La loi d'expropriation inquiète
19 février 2009En ces temps de crise, écrit Die Welt, le gouvernement ne connaît décidément plus aucun tabou. L'opinion publique a eu, hier, une occasion supplémentaire de s'en rendre compte. La coalition a donné son feu vert à sa "loi de stabilisation des marchés financiers". Mais elle a déjà perdu une bataille car dans le langage populaire, on ne parle que de "loi d'expropriation". Et c'est exactement de cela qu'il s'agit, estime Die Welt, qui met par ailleurs en garde contre les velléités protectionnistes de l'Allemagne qui pourraient faire tâche d'huile en Europe.
Pour la Frankfurter Allgemeine Zeitung également, cet empiètement dans les deux pilliers de l'économie de marché que sont le droit à la propriété privée et la liberté de contrat revient à briser un tabou. Même si la loi fondamentale allemande autorise l'expropriation moyennant compensation, cette loi nécessite une légitimation particulière, sans quoi l'Allemagne risque de voir les investisseurs prendre leurs jambes à leur cou. Or, rappelle le journal, le gouvernement n'a pas encore apporté la preuve que la loi d'expropriation est vraiment nécessaire. Il cherche seulement à brandir une menace pour inciter les actionnaires d'un certain institut – la banque Hypo Real Estate – à coopérer. C'est discutable, estime la FAZ.
Arrêtons l'hystérie, recommande la Süddeutsche Zeitung. Certains ont l'impression que le monde est sens dessus dessous, comme si une chancelière conservatrice voulait rétablir le communisme en Allemagne. Pour paraphraser Angela Merkel, ceci est "d'une absurdité totale". En réalité, poursuit le journal, le terme d'expropriation est inapproprié. Il faudrait plutôt dire qu'au vu des circonstances économiques globales, le gouvernement prend le contrôle d'un institut qu'il maintient en vie artificiellement depuis plusieurs mois et dont les propriétaires ont montré leur incompétence. Néanmoins, reconnaît la SZ, l'autoflagellation de la CDU est compréhensible quand on voit que c'est dans les pays modèles du capitalisme, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, qu'on a le plus nationalisé et dépossédé les actionnaires.
La tageszeitung fait sa Une sur un tout autre thème : celui du long combat perdu par Gerson Liebl, petit-fils d'un médecin allemand établi dans une colonie au Togo, pour obtenir la nationalité allemande. Peut-on voir dans ce cas autre chose qu'un acte de racisme, s'interroge le journal ? Manifestement, les autorités allemandes ont tout fait pour empêcher que le cas de Gerson Liebl fasse jurisprudence. Sinon, quelques centaines d'Africains pourraient venir réclamer la même chose, quelle horreur ! Pendant 18 ans, Gerbson Liebl ne s'est pas battu pour son seul cas personnel, mais pour tous les descendants de colons en Afrique. Il a pour cela refusé quelques ponts dorés qui lui auraient au moins assuré un permis de séjour. Ce fut une erreur. Gerson Liebl a été renvoyé au Togo hier, il laisse en Allemagne une femme et un fils de huit ans, né en Bavière.