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L'Irak doit-il exécuter Saddam Hussein?

Anne Le Touzé28 décembre 2006

La presse allemande revient ce matin sur la confirmation de la condamnation à mort de Saddam Hussein, qui devrait être pendu avant trente jours. Un sujet qui divise l’opinion publique aussi bien en Irak qu’à l’étranger. La plupart des éditorialistes allemands craignent que l’exécution de l’ancien président irakien ne renforce le climat de violence dans le pays.

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Image : AP

Le gouvernement américain espère que la condamnation à mort de Saddam Hussein sera une étape importante pour l’Irak, écrivent les Dresdner Neueste Nachrichten, mais cet espoir pourrait se révéler trompeur. L’époque est révolue, où la colère envers un dictateur sans scrupules suffisait pour unir les groupes ethniques du pays. Chiites, Kurdes et Sunnites sont de plus en plus divisés et la guerre civile menace d’éclater dans de nombreux endroits. On peut se demander à juste titre si la vision du dictateur à la potence apportera assez de satisfaction pour laisser suffisamment de vapeur s’échapper de la soupape. Ou si au contraire elle ne risque pas d’accentuer encore plus les tensions entre partisans et opposants de l’ancien président.

La Süddeutsche Zeitung émet une opinion semblable : à l’origine, le procès de l’ancien dictateur était lié à un espoir de réconciliation entre les Irakiens. Cette attente était, dès le départ, une illusion. Pour résoudre son dilemme entre la volonté d’une punition sévère et le souhait d’un nouveau départ politique, poursuit le journal, l’Irak devrait choisir de ne pas tuer Saddam, mais de l’enfermer à vie derrière les barreaux et de le faire comparaître devant les tribunaux, jusqu’à ce justice soit rendue sur tous les crimes dont il est coupable.

Le président Talabani devrait réfléchir à deux fois avant de signer l’acte d’exécution, renchérit la Frankfurter Rundschau. Non seulement pour des raisons éthiques – après tout, le président irakien est personnellement opposé à la peine de mort – mais également pour des raisons juridiques, étant donné les irrégularités flagrantes qui ont marqué ce procès. Plus grave encore, l’exécution de Saddam Hussein couperait court aux autres poursuites contre l’ancien raïs, notamment à celles concernant les campagnes meurtrières contre les Kurdes en 1988. S’il n’y a pas de procès sur cette affaire, on ne pourra pas parler du rôle des Etats-Unis ni de la manière dont l’administration Reagan avait, à l’époque, fermé les yeux sur cette violation volontaire du droit international.

La Schwäbische Zeitung, enfin, estime que les félicitations adressées par le gouvernement américain aux juges irakiens ont un arrière-goût prononcé qui trahit le soulagement de Washington de ne pas avoir à faire soi-même le sale boulot. Il aurait été plus courageux de laisser croupir Saddam en prison. Son cas exemplaire aurait montré que le cercle vicieux de la violence doit enfin être brisé.

En attendant, la spirale de la violence est loin d’être enrayée en Irak. Selon des statistiques de l’Onu, les attentats, tirs de mortier et exécutions sommaires font en moyenne plus de cent morts par jour dans le pays, au bord d’une guerre civile.