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Le mandat d'arrêt européen: anticonstitutionnel

Marie-Laure Graillot19 juillet 2005

Les délinquants de nationalité allemande présumés coupables ne peuvent plus êtres extradés vers d’autres pays membres de l’Union Européenne pour le moment. C’est ce qu’a décidé le tribunal constitutionnel de Karlsruhe hier, suite à la plainte du germano-syrien Mamoun Darkazanli. Le tribunal a estimé que la transposition du mandat d’arrêt européen dans le droit national était anticonstitutionnelle, et c’est sur cette décision que reviennent les quotidiens allemands ce matin.

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Image : dpa

« Une gifle » pour les parlementaires allemands, titre la Süddeutsche Zeitung. Le tribunal de Karlsruhe fait la leçon au pouvoir législatif, en lui expliquant qu’il faut mettre des ingrédients allemands dans la recette du mandat d’arrêt européen, si l’on veut qu’il soit applicable en Allemagne, en conformité avec la constitution nationale. Pour le journal, la décision de Karlsruhe est une victoire pour les droits fondamentaux et elle permet au tribunal de se libérer de son infériorité face à la cour de justice européenne et de montrer aux parlementaires que l’on peut avoir son mot à dire face à Bruxelles.

Mais ce n’est pas que Bruxelles qui a pris un coup sur le nez hier, rajoute la Tageszeitung, c’est aussi le gouvernement et le parlement qui, eux, avaient adopté le mandat d’arrêt européen, sans se préoccuper d’avantage de sa compatibilité avec la législation en vigueur en Allemagne. « Un revers », d’après Brigitte Zypries, la ministre de la justice allemande, en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme à l’échelle internationale. Mais ce n’est pas l’heure de se repentir, explique le quotidien : « Les parlementaires doivent revoir leur copie ». La Commission Européenne a appelé Berlin à réparer aussi vite que possible les déficits de sa législation. A l’avenir, les droits fondamentaux des coupables présumés, susceptibles d’être extradés, doivent apparaître sur le papier, et en principe, note le journal, cette transparence n’est pas une mauvaise chose.

Un transparence qui n’existait pas sous l’Allemagne nazie. La Frankfurter Allgemeine Zeitung revient, de son côté, sur le contexte historique dans lequel est née la législation allemande sur la procédure d’extradition des allemands présumés coupables. Cette législation n’a pas pour but de protéger les délinquants, mais les êtres humains. Le journal s’explique en ces termes : L’interdiction de livrer des allemands en dehors des frontières nationales a été instaurée en réaction au troisième Reich, qui ne protégeait pas tous les allemands de la même manière, et qui se référait à l’appartenance ethnique des accusés. La législation aujourd’hui en vigueur garantit à tous les allemands les mêmes droits, et estime que l’extradition vers un autre pays pourrait limiter ces droits : les accusés d’origine allemande pourraient avoir des difficultés à se défendre dans une langue étrangère, avec des lois qui leur sont étrangères, et de plus, les conditions de leur incarcération peuvent être mises en doute.

« Les citoyens allemands ont le droit d’être traité et jugé selon des principes qu’ils connaissent et auxquels ils peuvent se fier », estime elle aussi Die Welt. « La protection des droits fondamentaux doit être préservée sans concessions, aussi et surtout si Bruxelles recommande autre chose », souligne le journal.