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"L'homme aux deux visages" n'est plus

Marie-Ange Pioerron24 août 2012

Après la mort du premier ministre éthiopien Meles zenawi, l'Ethiopie est pour la presse allemande le grand sujet africain.

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La mort de Meles Zenawi est annoncée le mardi 21 aôut 2012
La mort de Meles Zenawi est annoncée le mardi 21 aôut 2012Image : picture-alliance/dpa

Cette mort inspire beaucoup d'articles, elle suscite aussi des interrogations, comme celle-ci, lue dans die tageszeitung: est-il réellement mort le 20 août à 23h40 comme l'a annoncé la télévision d'Etat. Ou bien le décès est-il intervenu beaucoup plus tôt, comme l'affirment inlassablement des opposants en exil. Des rumeurs sur la mort de Meles Zenawi circulaient depuis des semaines, note le journal, mais la fière Ethiopie, le seul Etat africain à avoir une tradition pluri-millénaire ininterrompue, ne s'arrête pas à ce genre de détail. Lors de la dernière mort naturelle d'un dirigeant éthiopien en exercice, l'incertitude avait duré une année. C'était en 1916, à la mort de l'empereur Menelik II. A la fin du 19ème siècle il fut le seul roi d'Afrique à repousser la conquête européenne. Comme son illustre prédecesseur, Meles Zenawi a radicalement changé l'image de l'Ethiopie dans le monde, poursuit le journal. Du moins sur le terrain économique. La pauvreté a fortement regressé. La croissance affiche en pemanence des taux de 7%. Politiquement en revanche, Meles Zenawi a opéré moins de changements, et c'est d'ailleurs le fondement de ses succès économiques.

Aux yeux du Tagesspiegel de Berlin, la mort de celui qu'on surnommait "l'homme aux deux visages" est un sérieux revers pour l'Ethiopie. Du moins économiquement. Sous sa houlette, l'Ethiopie s'est débarrassée de son image de pays de la famine. Mais le journal dénonce lui aussi l'autoritarisme de Meles Zenawi, le gendarme de la Corne de l'Afrique, et rappelle qu'il a jeté des milliers d'opposants politiques en prison. Quant à savoir ce que sa mort signifie pour une région troublée, les pronostics sont difficiles. La conflit avec le voisin érythréen, qui a fait des milliers de morts entre 1998 et 2000, pourrait facilement reprendre. L'imprévisible président érythréen Isaias Afeworki pourrait se sentir encouragé par le vide du pouvoir à Addis Abeba, pour poursuivre le conflit armé. La Frankfurter Allgemeine Zeitung voit en Meles Zenawi un partenaire stratégique de l'occident et un dirigeant impitoyable, alors que pour la Süddeutsche Zeitung sa mort est tout sauf une affaire intérieure éthiopienne. L'Ethiopie est aujourd'hui l'un des acteurs politiques et économiques les plus influents sur le continent. Meles Zenawi n'en a jamais fait mystère, souligne le journal: il s'inspirait plus de la Chine que des donateurs occidentaux pour ce qui est du rapport entre développement économique et démocratie. Mais les occidentaux ont souvent eu un oeil indulgent pour ses excès: L'Ethiopie est parmi les principaux partenaires stratégiques des Etats-Unis dans la région. Meles Zenawi a envoyé ses propres troupes en Somalie pour y combattre les milices islamistes al-chebaab.

Sous la grève des problèmes plus profonds

Image d'une échauffourée entre mineurs et forces de sécurité sur le site minier de Marikana
Image d'une échauffourée entre mineurs et forces de sécurité sur le site minier de MarikanaImage : Reuters

L'Afrique du Sud reste un autre centre d'intérêt pour la presse allemande. Les grèves dans le secteur minier mettent au jour des problèmes beaucoup plus profonds que les revendications salariales. Comme l'écrit la Süddeutsche Zeitung, la crise est compliquée. C'est un conflit entre le grand capital, tout en haut, et les travailleurs, tout en bas, mais ce n'est pas tout. Les mineurs se sentent abandonnés à leur sort, lâchés par leur propre syndicat qu'ils accusent de trahison. Ils sont en colère contre les dirigeants politiques du Congrès national africain qui gouverne l'Afrique du sud depuis la fin de l'apartheid mais se préoccupe peu du sort des mineurs. Et ils ont perdu confiance dans leur président, Jacob Zuma, qui dans ce drame donne l'impression d'être étrangement absent. Des policiers lourdement armés qui tirent avec des fusils automatiques sur des travailleurs noirs et provoquent un bain de sang - ce qui s'est passé dans la mine de Marikana, lit-on dans l'hebdomadaire Die Zeit, a suscité partout les mêmes commentaires: un massacre comme au pire temps de l'apartheid. Mais la comparaison est trompeuse. A l'époque il s'agissait d'atrocités orchestrées par l'Etat, et commises par un régime raciste contre la population noire. Marikana est le théâtre d'un brutal conflit du travail. D'un côté une multinationale qui exploite des matières premières en visant un profit maximal, de l'autre une armée d'esclaves qui se sentent exploités. Entre les deux: des managers irresponsables, des leaders syndicaux assoiffés de pouvoir et des organes étatiques qui échouent lamentablement. Un conflit donc, tel qu'il peut éclater dans la course aux précieuses matières premières dans n'importe quel pays émergent ou en développement, ajoute Die Zeit.

Violences et justice internationale

Le Kenya est meurtri par des conflits interethniques
Le Kenya est meurtri par des conflits interethniquesImage : picture-alliance/dpa

Le sang a coulé aussi au Kenya. 48 personnes au moins ont trouvé la mort dans le sud-est du pays lors d'affrontements entre deux groupes ethniques, les Pokomo et les Orma. La presse allemande se fait l'écho de ces violences. Des violences occasionnées une fois de plus, note la Süddeutsche Zeitung, par les problèmes d'accès à l'eau et à la terre. Les Orma, des musulmans, vivent de l'élevage, les Pokomo, des chrétiens, de l'agriculture et de la pêche. Ce sont, souligne le journal, les pires affrontements à caractère ethnique depuis l'élection présidentielle de fin 2007. Quatre présumés instigateurs de ces violences, rappelle le journal, sont inculpés de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale, parmi eux Uhuru Kenyatta, le fils du premier président kenyan.

Toujours à propos de justice internationale die tageszeitung évoque dans un éditorial les difficultés sur lesquelles bute, en Allemagne, le procès des deux Rwandais accusés d'avoir dirigé, depuis l'Allemagne, les atrocités commises dans l'est de la RDC par les milices hutu rwandaises des FDLR. Le procès de Stuttgart, écrit le journal, ouvre en Allemagne une porte sur la justice internationale, mais cette porte ouverte montre aussi que le chemin est encore long. La mondialisation de la justice n'en est encore qu'à ses débuts. Le procès des FDLR laisse entrevoir l'ampleur des défis à relever dans la lutte mondiale contre l'impunité.