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Le Sénégal durement touché par la flambée des prix alimentaires

6 juin 2011

La montée rapide des prix des aliments de base à l'échelon planétaire, frappe particulièrement de nombreux pays, comme par exemple, le Sénégal. Pour de nombreuses familles, faire les courses est devenu un réel problème.

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Sénégalaise préparant le poisson pour le marchéImage : picture-alliance / © Balance/Photoshot

Aussi nombreux sont les Sénégalais qui ne font qu’un repas par jour. Les organisations de défense des droits humains sonnent l’alarme face à cette situation qui créée une injustice sociale grandissante.

Une manifestation à Dakar

Plusieurs milliers de personnes, avant tout des jeunes, se sont rassemblés dans le centre de la capitale sénégalaise pour protester contre la flambée des prix. Les femmes sont en surnombre dans la foule- ce n’est pas étonnant puisque ce sont les ménagères qui le plus souvent portent la responsabilité de nourrir les familles. Touti Samb, l’une de ces manifestantes, est lassée de la situation et des prix qui s’envolent :

„Les aliments sont si chers! Le sac de riz est cher, les tomates sont chères, tout est cher. Je fais ce que je peux pour faire chaque jour quelque chose à manger, mais tout est tellement cher!"

Robert Zoellick / Weltbank / Washington
Robert Zoellick président de la Banque MondialeImage : AP

Récemment encore, le président de la Banque Mondiale, Robert Zoellick, a relevé que de plus en plus de pauvres souffrent de l’instabilité et de la montée des prix des denrées alimentaires et sombrent dans la misère. Selon un rapport de la Banque Mondiale, ces prix ont augmenté en moyenne de 36% en un an.

Cependant même s’il s’agit d’un problème global, Alioune Tine, Président de l’Organisation RADDHO (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme) considère que l’Etat au Sénégal, est lui aussi responsable:

Le droit à la nourriture est un droit fondamental !

Le droit à la nourriture, le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit au travail sont des droits fondamentaux de l’Homme. Et il me semble que travailler à la souveraineté d’un Etat, c’est déjà de se doter de la capacité de nourrir les populations. Il est évident que, quand on regarde en Afrique, la plupart des crises naissent de l’incapacité des Etats à faire face à ces défis."

Alioune Tine
Alioune Tine, Président de la RADDHO (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme)Image : RADDHO

Au Sénégal, souligne Alioune Tine, le fossé est profond entre les couches sociales les plus aisées et le reste de la population: au sommet de la société, une minorité ne doit renoncer à rien. Mais déjà les classes moyennes ont de sérieux problèmes pour s’alimenter correctement: dans les faubourgs de Dakar, force est de constater un appauvrissement de ces couches de population qui souvent ne peuvent plus se permettre qu’un repas par jour.

Fatou Bintou Ndiaye, mariée et mère de trois enfants, vit dans la vieille ville de la capitale sénégalaise. Elle aussi manifeste contre les prix élevés des denrées alimentaires. Si elle veut par exemple réussir un bon "thiébou diène", un plat de poisson au riz, spécialité sénégalaise, elle a besoin, en plus du poisson et du riz, de beaucoup d’huile, de concentré de tomate et de divers légumes frais: des oignons, des carottes, du chou, des aubergines. Fatou Bintou Ndiaye :

„Le riz est cher, l’huile est chère, le sucre est cher. Tous les aliments sont devenus très chers. Certains sont des véritables produits de luxe. Pour les ménagères comme moi, ces augmentations répétées sont d’énormes difficultés. Sur le marché les prix augmentent d’un jour à l’autre: un kilo de légumes, qui coûte aujourd’hui 400 Francs, peut coûter demain déjà le double ou le triple! Vraiment, y 'en a marre!"

Pourquoi cette inflation des prix de l'alimentaire?

La Banque Mondiale explique cette inflation des prix par plusieurs facteurs: du carburant de plus en plus cher, des mauvaises récoltes, et une augmentation des surfaces agricoles consacrées à la production de carburant bio, au détriment de la production de légumes ou de céréales destinés à l’alimentation. Le problème dans de nombreux pays africains – et donc aussi au Sénégal: les gens y sont plus touchés par la flambée des prix que dans les pays industrialisés, parce qu’ils doivent consacrer proportionnellement une plus grande partie de leurs revenus à l’achat de nourriture.

Senegal Markt Lebensmittel
Au marchéImage : Babou Diallo

Le marché de Nguélaw dans le quartier Grand Dakar est très fréquenté. Partout on entend commerçants et clients marchander haut et fort. La montée des prix se fait durement ressentir, pour les clients mais aussi pour les commerçants. Ces derniers ont le sentiment de devoir se justifier en permanence pour des prix qu’ils ne fixent pas eux-mêmes, mais qui leur sont dictés par le marché mondial;et si ces prix grimpent, leur marge bénéficiaire, elle, n’augmente pas pour autant. Un vendeur sur le marché:

„ Le gouvernement doit enfin entreprendre quelque chose! Il pourrait par exemple subventionner les denrées alimentaires de base. Alors, je pense que les prix pourraient de nouveau baisser. Mais personne ne peut exiger de nous d’acheter quelque chose pour 200 francs pour le revendre au même prix! Pour nous aussi les denrées alimentaires sont chères, pour nous aussi c’est dificile!"

Ce ne sont pas les vendeurs qui profitent des prix élevés mais les spéculateurs, affirme aussi le militant pour les Droits de l’Homme, Alioune Tine. Certains constituent des réserves, pour revendre quand l’offre est réduite et la demande forte:

„Il y a vraiment beaucoup de spéculation. Et l’Etat également n’a souvent pas les moyens réels de faire face à cette flambée des prix. Parce que l’administration est assez limitée, et des fois également , il y a des cas de corruption qui fait qu’on peut fermer les yeux sur ce qui peut arriver."

Y'en a marre!

Les plaintes et manifestations de la population ne montrent guère d’effets jusqu’ici. Toutefois les militants de l’alliance „Y'en a marre!" ne se laissent pas décourager. Ce sont eux qui ont récemment initié la grande manifestation dans le centre de Dakar, manifestation qui a réuni des milliers de personnes pour protester contre la flambée des prix au Sénégal.

Senegal Markt Lebensmittel
Stand sur un marché de DakarImage : Babou Diallo

Cette alliance, active depuis janvier dernier a été initiée par des membres du célèbre groupe de rap „Keur gi". Ils mobilisent contre le coût de la vie trop cher et s’engagent pour les droits des citoyens. Le „rappeur" Oumar Touré alias Thiat:

Nous avons vu que notre pays était en train de traverser des moments difficiles et on a eu l’impression que nous les jeunes, nous avions une forte responsabilité et un engagement à prendre. On ne doit plus accepter que les denrées de première nécessité se vendent à des prix astronomiques!"

Le militant Alioune Tine soutient les revendications de l’alliance „Y'en a marre!" et des manifestants. Pour lui le gouvernement se doit d’agir et „avoir une vision où effectivement, dans la politique, c’est dire la priorité de nourrir les populations, c’est de régler la question de l’autosuffisance alimentaire. Donc, de la nourriture à un prix qui permet à tout le monde vraiment de manger à sa faim."

Auteur(s): Babou Diallo/ Dirke Köpp/ Ph. Pognan
Edition: Marie-Ange Pioerron