C'est le parallèle fait par François Gemenne, chercheur en science politique à l'université de Liège et spécialiste des migrations.

Frankreich PK Migrationsgipfel in Paris
Sur cette question, Emmanuel Macron et Angela Merkel sont sur la même longueur d'ondesImage : Reuters/C. Platiau

Les dirigeants européens cherchaient ainsi à déplacer ce qu'ils considèrent comme un problème - l'arrivée de migrants sur le sol européen - en donnant de l'argent aux pays africains :

"Cet argent n'est pas une aide, c'est simplement une monnaie d'échange pour que les pays africains acceptent de faire la sous-traitance du travail de l'Union européenne. C'est exactement la même logique que celle qui avait prévalu pour le deal avec la Turquie. Mais il est illusoire de penser que ces sommes serviront effectivement à la politique d'asile et d'immigration ou qu'elles serviront à l'accueil des migrants. Vraisemblablement ce sera de l'argent qui, au mieux, ira dans le budget général du pays."

Craintes pour les persécutés

Instaurer des centres d'identifications des migrants et des réfugiés en Afrique, même sous l'égide du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés, est une remise en cause du droit d'asile, d'après Ulrich Delius. Il est le directeur de l'association allemande pour les peuples menacés. Les Oromo ou les Biafrais qui fuient les persécutions en Ethiopie ou au Nigeria ne pourraient plus avoir la possibilité d'un recours en Europe :

"Cela veut dire qu'il n'y a plus d'accès au système judiciaire pour ces réfugiés, mais que c'est l'État, qui va dire : bon, cette personne aura une chance d'obtenir l'asile politique en Europe ou non. Et si c'est un non, et cela je pense que ce sera dans pratiquement 95% des cas, il vont être refoulés et ils ne vont pas avoir un accès à l'Europe."

Pendant ce temps, des migrants tentent toujours de rejoindre l'Europe en bateau. L'ONG SOS Méditerranée dit avoir secouru aujourd'hui sept personnes dont une femme, originaires de Gambie et d'Algérie. Depuis 2014, au moins 14.000 personnes seraient mortes en Méditerranée.

Emmanuel Macron a annoncé vouloir se rendre prochainement à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, dans l'idée de créer un "axe intégré entre Afrique, Méditerranée et Europe", notamment sur la crise migratoire. Quant à la chancelière allemande Angela Merkel, elle s'est prononcée mardi pour une prolongation des contrôles aux frontières dans l'Espace Schengen. Ce sera l'un des sujets abordés lors de la rencontre entre Mme Merkel et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.  Plusieurs pays européens, dont l'Allemagne, ont réintroduit les contrôles d'identité aux frontières en 2015 en réponse à l'afflux massif de réfugiés.