1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Le père de tous les dissidents

Anne-Julie Martin5 août 2008

Le Premier ministre russe Vladimir Poutine et des centaines d'anonymes ont rendu un dernier hommage à Alexandre Soljenitsyne et tous les grands quotidiens allemands consacrent leur Une à l'écrivain décédé dimanche soir.

https://p.dw.com/p/EqwG
Russian President Vladimir Putin (unseen) congratulates ailing writer Alexander Solzhenitsyn, winner of the 2006 State Prize for outstanding achievement in humanitarian work, in the village of Troitse-Lykovo, near Moscow, June 12, 2007. Photo: Mikhail Klimentyev/ITAR-TASS +++(c) dpa - Report+++ pixel
Alexandre Soljenitsyne, à la fois figure d'autorité morale et personnage controverséImage : picture-alliance/dpa
Alexander Solzhenitsyn's widow Natalya stands next to his coffin, during a farewell ceremony in Moscow on Tuesday, Aug. 5, 2008. Hundreds of Russians lined up in the pelting rain Tuesday to pay tribute to the author, who died Sunday at the age of 89, as the author, dissident and patriot lay in state inside the Russian Academy of Sciences. A military honor guard stood next to Solzhenitsyn's open casket, located in a cavernous hall at the academy, as mourners filed by and placed long-stemmed flowers at the foot of the bier. The ceremony had many of the trappings of a state funeral. Solzhenitsyn, who died from a chronic heart condition at his home outside Moscow, is to be buried at Moscow's Donskoi Monastery on Wednesday. (AP Photo/ Misha Japaridze)
Avant les funérailles, sa dépouille mortelle est exposée à l'Académie des sciences de MoscouImage : AP

Il était une grande figurede son siècle et dans tous les sens du terme, écrit die Welt. Non seulement parce que cet homme né un an après la Révolution a survécu presque deux décennies à l'Union soviétique. Mais aussi parce que le totalitarisme du XXe siècle était son thème de prédilection, au-delà des frontières. Sa mort soulève encore une fois, mais pas pour la dernière fois, la question des conditions des dissidents dans les dictatures et le lien entre martyre et littérature. Le temps des Samizdat russes est fini. L'ère des nouvelles technologies semblaient au départ marquer le triomphe de la vérité et la fin de toute censure. Mais le gouvernement chinois en fournit actuellement un contre-exemple.


La signification profonde, historique et morale, de l'œuvre de Soljenitsyne est qu'il a donné un lieu de mémoire littéraire aux victimes et à leurs familles, estime la Tageszeitung. Mais dans la Russie contemporaine, cette mémoire est comme engloutie. Et en Occident aussi, on oublie souvent les goulags. C'est pourquoi des nations comme la Pologne, l'Estonie ou la Lituanie, qui ont connus des centaines de milliers de déportations, parlent d'une mémoire européenne clivée, d'un manque d'égard envers leurs victimes. C'est ainsi que la signification de l'œuvre L'Archipel du Goulag est toujours actuelle. Comme une invitation à se solidariser avec TOUTES les victimes de régimes violents.


La Süddeutsche Zeitung se rappelle les vingt ans d'exil et tous les voyages de l'écrivain. Notamment l'époque où il vécut à Cologne chez son ami allemand Heinrich Böll, comme lui prix Nobel de littérature. La tragédie d'Alexandre Soljenitsyne, selon le journal, réside dans le fait que la Russie concentrée sur le présent et avide d'harmonie ait mis de côté son mérite tout comme le souvenir de la terreur. Mais elle réside également dans le fait que l'écrivain n'ait jamais reconnu la force de son peuple qui se libéra du bolchevisme sans faire couler le sang.


La Frankfurter Allgemeine Zeitung enfin parle d'un « choc Soljenitsyne », un choc qui fut le dernier séisme provoqué par un livre. Au jour de sa mort, L'Archipel du Goulag n'est pas disponible en Allemagne. Ceci n'est pas un symbole culturel pessimiste mais le signe de ce que cela signifie, lorsque après une victoire sur l'histoire, l'histoire continue son cours.