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L'Europe veut se chauffer au soleil de l'Afrique

Jean-Michel Bos20 août 2009

Lancé le mois dernier, le projet Desertec vise à installer de gigantesques centrales solaires dans le désert du Sahara pour produire de l’électricité qui ira alimenter les foyers européens

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Vue aérienne d'une centrale solaire dans le désert Mojave de Californie
Vue aérienne d'une centrale solaire dans le désert Mojave de CalifornieImage : AP

Les énergies renouvelables devront représenter 20% de la consommation européenne globale d’énergie d’ici 2020, c’est du moins l’objectif que se sont fixés les 27 états membres l’année dernière. Et c’est dans ce contexte que le projet solaire Desertec a été lancé le 13 juillet dernier par une douzaine d’entreprises, essentiellement allemandes comme les géants de l’énergie RWE et EON.

Un demi-million d’emplois

L'industrie allemande possède une avance technologique en matière d'énergie solaire
L'industrie allemande possède une avance technologique en matière d'énergie solaire

Les ambitions de Desertec sont grandes et la facture est lourde. Le projet propose rien moins que construire des installations solaires réparties sur plusieurs milliers de kilomètres carrés en plein désert et celles-ci devraient pouvoir couvrir jusqu’à 15% des besoins en électricité de l’Europe d’ici 2025. Voilà pour les ambitions. Quant à la facture, elle est de 400 milliards d’euros sur une période de quarante ans, un investissement gigantesque qui fait un peu douter certains experts de la rentabilité du projet. Mais du côté de Desertec, on ne cache pas les enjeux industriels qui reposent sur ce projet. « Nous estimons que sur les trente prochaines années, ce projet va générer un demi million d’emplois dans le monde, des emplois directement liés à la constructions des centrales solaires »,estime Max Schön, le président de la branche allemande du Club de Rome qui est à l’origine de Desertec. « Ainsi, ce nouveau type d’industrie, qui repose en grande partie sur des entreprises allemandes, pèsera dans trente ans aussi lourd que l’industrie automobile aujourd’hui. »

Néo-colonialisme

Carte du projet Desertec dans le désert du Sahara
Carte du projet Desertec dans le désert du SaharaImage : DESERTEC

L’enjeu est donc de taille pour l’industrie allemande. Et on trouve là le germe d’une critique qui dénonce le caractère néo-colonialiste d’un projet qui sera non seulement destiné à donner une avance technologique à l’Allemagne mais en plus, qui a pour vocation de transporter ensuite l’électricité en Europe. Sans qu’on sache vraiment quelle part de cette électricité pourrait être revendue sur place à des pays qui en ont forcément besoin. « Nous ne pouvons pas être juste un pays de transit », avertit Amal Haddouche, la directrice du Centre de développement des énergies renouvelables au Maroc « Le Maroc a lui-même des problèmes d’alimentation en énergie. Nous sommes dépendants à 95% des nos importations. La question de la sécurité de l’approvisionnement énergétique est donc primordiale. Et sur ce point, nous avons les mêmes soucis que les Européens. »

Cette question de la distribution de l’énergie sur place reste donc essentielle. Personne ne sait encore quelle sera la part envoyée en Europe et celle revendue aux pays d’Afrique du nord. Mais il est aisé de comprendre que les grandes entreprises privées engagées dans Desertec ne vont pas se bousculer pour vendre une partie de cette électricité dans des pays où les prix pratiqués sont nettement plus bas qu’en Europe.

Le Maroc a déjà commencé

Rabbat a déjà donné son feu vert à la construction d’une centrale solaire dans la région orientale du pays, près de la frontière Algérienne. Cette centrale entrera en fonction en 2010 et si elle ne fait pas partie du projet Desertec, elle est malgré tout un exemple de ce qui pourra être réalisé dans le cadre de ce grand projet. Puisqu’à elle seule, cette installation devrait assurer près de 10% des besoins en électricité du Maroc.

Un reportage de Merième Addou.

« Desertec se heurte à un triple obstacle »

Le projet Desertec suscite donc des réserves, voire carrément des critiques. Pour Maïté Jauréguy-Naudin par exemple, expert en énergie à l’Institut français des relations internationales, ce projet se heurte à des obstacles financiers, en raison de son coût, diplomatiques aussi car il se situe dans des régions instables. Et puis des obstacles industriels car l’Europe ne possède pas encore les structures pour accueillir cette électricité produite en Afrique. Et puis pourquoi construire des centrales dans le Sahara quand on peut tout simplement installer des panneaux solaires sur les maisons en Europe ?

Un entretien avec Maité Jauréguy-Naudin