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L'horreur dans les Monts Nuba

Marie-Ange Pioerron2 juillet 2012

Le Soudan figure parmi les thèmes africains traités par la presse allemande. Un journal publie un long reportage sur l'horreur vécue au quotidien par les habitants des Monts Nuba, à la lisière avec le Soudan du sud.

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Après des combats dans la ville de TessImage : picture alliance/landov

Le titre de ce reportage paru dans die tageszeitung donne le ton: "dans la peur perpétuelle de la mort". Survivre dans les monts Nuba n'est plus possible, écrit Bettina Rühl, la journaliste qui s'est rendue sur place. Depuis un an le président soudanais El Béchir fait bombarder régulièrement la région, et les bombes frappent principalement des civils. Plus personne ou presque n'ose encore aller cultiver son champ. Beaucoup de paysans ont été blessés. La dernière récolte a déjà été mauvaise et les réserves sont épuisées depuis longtemps. "Nous avons faim", dit à notre consoeur, d'une voix à peine audible, un jeune homme de 27 ans. "Depuis deux semaines nous ne mangeons plus que des feuilles d'arbres". Pendant la longue guerre pour l'indépendance du Soudan du sud, rappelle Bettina Rühl, les rebelles, dans les monts Nuba, se sont battus aux côtés de ceux du sud. Dans l'accord de paix de 2005, le statut de la région n'a pas été tranché. Il était prévu que la population choisisse, par référendum, si elle voulait appartenir au nord ou au sud. Omar El Béchir n'a jamais autorisé la tenue de ce référendum.

Unruhen in Khartum
La colère du peuple à KhartoumImage : picture-alliance/dpa

Agitation dans les ruelles de Khartoum

A Khartoum, c'est aux gaz lacrymogènes et aux matraques que le président soudanais a recours pour réprimer les manifestations. Ces manifestations se sont multipliées ces derniers temps, et la presse allemande s'en fait l'écho. Comme l'écrit la Süddeutsche Zeitung, les messages du printemps arabe ont remonté le cours du Nil, depuis Le Caire, et flottent dans les ruelles de la capitale soudanaise: à bas la dictature, à bas Omar El Béchir. Le régime tente d'étouffer par tous les moyens ces pensées insurrectionnelles. Jusqu'à présent Omar El Béchir y est parvenu. Il tient fermement en main son appareil répressif et ce ne sont pas des étudiants contestataires qui, à eux seuls, peuvent lui tenir tête. Mais cela durera-t-il, s'interroge le journal. Une chose est sûre: le président soudanais, inculpé par la Cour pénale internationale, ne peut plus réprimer aussi facilement le mécontentement du peuple. Cela ne tient pas seulement à la soif de liberté mais aussi et surtout à la dureté de la crise économique vécue par la population.

Kairo Präsident Mursi
Le nouveau président égyptienImage : Reuters

Triomphe de l'islam politique

La presse allemande redescend ensuite le Nil pour se pencher sur la victoire de Mohamed Morsi, le candidat des Frères musulmans, à l'élection présidentielle en Egypte. Cette victoire est synonyme du plus grand triomphe enregistré jusqu'à présent par l'islam politique, lit-on dans la Süddeutsche Zeitung. Mais souligne le journal, rarement le nouveau président d'un Etat n'a suscité des réactions aussi mitigées que Mohamed Morsi. Premièrement parce que l'étendue de son pouvoir dépendra du bon vouloir des militaires. Deuxièmement parce que ses partisans, après des décennies de répression et de persécution, attendent de lui des miracles qu'il ne pourra accomplir. Et troisièmement parce qu'à l'étranger on le regarde d'un oeil sceptique. Morsi veut certes maintenir le traité de paix avec Israël, mais il veut aussi un rapprochement avec l'Iran. Cela inquiète Israël, qui a commencé à renforcer sa frontière sud. Quant à la personalité du nouveau président égyptien, le journal souligne que, même à l'aune des critères conservateurs des Frères musulmans, Mohamed Morsi n'est pas un réformateur. Ses déclarations sur la charia et l'interdiction de l'alcool sont suffisamment vagues pour autoriser les pires craintes. Le fait qu'il ait étudié et enseigné en Californie, le fait que deux de ses cinq enfants y soient nés et aient la nationalité américaine, n'ont pas entamé son rejet de l'occident et de ses valeurs, ajoute la Süddeutsche Zeitung.

Sambia Wahlsieger Präsident Michael Sata
Michael Sata lors de sa victoire électoraleImage : AP

Naissance d'une dictature

La presse allemande s'intéresse aussi à un autre président africain: le Zambien Michael Sata. Il a été élu il y a neuf mois, lors d'un scrutin jugé libre. Le pouvoir lui a été transmis dans les règles par son prédécesseur Rupiah Banda. Pendant sa campagne électorale Michael Sata avait promis d'en finir avec la corruption. Le bilan n'est pas glorieuxà en juger par ce qu'écrit un quotidien allemand. Cela donne même le frisson, estime la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Le ministère des finances est dirigé par un oncle de Michael Sata alors que le vice-ministre est un neveu de Sata. Le ministre du commerce est le père de sa belle-fille alors que le ministère de la défense a été attribué à un autre neveu. Et poursuit le journal, comme dans toute entreprise familiale, la famille se réserve des contrats juteux. Le ministre de la défense dirige parallèlement une entreprise qui s'est assuré un contrat lucratif pour l'approvisionnement des forces armées en produits alimentaires. D'un autre côté, l'entreprise du ministre des finances est en train de rénover le siège du gouvernement pour l'équivalent de 100 000 euros. Il n'y a jamais eu d'appel d'offres. Plus généralement, poursuit le journal, les généreux donateurs du Front patriotique, le parti au pouvoir, bénéficient d'avantages économiques et sont à l'abri de toute enquête judiciaire. En revanche, quiconque contredit publiquement la politique de Sata se retrouve rapidement devant l'une des commissions anti-corruption. Tout cela, précise le journal, est exposé dans une lettre ouverte adressée par l'opposition zambienne à l'Union européenne. La liste des reproches est longue, et surtout: il ne s'agit pas d'accusations en l'air. Elles sont toutes documentées. On assiste en Zambie à la naissance d'une dictature.